Couverture française
Chambre 17 | Chambre 17 | Francis Renaud
Editeur
Date de parution (France)
Pages

135

Couleur ?
Non
Langue

Français

Chambre 17

Chambre 17

Tony Hagopian, policier travaillant sur une enquête concernant un réseau illégal du darkweb, va trouver le journal intime du membre le plus pervers et puissant de ce sombre univers. Va alors débuter, pour lui, une aventure dans les confins du sordide...

L'AVIS :

« Chambre 17 » est écrit par Francis Renaud. L’homme est d’abord connu pour sa carrière au cinéma, notamment dans les polars d’Olivier Marchal, mais pas que. Ici, en tant que fans d’horreur, on a pu le voir jouer un père dégénéré dans « Aux yeux des vivants » de Julien Maury et Alexandre Bustillo. Bref, on pourrait épiloguer longtemps sur la filmographie du monsieur, mais ce n’est pas le sujet puisque nous sommes là pour parler d’un livre. Et si cette œuvre est sur « Horreur.com », vous vous doutez bien que c’est parce qu’il a à voir avec le genre. Ce récit, « Chambre 17 », est un journal intime de l’atroce et de la perversion.

Dans le fond, ce livre pourrait se rapprocher du travail de Bret Easton Ellis avec son chef d’œuvre « American Psycho ». Tout comme l’œuvre culte d’Ellis, « Chambre 17 » raconte les travers pervers et malades d’un gosse de riche, un ancien banquier qui utilise son argent pour se payer l’impayable : la perversion sexuelle, de la nourriture humaine et… la mort. D’ailleurs, si Patrick Bateman était une représentation du capitalisme américain des années 80, Charles Vincent Bern alias Aleister Crowley peut se voir comme son pendant des années 2020. Utilisant de toutes les technologies et astuces qu’il a à sa disposition (internet, les bitcoins, le pseudonyme pour garder son anonymat…), Crowley va ainsi pouvoir « œuvrer » dans tous les registres de la criminalité. C’est ce qui saute aux yeux dans cet ouvrage : la multitude des thématiques abordées à travers les obsessions du personnage. Ainsi, rien ne nous est épargné et ce dans tous les domaines : le cannibalisme, la pédophilie, la prostitution, l’urophilie, le nazisme, l’extrémisme, les snuff movie ou encore le matricide (Crowley ayant clairement un complexe d’Œdipe à gérer)… Si les pires instincts de l’homme sont sondés et approfondis, l’auteur contrebalance ou amplifie avec des références culturelles plus ou moins contemporaines ou des données techniques et scientifiques précises. Cela rend le tout à la fois très riche et complètement dégénéré. Surtout lorsque les éléments historiques ou cryptiques viennent expliquer les raisons de tout ce carnage. Un carnage perpétré par Crowley, mais aussi par son réseau, une bande d’illuminés avec leurs propres croyances et leurs rites.

« Chambre 17 » est donc très noir dans son intrigue, et il en est de même dans son humour. Certes, le livre n’est pas voué à être hilarant, mais il faut bien dire que, par instant, certaines phrases, au milieu d’atrocité, viennent provoquer un rire tantôt sincère, tantôt nerveux. Ainsi, on ne peut s’empêcher de sourire quand Crowley précise que son rat, qui a tendance à la fugue, s’est « déjà échappé trois fois comme Redoine Faïd », ou quand, se rendant à divers événements sportifs de haut standing, il avoue adorer « sodomiser ces petites pucelles excitées par MBappé ». Comme vous pouvez le noter avec ces deux exemples, Francis Renaud ne lésine pas sur le name dropping, ancrant son récit dans notre époque et en faisant, de manière prononcée, le reflet de la noirceur de notre humanité.

Une majeure partie du livre est consacré à Crowley et à son funeste dessein. Une avalanche d’atrocités qui provoque le dégout… Jusqu’à ce que le récit rebascule du point de vue d’Hagopian, le flic, pour une dernière partie émouvante, poétique, spirituelle et nihiliste qui n’hésite pas à en remettre une couche sur d’autres aspects malheureux de notre société (le traitement des policiers, l’environnement…), jusqu’à devenir un livre engagé, risqué sous certains aspects, et utile.

Ce qui est le plus étonnant, et le plus épatant peut être, dans ce livre est qu’il ne fait que 130 pages environ (et écrit en plutôt gros caractères). En étant concis, Francis Renaud a réussi le pari de nous emmener dans l’univers obscur de ses personnages. Pour reprendre la comparaison avec « American psycho », ici, on est loin du détail et du « pavé » d’Ellis. L’écriture de Francis Renaud est directe, vive, tranchante. Il n’y a pas de fioriture dans sa prose. C’est brut tout en étant travaillé. Efficace et violent comme un bon uppercut.

Dernier point, « Chambre 17 » a été diffusé en autoédition par Francis Renaud. Après avoir vécu des mésaventures dans le monde du cinéma (comme il l’explique dans son premier livre autobiographique « La rage au cœur ») qui l’ont même poussé à réaliser un film avec son smartphone (« Première ligne », disponible sur Youtube), il semble aussi être un peu en froid avec le monde de l’édition. Ainsi, Francis Renaud a donc décidé de tout faire lui-même pour ce livre (à part la photo de couverture). A ce titre, cela rend l’objet encore plus mystérieux et unique. Ce récit obscur semble donc sorti lui-même d’un réseau marginal, avec son côté artisanal dans sa conception (bien qu’imprimé par Amazon, soyons clair) sa mise en page singulière, sa diffusion originale et sa liberté de ton.

« Chambre 17 » est donc une œuvre à découvrir pour les fans de lectures extrêmes et pour ceux qui ont une curiosité (malsaine ?) pour le darknet. Violent et glauque, « Chambre 17 » évite malgré tout de partir dans le « grand-guignol », se veut être au plus près de la réalité et porte un discours engagé.

https://www.amazon.fr/CHAMBRE-17-Francis-Renaud/dp/B09484PLHP

Note
4
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Sylvain Gib