SACRIFICE
MOLOCH
Betriek, 38 ans, élève sa fille sous le toit de ses parents, dans une petite maison au bord d’une tourbière dans le nord des Pays-Bas.
Alors qu’une équipe de scientifiques réalisent des fouilles dans le secteur après avoir retrouvé le corps d’une femme, un individu s’introduit dans la maison des parents de Betriek et manque de peu d’assassiner sa mère.
Plus tard, ce sont d’autres corps de femmes qui sont retrouvés dans la tourbière…
L'AVIS:
C’est par pur hasard que j’ai acheté le film "Sacrifice" lors d’une commande sur Internet, sans trop savoir à quoi m’attendre, intrigué par le résumé et surtout, sur le verso de la jaquette, par le terme « Folk horror » et surtout les allusions à deux grands films de ces dernières années que sont "The witch" et "Midsommar" (« ça c’est osé » ai-je alors pensé).
Oui parfois on est faible et on se laisse influencer… Alors que beaucoup de textes sur les jaquettes ne sont que propos à but mercantile pour mieux aguicher le spectateur, nous le savons toutes et tous (sauf si votre site préféré horreur.com est mentionné bien évidemment : là vous pouvez y aller les yeux fermés !), nous pouvons parfois tomber sur un verso de jaquette qui n’est pas que pure illusion et c’est le cas pour cette petite pépite qui nous vient des Pays-Bas.
Et pourtant, après avoir vu le film, quand j’ai lu quelques avis sur la toile (soit rédigés par des spectateurs Lambda soit par des sites spécialisés dont je tairai les noms) pour voir si beaucoup avaient pensé et surtout ressenti la même chose que moi, je m’aperçus avec surprise que ce film est très très loin d’être apprécié par la majorité. Bien au contraire, "Sacrifice" ne bénéficie pas du tout d’une bonne publicité sur le Net, beaucoup reprochant au film de Nico Van Den Brink d’être « vu et revu », « trop lent », « trop chiant », « vide » voire même « incompréhensible dans son final » (ah bon ?...)
Des impressions que je ne partage pas du tout vous l’aurez aisément compris et c’est assez rare que je sois à ce point en tel désaccord avec l’avis général. Et pour le coup je marque clairement un fossé entre ce qui se dit globalement sur le Web et ce que je rédige ici dans cette critique.
Par contre, si vous n’avez pas encore vu "Sacrifice", je vous déconseille de regarder la bande-annonce qui figure en bas de cette critique car cette dernière dévoile bien trop de choses, à l’inverse de cette rapide critique sur laquelle je vais éviter tout spoiler (déjà, rien que le titre français "Sacrifice" me dérange dans le sens où l’on en dit déjà trop, à l’inverse du titre original "Moloch" qui fait référence à une divinité dont le culte est certes lié à des sacrifices d’enfants mais au moins on évite de mettre ce mot qui nous dirige explicitement vers du folk horror en révélant une petite partie de l’intrigue). D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que j’ai volontairement rédigé un résumé en début de critique qui reste très vague…
Mêlant divers registres cinématographiques tels que le folk horror, le film de tueur fou, l’enquête policière, le home invasion, le film de possession ou encore le film de vengeance, "Moloch" est avant tout un film d’ambiance. Une atmosphère sombre et très froide (la tourbière n’y est pas pour rien avec cette humidité qui s’en dégage alors que nous sommes en plus dans le nord de la Hollande) se dégage de ce film qui nous isole le temps d’1h30 dans la campagne où seuls le petit bar d’un village voisin, une salle des fêtes et un hôpital nous permettront de rencontrer un peu de civilisation. Car nous sommes bel et bien isolés dans cette vaste tourbière où réside notre petite famille, ce qui renforce une fois la nuit tombée ce sentiment d’insécurité et d’isolement bien retranscrits ici.
La musique, simple mais tellement efficace (elle reste d’ailleurs un long moment en tête), renforce ce petit côté frissonnant bienvenu par moments, notamment lors de son final efficace qui saura vous dresser à coup sûr quelques poils.
Vivre avec un père ayant perdu la tête après un drame familial et une mère ayant développé une maladie sans remède à l’heure actuelle n’aident pas non plus notre chère Betriek à vivre une vie paisible, élevant par ailleurs seule sa fille après la mort de son compagnon…
Autant d’éléments dramatiques dans une même famille, dévoilés dans la toute première partie du film, suscitent bien des interrogations chez le spectateur qui se laisse embarquer dans ce long-métrage monté sous forme de puzzle dans lequel les pièces vont s’assembler au fil de la narration pour faire la lumière sur toute cette histoire.
Alors oui, la narration est lente (dixit de nombreuses personnes) et la musique douce n’aide pas à sortir de ce calme qui réside presque tout au long de cette histoire mais c’est pour mieux coller à cette ambiance enivrante, cette sensation de vivre avec cette famille isolée de tout et ainsi de ressentir cette présence (humaine ? maléfique ?...) dans la tourbière d’où est apparu cet homme ayant tenté d’assassiner la mère de Betriek.
A ce titre, la tourbière et ses vastes étendues désertiques faites d’eau et de végétaux, en nette dégradation pour la plupart en raison de cette forte humidité, peut être assimilée à un personnage à part entière, tellement elle apporte d’éléments (du suspense, des interrogations et clairement des frissons) au film de Nico Van Den Brink.
Le casting est très professionnel ici et chaque personnage est suffisamment travaillé pour nous apporter un maximum de renseignements sur chacun, des éléments et des interactions souvent essentiels pour bien comprendre notre histoire, éclaircir cette intrigue plutôt bien ficelée et voire progressivement où le scénariste Daan Bakker veut nous amener.
Et là où il veut nous amener, c’est vers un final surprenant fait en deux temps, laissant place à l’horreur dans sa première partie pour ensuite basculer dans le beau et le fantastique à la fois dans sa seconde. Un final qui vient nous mettre un petit uppercut et nous confirmer que nous venons de voir là une vraie pépite du cinéma fantastique comme on n’en voit plus beaucoup à présent.
"Moloch" est l’un de mes plus gros coups de cœur de ce début de décennie dans le cinéma de genre assurément. Un film que je ne saurais que conseiller, à condition de ne pas être hermétique aux narrations lentes qui prennent leur temps mais qui ont le mérite de travailler proprement les personnages et, aidées par une musique enivrante et des décors anxiogènes, d’instaurer un climat froid et une ambiance sombre, bref une atmosphère stressante et intrigante à souhait comme c’est le cas ici dans le film de Nico Van Den Brink.