Dark water
Honogurai mizu no soko kara
En instance de divorce, Yoshimi et sa fille de six ans Ikuko emménagent dans un immeuble vétuste de la banlieue de Tokyo. Alors qu’elles tentent de s’acclimater à leur nouvelle vie des phénomènes mystérieux se produisent. Qui est cette fillette en ciré jaune qui se promène dans les couloirs ? Pourquoi un petit sac pour enfant rouge ne cesse d’apparaître entre les mains d’Ikuko ? Quelle est l’origine de ces ruissellements qui s’étendent sur les murs et le plafond de leur appartement ?
L'AVIS :
Après le succès de "Ring", Hideo Nakata s'est rapidement retrouvé, un peu malgré lui, catalogué comme maître de l'épouvante. Pourtant, lui-même confesse volontiers n'avoir que peu d'intérêt pour le cinéma d'horreur, lui préférant plutôt le drame. Un goût que l'on retrouvait largement dans "Ring" et "Ring 2", Sadako étant principalement décrite comme une victime, et qui va largement imprégner son chef d'oeuvre : le superbe Dark Water.
Car avant d'être un redoutable film d'épouvante, Dark Water est avant tout un drame : celui d'une mère qui tente d'élever seule sa fille suite à son divorce. Yoshimi doit retrouver un logement convenable, chercher un travail, et rendre compte régulièrement de sa capacité à s'occuper correctement de sa fille. En somme, une situation particulièrement stressante pour une mère, que l'on renvoie sans cesse à son statut de faible femme : on n'hésite pas à lui cacher les vices de son nouvel appartement, à l'ignorer ostensiblement lorsqu'elle signale un problème, à lui mettre une formidable pression au moindre aléa. La réalisation de Nakata renforce d'ailleurs superbement ce sentiment d'infériorité imposé à Yoshimi en mettant systématiquement en avant les figures masculines qui sont en contact avec elle.
L'épouvante va ainsi venir épouser les contours d'une peur bien plus terre à terre : celle de perdre la garde de son enfant, d'être totalement dépassée dans un environnement inconnu et hostile. Si l'eau est évidemment l'élément catalyseur des apparitions du spectre auquel est confronté la mère divorcée, elle vient en premier lieu renforcer le sentiment de solitude et d'égarement du personnage : son nouvel immeuble semble constamment arrosé par une pluie intense, et son propre appartement est envahi par un élément étranger, l'eau s'infiltrant du logement du dessus.
C'est sans doute pour cela que Dark Water, s'il n'use pourtant pas de grands artifices pour effrayer le spectateur, est aussi efficace. Il part d'éléments tangibles, que chacun redoute, pour faire naître le fantastique, faisant également naître le doute sur l'état mental de Yoshimi : finalement, l'appartement inondé du dessus, qu'elle visite le temps d'une séquence impressionnante, n'est pas aussi dégradé lorsqu'elle y revient... avec des hommes. Et ce cartable rouge, qui la met dans tous ses états lorsqu'elle le voit, ce n'est qu'un banal cartable de jeune écolière, non ?
A l'image de l'eau qui s'infiltre, d'abord lentement, puis de plus en plus intensément, dans l'appartement de Yoshiki, l'angoisse progresse peu à peu chez le spectateur, à mesure que l'on découvre la nature de la menace... et du drame qui s'est joué dans cet immeuble. Et, si comme je le disais quelques lignes plus haut, Nakata n'use pas d'artifices démesurés, il nous offre quelques séquences mémorables et tétanisantes, comme ces passages dans l'ascenseur ou les visites à l'étage supérieur ou sur le toit. Et si le film fait peur, il va également réussir à nous tirer quelques larmes en fin de film.
Ring était un classique immédiat. Dark Water est tout simplement le chef d'oeuvre de son réalisateur. Un drame horrifique prenant, intelligent, terrifiant et émouvant. Tout ce que ne sera pas son triste remake, à peine trois ans plus tard, réalisé par Walter Salles et avec Jennifer Connelly.