Ring
Ringu
Deux adolescentes s'amusent à se faire peur en se racontant la légende urbaine de la cassette vidéo maudite. Cette vidéo qui, une fois visionnée, provoque la mort du spectateur sept jours après avoir reçu un macabre coup de téléphone. Malheureusement pour l'une d'elle, la rumeur est bien fondée ! Suites à plusieurs morts inexpliquées, la journaliste Reiko décide d'enquêter. Elle réussit enfin à dénicher la fameuse vidéo et ose la regarder. Mais son enfant, âgé de six ans, la regarde aussi. Avec l'aide de son ex-époux, qui lui aussi a visionné la cassette, elle va essayer à tout pris de résoudre l'énigme de cette malédiction, avant que sept jours ne passent... L'enquête les mènera sur l'île d'Izu, où est morte une jeune fille, Sadako, qui semblait posséder d'étranges pouvoirs...
L'AVIS :
Japon, 1998 : une date pour le cinéma d'épouvante mondial. En adaptant le roman Ring de Koji Suzuki, Hideo Nakata a créé, il y a presque 25 ans, une des figures les plus mythiques du cinéma nippon, et entraîné un élan d'intérêt pour le cinéma d'épouvante asiatique, et plus particulièrement la "J-Horror". "Dark Water", du même Hideo Nakata, "Kaïro", de Kiyoshi Kurosawa, "La Mort en ligne" de Takashi Miike, la saga "Ju-On" de Takashi Shimizu, mais aussi les thaïlandais "The Eye" des frères Pang ou "Shutter" de Banjong Pisanthanakun et Parkpoom Wongpoom, jusqu'à la vague de remakes américains par Gore Verbinski ("Le Cercle - The Ring"), Walter Salles ("Dark Water") ou Shimizu lui-même ("The Grudge") : tous sont les enfants de Ring.
On retrouve ainsi dans le film de Nakata l'ensemble des ingrédients qui définiront le genre. Si le spectre d'une jeune femme aux cheveux longs était relativement inconnu en Occident, il constitue une figure assez classique du folklore japonais : on pense ainsi fortement à Oiwa, l'esprit vengeur au visage difforme, que Ring semble directement évoquer, ou Kuchisake-onna, la femme à la bouche fendue, directement citée au début du film. Des esprits vengeurs donc, pour une malédiction qui restera souvent attachée à un objet : la cassette vidéo ici, la maison de Ju-On, le téléphone de La Mort en ligne... Une malédiction qui donnera au spectre un aspect dramatique, l'esprit revenant se venger d'une mort souvent brutale. L'épouvante et le drame sont ainsi intimement liés dans ces oeuvres, donnant à ces fantômes une aura toute particulière.
Cette spécificité explique sans doute le rythme si particulier du film : principalement dédié à l'enquête, il distille ses frissons à petites doses, préférant installer après la diffusion de la vidéo maudite une ambiance qui devient peu à peu pesante. On est loin de la foire aux jump-scares que l'on retrouve dans le cinéma épouvante actuel, ce qui pourra sans doute faire fuir les spectateurs confondant "sursauter" et "avoir peur". En revanche, le procédé est redoutablement efficace pour ceux qui aiment sentir s'installer une tension sournoise, pour n'en être libéré qu'avec la célèbre scène où Sadako apparaît enfin pour exercer sa vengeance.
Si Ring fait peur, c'est aussi parce que son histoire est passionnante. Loin d'être un simple prétexte, l'enquête menée par Reiko et Ryuji (interprété par Hiroyuki Sanada, que l'on connaît surtout en France pour "San Ku Kai", et qui est depuis devenu un visage récurrent à Hollywood, apparaissant dans des films tels que "Sunshine", "Army of the dead", "Avengers : endgame" ou encore "Mortal Kombat (2021)") nous plonge dans les superstitions et légendes des îles japonaises. On embarque ainsi vers Izu Ô-shima, dont le volcan accueillerait selon les mythes les suicides des amoureux déçus. Dialecte local, coutumes, importance de la mer, fréquence des typhons : c'est dans ce décor particulier qu'ils découvrent l'histoire de la médium Shizuko Yamamura et de sa fille Sadako. Par le biais de flashbacks, on comprend comment le destin de la mère et de sa fille ont basculé, et comment la malédiction va naître.
Avec cette légende urbaine qui prend vie devant nos yeux, Hideo Nakata met donc les nerfs du spectateur à rude épreuve, et fait naître un pan tout entier du cinéma d'épouvante. On n'oubliera pas de sitôt l'apparition de Sadako, ni la terrible scène du puits ou même la vidéo maudite, des séquences fortes ponctuant un film à l'ambiance pesante. Un must, qui sera suivi d'une suite ("Ring 2"), d'une préquelle ("Ring 0"), d'un remake américain (le pas mauvais du tout "Le Cercle") et de ses suites et reboots ("Le Cercle 2", "Le Cercle : Rings"), puis de nouveaux épisodes au Japon ("Sadako 3D" et sa suite), d'un cross-over avec Ju-On ("Sadako vs Kayako") avant un ultime (pour le moment ?) volet conçu comme une suite directe à Ring 2, sobrement intitulé "Sadako" (mais pas 3D, cette fois). Quelque chose me dit que la jeune fille aux longs cheveux noirs n'a pas fini de nous hanter malgré la mort de la VHS... mais qu'elle n'aura plus jamais la puissance de ses débuts.