Morgane

Morgan

Lee Weathers, une consultante en gestion de risque, est envoyée dans un lieu isolé et tenu top secret pour examiner et évaluer les conséquences d'un incident terrifiant qui s’y est déroulé. On lui présente ainsi Morgane, une jeune fille en apparence innocente portant en elle la promesse d’un progrès scientifique, mais qui serait à l’origine de l’accident. On comprend alors que cette dernière est aussi précieuse que dangereuse…

MORGANE | MORGAN | 2016

Morgane n'est aucunement un film de science-fiction mâtiné d'épouvante comme on a voulu nous le vendre. C'est une erreur de l'avoir étiqueté ainsi et d'avoir basé sa promotion dessus et c’est peut-être pour cela que le public visé n’a pas suivi : il a sûrement eu l’impression de s’être fait duper ! Ce métrage s'adresse plutôt aux fans de thrillers avec des relents de science-fiction puisqu’il traite d’une intelligence biologique créée par les humains pour on ne sait trop quel but. Pendant son évaluation psychologique, rien ne va se passer comme prévu et l’Homme va peu à peu perdre le contrôle de sa création.

A la lecture de ce synopsis, on pourrait penser que le scénario n’est pas très novateur avec le côté créature se retournant contre son créateur vu et revu maintes fois au cinéma depuis le mythe de Frankenstein. Et ce n’est pas faux ! On ajoutera même qu’il est assez prévisible dans son déroulement et que son twist n’est pas incroyable puisqu’on le sent venir dès la moitié du film. Si on voulait encore saler la note, on pourrait également arguer qu’il ne va pas assez loin dans la réflexion sur les manipulations génétiques et la considération de l’état de cobaye « humain » ou clone puisque celle-ci est balayée d’un revers de la main au profit de la mise en scène, d’une ambiance, des décors et du jeu des acteurs. Mais c’est un choix. Après, on le respecte ou pas si le reste suit. Est-ce bien le cas ici ?

Le deuxième fils de Ridley Scott essaie, par ce film, de suivre les traces de son père mais aussi de s’en démarquer. Dès la première séquence, le spectateur est happé puisqu’il suit avec intérêt l'incident entre la jeune fille et une des scientifiques, le tout filmé par le biais des caméras de surveillance. Cet événement servira d'élément perturbateur et de repère essentiel pour le spectateur. C’est concis mais diablement efficace, venant d'emblée prouver que le réalisateur a un certain talent pour la mise en scène. Outre ce premier bon point, Scott junior prend soin d'implanter l'action au beau milieu d'un cadre boisé bien vert : une forêt gigantesque où l'œil n’est finalement orienté que vers ce laboratoire servant d'étude sur le comportement de la jeune fille. Le décor est donc installé, il s’agira d’un huis clos où chaque coin d’espace sera mis en valeur ou servira à montrer quelque chose, ce qui s’appelle de la maximisation astucieuse. L’ambiance est, quant à elle, des plus froides, métallique, clinique afin de créer un climat dérangeant semblant quasi artificiel. Si le climax paraît excellent et bien ancré c’est peut-être aussi qu’il repose sur la prestation de ses acteurs hyper complémentaires, non?

Il est vrai que le casting est un élément fort du film car il est extrêmement bien nanti. Commençons par Anya Taylor-Joy qui incarne Morgane. Comme dans " The witch" ou "Split", elle crève encore l'écran dans son rôle animal d’une « chose » à l’apparence humaine mi enfant, mi « créature » biologique terrifiante car tantôt calme, tantôt imprévisible. Son visage est juste incroyable car elle sait parfaitement transmettre une multitude d’émotions dont la peur et la rage, tout comme son regard qui fait passer énormément de sentiments. C’est d’autant plus incroyable qu’on ne voit quasiment que son visage car elle est presque toujours vêtue d’un survêtement et d’un sweat à capuche et c'est donc les expressions de sa figure qui font tout. Une future grande dont on reparlera assurément. Kate Mara ("Les 4 fantastiques (2015)") que l’on est content de revoir sur le devant de la scène, vient former avec celle-ci un duo de prime abord antinomique et incarne de façon glaciale mais très convaincante (trop si l’on en juge ce qui se passe ensuite…) une agente experte faisant des sortes d’audits sur des risques potentiels de projets scientifiques. Ces charmantes jeunes femmes donneront la réplique à : Rose Leslie ("Honeymoon", la série "Game of thrones") fragile et sensible en « maman » de substitution, Michelle Yeoh (la « chef » du projet scientifique se devant d’être froide), Jennifer Jason Leigh (vue dans "The hitcher", "Existenz" ou encore "The machinist"), complètement méconnaissable et sous-exploitée dans son rôle de scientifique agressée, le toujours intéressant Toby Jones ("Berberian sound studio") ici dépassé par les événements et enfin Paul Giamatti ("John dies at the end") qui fait une courte mais excellente apparition en psy provocateur et fantasque.

Seulement voilà, si Morgane avait tous les ingrédients pour faire de lui un grand métrage de genre, il ne viendra malheureusement pas se hisser au niveau d'un "Moon" ou d'un "Ex Machina", reprenant à peu près les mêmes thèmes et des ficelles narratives identiques. La faute certainement à un scénario peu innovant dans son déroulement car contenant quand même des clichés mais se permettant également certaines facilités, notamment le twist final que l’on voit poindre pas mal de temps avant si l’on est bien attentif. C’est bien dommage, car on aurait aimé en savoir plus sur cette « expérience », sur ce qui déclenche les colères et la violence de Morgane, sur qui finance exactement ce projet secret et caché, etc. Autant de questions qui restent malheureusement sans réponse approfondie, laissant davantage l'aspect divertissant du métrage prendre le dessus sur le reste mais malheureusement celui-ci sent le réchauffé. De plus, le thriller n’est pas assez haletant et la science-fiction réduite à la portion congrue alors que le film est parfois répétitif et que certaines scènes d’action sont un peu grossières. Reste que le rythme lent n’est pas forcément déplaisant et que Luke Scott propose des moments de violence assez inattendus mais intermittents, dommage…

Ainsi, on se demande par moments où tout cela veut en venir, mais on ne s'ennuie pas pour autant devant ce spectacle où le casting, quoiqu’inégal, assure un minimum, où la tension et la mise en scène sont telles, qu'elles viennent en partie gommer certaines faiblesses, mais seulement sur le moment. Morgane se montre donc assez divertissant dans son ensemble mais peu révolutionnaire sur le fond et il ne constituera donc qu’un énième long-métrage de genre pas désagréable mais relativement banal.

MORGANE | MORGAN | 2016
MORGANE | MORGAN | 2016
MORGANE | MORGAN | 2016
Note
3
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Vincent Duménil