Metal Hurlant Chronicles (saison 1)
Metal Hurlant Chronicles
Adapter à l'écran les courtes histoires parues dans le magazine de bande dessinée d’anticipation « Métal Hurlant » (publié dans les années 70-80) et de plus en France est un pari particulièrement risqué et pouvant laisser dubitatif mais c'est pourtant celui qu’a osé Guillaume Lubrano, qui signe ici les six épisodes de la première saison de 26 minutes chacun et diffusés en France pour la première fois en 2012, et depuis 2013 dans une quarantaine de pays, rien que ça ! Non seulement ce jeune homme quasi débutant dans le milieu est courageux mais aussi tenace ! Courageux car tenter ce type de série en France, c’est du jamais vu ! De la SF sur 20 minutes est novateur et risqué car seules "La quatrième dimension", "Au-delà du réel" et "Les contes de la crypte" ont réussi avant mais à l’international, ce n’était pas français ! Tenace car le lascar est un inconnu et qu’il a démarché tout seul comme un grand France 4 et quelques partenaires internationaux, afin de l’aider à financer son aventure. Ainsi, sa série s'apparente à une anthologie de courts métrages. En effet, chaque épisode est une histoire différente avec un univers et des personnages distincts. Le matériau d'inspiration n'est autre que l'ancien magazine « Métal Hurlant », édité par Les Humanoïdes associés (maison d’édition fondée en 1975 par le jeune journaliste Jean-Pierre Dionnet et les dessinateurs Philippe Druillet et Mœbius) qui publient de la BD orientée SF et accueillent à la fois des artistes déjà reconnus (comme Gotlib, Mandryka, Tardi, Bilal..) et d’autres qui le deviendront. Des deux versions du désormais légendaire magazine, Guillaume Lubrano choisit de s’intéresser aux histoires de l’édition la plus récente, celle publiée au début des années 2000. Il en extrait donc six histoires, complètement distinctes avec différents genres (Héroïc Fantasy, science-fiction, post-apocalyptique, Space Opéra, etc.) mais un seul et même dénominateur commun, le « Loc-Nar » (le « Métal Hurlant »), dernier fragment d'une ancienne planète réduite en poussière par la folie destructrice de ses habitants, traversant l'espace et le temps pour l'éternité et qui, tel un oiseau de mauvais augure, va changer la vie des protagonistes croisant sa trajectoire…
Épisode 1 : La couronne du roi (King's crown)
L’histoire se déroule dans un monde mi-futuriste, mi-médiéval, contrôlé par un roi qui se meurt et ses robots invincibles. Afin de lui désigner un successeur digne de ce nom, un tournoi est organisé entre les meilleurs combattants du royaume. Parmi ces derniers, deux humains se disputent la récompense ultime. Mais le vainqueur sera-t-il celui que l’on pense ?
Dans cet épisode, Lubrano suit à la lettre le récit relaté dans la bande dessinée originelle, sans s’en détourner un seul instant. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne s’en sort pas trop mal, le bougre. Si la réalisation en elle-même est parfois discutable (il faut un jour arrêter les ralentis inutiles mec, "Matrix" ça date d’il y a 15 ans déjà !) et que les dialogues sont parfois lourds et superflus pour certains, "La couronne du roi" surprend instantanément par ses effets spéciaux qui, sans être extraordinaires, s’avèrent tout à fait honnêtes, mais aussi par sa jolie photographie et ses combats parfaitement chorégraphiés tout en étant très spectaculaires. Le tout est agrémenté d’un casting de seconds couteaux connus parmi lesquels on a plaisir à retrouver : Scott Adkins ("Stag night", "Universal Soldier : Le Jour du jugement ", "Expendables 2 : Unité spéciale"), Michael Jai White ("Spawn", "The Dark Knight") ou encore Darren Shahlavi ("Bloodrayne", "King Rising, au nom du roi"). Le scénario de cet épisode très Heroic Fantasy est certes, des plus simplistes, mais il s’achève par un final surprenant et très cynique, ce qui sera d'ailleurs la marque de fabrique de la série. On peut alors dire que Metal hurlant Chronicles démarre plutôt bien et prouve qu’avec une équipe compétente, on peut réaliser de bonnes scènes d’action sans avoir de budget pharaonique. Pari tenu donc pour ce premier segment.
Épisode 2 : Protège-moi (Shelter me)
Jennifer, une jolie jeune femme, se réveille dans un abri anti-nucléaire. Elle se retrouve seule avec Brad Davis, son voisin, qui lui explique qu'il l'a sauvée car une guerre atomique a eu lieu. Mais peut-elle avoir entièrement confiance en lui ?
Avec le deuxième épisode, on change carrément d'univers, avec une atmosphère de huis clos oppressante mettant en scène la jolie Michelle Ryan (les séries "Jekyll" et "Bionic Woman" ou encore le long-métrage "Cockneys vs Zombies"), qui se retrouve confinée, sans qu’elle ne se souvienne de comment c’est arrivé, dans un abri antiatomique avec James Marsters (vu dans "Smallville", mais également Spike dans la série "Buffy contre les vampires"!), son voisin bien intentionné, l’ayant mise là (ou plutôt kidnappée) au lendemain d’une apocalypse nucléaire, mais un brin inquiétant car dit-il toute la vérité ? Et c’est finalement la question qui nous tiendra en haleine jusqu’à la révélation finale, qu’on pouvait, somme toute, voir venir, si on a suffisamment de background en la matière. Pendant ce temps-là, les deux personnages vont se contenter d’échanger des paroles sans grand intérêt tout en mangeant des conserves. Rien de très palpitant donc. La tension ne monte hélas jamais, laissant les spectateurs sur leur faim et atones face à un récit sans substance, et ce n’est pas le twist de fin qui viendra changer la donne. Bref, décevant.
Épisode 3 : Lumière rouge (Red light) / Réalité glaçante (Cold hard facts)
Cet épisode est certainement le plus déroutant, car il est composé de deux histoires courtes. D’une part, on a « Lumière rouge » dans laquelle un homme va tout faire pour s'échapper de sa cellule et revoir la lumière du jour dans une prison contrôlée par des envahisseurs venus de l'espace surnommés les Colons. D’autre part, on a « Cold heart facts » se situant en 2312 à Los Angeles, alors que la Terre est surpeuplée. Sur un ancien site cryogénique datant du vingtième siècle, des scientifiques découvrent un corps encore en vie. L’homme est alors réanimé, mais souffre d’amnésie et n’a plus, pour seule activité, que celle de faire des petits dessins dans sa chambre…
Deux histoires en un seul épisode avouez que c’est original ! « Lumière rouge » se la joue climax huis clos (ils aiment bien ça quand même, dans la série !) avec son prisonnier, enfermé et oppressé par une lumière rouge permanente, qui rêve de liberté. Cette première partie avec le cofondateur du « Parkour », David Belle ("Banlieue 13", "Babylon A.D."), étonne par un combat intéressant contre un robot et se termine une nouvelle fois sur une chute qui surprend, mais c’est bien trop court et ne met pas assez en avant toutes les prouesses physiques dont est capable notre ancien Yamakasi ! Dans la deuxième moitié de l’épisode, nous sommes dans un futur lointain où l'utilité prime sur le droit de vivre, un caisson cryogénique contenant un humain du 20ème siècle encore vivant est retrouvé. Des personnes vont alors décider de l’avenir de cet homme qui ne fait que des petits dessins. Ici, dans cette partie où l’on retrouve un autre acteur de "Banlieue 13 - Ultimatum", Guy Amram, la société est déshumanisée, la Terre a trop d’habitants, si bien que seuls les plus utiles restent. Bon, eh bien même si les effets spéciaux sont bien faits, le message de ce segment n’est pas original pour deux sous (« le futur ça craint ! ») et la fin n’est pas folichonne. De fait, cet épisode déçoit par sa brièveté et sa deuxième partie ratée et pas très originale.
Épisode 4 : Oxygène (Three on a match)
Un vaisseau spatial militaire explose après avoir été percuté par un objet non identifié (mais nous, on sait bien que c’est le Métal Hurlant !). Seule une petite navette de sauvetage échappe à la destruction. A son bord, deux militaires et un ingénieur. Malheureusement, une fuite dans la coque va toutefois forcer nos trois astronautes de fortune à se battre pour les dernières réserves d’oxygène car l’air ne sera pas en quantité suffisante pour trois personnes d’ici à ce que les secours arrivent…
Nous voici donc maintenant en pleine science-fiction, avec un casting a priori alléchant réunissant notamment Dominique Pinon ("Delicatessen", "La Cité des enfants perdus", "Alien, la résurrection", "Humains") en ingénieur et Eriq Ebouaney ("Hitman", "La Horde"), dans le rôle d’un membre de commando (de quoi, on ne le saura jamais !), mais aussi Frank Delay, un ancien membre des « 2be3 », semblant s’être égaré dans l’immensité de l’espace intersidéral ! Mais, comme dans le second épisode de la série, on aura droit à une ambiance de huis clos, avec de nouveaux dialogues sans consistance afin de meubler le temps qui semble bien long. On assistera toutefois, au début du récit, à une scénette s’étendant sur cinq bonnes minutes et dans laquelle une capitaine de vaisseau mi nymphomane, mi sadomasochiste, essaiera de se faire prendre par un officier pendant que deux gardes (qui ont l’air aussi intelligent que le premier gradé au vu de leur discussion !) surveilleront la porte. On sera finalement sauvé lorsqu’une météorite frappera le vaisseau, les forçant à évacuer. Mais ensuite, ce seront des bavardages inutiles et insipides entre les trois survivants à bord du vaisseau de secours qui se succéderont. Nous serons une nouvelle fois sauvés de l’ennui par un combat assez brutal filmé en gros plan dans la navette spatiale où l'oxygène n'est pas en quantité suffisante pour les derniers occupants et limitant leurs capacités physiques (et probablement intellectuelles, mais avec deux militaires à bord, il fallait s’en douter !). C’est cependant bien trop peu. Autant l’épisode précédent était trop concis, autant celui-ci est trop long. Le coup de la capitaine SM n’apporte rien à l’histoire, à part peut-être faire plaisir aux spectateurs masculins en manque de libido !? Bref, ça s'étire trop souvent en longueur donnant l'impression que l'on a rempli les temps morts pour atteindre les 26 minutes requises, et ce malgré la fin cynique qui semble trop improbable pour qu’on y adhère vraiment. Et pourtant, le tout début laissait augurer un épisode de qualité au récit plus ambitieux avec son vaisseau spatial aux décors franchement magnifiques pour ce genre de production, mais hélas non !
Épisode 5 : Les Maîtres du destin (Master of destiny)
Dans ce segment, on suit les aventures de Hondo, un bandit interstellaire parcourant la galaxie et qui, après une folle course-poursuite dans l'espace, se retrouve sur la planète des « Tortues Sapiens » aussi appelée la planète des «Maîtres du destin». Une légende dit que ces étranges créatures détiendraient la date et l'heure de la mort de tout être vivant dans l'univers…
Cet avant-dernier épisode narre les péripéties d’un mercenaire de l’espace qui suite à la mort de son partenaire, décide de se mettre en quête de la planète des «Tortues Sapiens» ressemblant vaguement aux Tortues Ninjas (c’est dire le niveau de crédibilité !) ayant la capacité de prédire la date de votre mort. Trouvera-t-il la réponse à ses questions existentielles ? En tout cas, il y trouvera Scarr, une voleuse tout simplement canon et c’est déjà pas si mal ! Bon et bien malgré des acteurs assez crédibles (la splendide Kelly Brook vue dans "Piranha 3D" et Joe Flanigan jouant dans "Stargate Atlantis"), cet épisode demeure très faible car : il traîne trop inutilement en longueur, les Maîtres du destin sont risibles au possible de par leur apparence mais surtout la fin est tout bonnement sans réelle surprise. Mais il aura toutefois le mérite d’illustrer que, malgré un scénariste originel prodigieux (le génial Alejandro Jodorowsky tout de même !), le format bande dessinée n’est pas tout le temps transposable en série car il s’éloigne trop des canons actuels. Bref, à oublier et pour moi segment le plus faible de la saison 1 !
Épisode 6 : Le serment d'Anya (Pledge of Anya)
Les anciens ont reçu une alerte : un démon s’est échappé et s’apprête à sévir sur Terre. Ils vont alors envoyer Joshua, leur meilleur guerrier dans le monde des mortels. Dirigé par son maître Kerm, il devra alors franchir les dimensions qui le séparent des humains grâce à la « divine épée » et se mettre en quête du démon. Mais les êtres démoniaques peuvent revêtir des apparences des plus inattendues…
Le dernier volet de la série est l'un des plus marquants de par son casting, on a le cultissime Rutger Hauer ("Hitcher", "Blade Runner", "Ladyhawke", "La Chair et le Sang") dans le rôle plutôt anecdotique du maître, qui se fait voler la vedette par Grégory Basso (oui, oui Greg le Millionnaire c’est lui !) qui s'en sort plutôt pas mal grâce à son physique de bûcheron dans le rôle de Joshua, un guerrier impitoyable venu sur Terre pour tuer « le démon ». Dommage toutefois qu’il ait été doublé français avec une voix qui n’était pas la sienne, mais bon en même temps l’accent du sud pour un guerrier, ce n’était pas très crédible ! Belle présence donc pour ce dernier qui s'avère efficace au combat et même touchant dans ce récit, manquant juste un peu de rythme au milieu. Dommage également que la révélation finale soit, même si elle n’est pas trop mal, assez prévisible…
Que dire donc, de la saison 1 de Metal Hurlant Chronicles ? Eh bien que l’écueil principal auquel se heurte la série, c’est que tout est misé sur la chute des épisodes. Quand cette dernière est réussie, on ne peut que féliciter Guillaume Lubrano pour son entreprise, en revanche, quand elle l’est moins, on ne peut qu’être déçu d’avoir perdu la bagatelle de vingt-six minutes de notre vie ! Et puis forcément, dans ce genre de série proche du court-métrage, le niveau entre les différents épisodes est variable d’un segment à l’autre et souvent l’ensemble est bancal parce que les parties sont inégales. On peut ainsi passer du médiocre au très bon assez rapidement. Les thèmes et genres étant également très différents, on peut plus ou moins aimer l’univers proposé en fonction de ces informations introductives. Mais bon, il faut savoir l’accepter, c’est tout, ça fait partie du jeu et aussi du charme de Metal Hurlant Chronicles, que de ne savoir ce qui nous attend au tournant. Par ailleurs, les histoires sur dix minutes (cf. l’épisode 3) ne fonctionnent pas aussi bien que celles sur vingt-six car leur faible durée ne permet pas de développer le récit et la psychologie des personnages aussi bien que sur plus du double de temps et c’est bien dommage. A côté de cela, les épisodes montrés dans l’ensemble font preuve d’effets spéciaux et de décors remarquablement bien maitrisés permettant de donner vie à des lieux science-fictionnels ou futuristes de manière plus que crédible. De plus, dès le générique on en a plein les mirettes avec un esprit très BD, peuplé de jolies filles sexys en diable, qui plaira certainement aux fans du magazine culte. Et tout cela est accompagné de la bande-son très réussie de Jesper Kyd, compositeur connu pour avoir écrit quelques scores de films, mais surtout énormément de musiques de jeux vidéo célèbres dont « Assassin's Creed ». Alors oui, Metal Hurlant Chronicles est perfectible et certains épisodes auraient gagné à être un peu plus étoffés, mais Guillaume Lubrano a tenu à rester le plus fidèle possible au matériau d'origine, qui parfois n’était composé que de quelques planches faut-il le rappeler ! Aussi, il serait dommage, compte tenu du travail fourni par chacun sur le projet et ce, à tous niveaux, de bouder cette série qui ne constitue pas moins qu’un premier pas vers la SF à la télévision française et laisse tout de même entrevoir un potentiel certain, qui ne demande qu’à être développé. Dans la saison 2 ?
Notons qu’en DVD, l’ordre des épisodes de la Saison 1 varie, le voici :
1. La couronne du roi
2. Protège-moi
3. Oxygène
4. Lumière rouge / Réalité glaçante
5. Le serment d'Anya
6. Les maîtres du destin