Cabinet de curiosités - Le

Guillermo del Toro's Cabinet of Curiosities

Cabinet de curiosités - Le | Guillermo del Toro's Cabinet of Curiosities | 2022

"Le cabinet de curiosités" est une petite compilation de contes fantastiques diffusée sur la plateforme Netflix et supervisée par le réalisateur/producteur Guillermo Del Toro que l’on ne présente plus ("Mimic", "L’échine du diable", "Blade 2", "Hellboy", "Le labyrinthe de Pan", "Pacific Rim", "La forme de l’eau"...).

Ne sachant pas trop à quoi nous attendre, si ce n’est à du bien au vu du nom du cinéaste mexicain impliqué dans le projet, l’une des premières informations ayant circulé fut la présence de Jennifer Kent dans la série. Il avait en effet été dévoilé qu’elle écrirait et réaliserait un épisode (qui sera le tout dernier) mettant en vedette Essie Davis qu'elle avait déjà dirigée dans le film primé à Gérardmer "Mister Babadook". Une bien belle amorce pour moi qui ai plutôt apprécié son film lors de ma venue annuelle habituelle dans les Vosges.

Au total, nous avons donc huit contes durant entre 40min et 1h réalisés par huit réalisateurs différents, dont deux sont écrits par le cinéaste mexicain et deux sont des adaptations d’œuvres de H.P. Lovecraft (nous devinerons d’ailleurs rapidement quels sont les épisodes concernés sans grande difficulté).
Ces contes ont été diffusés sur Netflix à partir du 25 Octobre 2022 de la manière suivante : deux épisodes étaient dévoilés chaque jour (selon l’ordre qui suit) jusqu’à la période d’Halloween.

Voici la liste des épisodes et leur réalisateur(trice) correspondant(e) ainsi que certaines de leurs réalisations pour vous situez :
1. Le lot 36 (Guillermo Navarro : les séries "Hannibal", "Narcos", "Sleepy hollow"…)
2. Rats de cimetière (Vincenzo Natali : "Cube", "Cypher", "Splice"…)
3. L’autopsie (David Prior : "The empty man")
4. La prison des apparences (Ana Lily Amirpour : "A girl walks home alone at night", "Mona Lisa and the blood moon"…)
5. Le modèle (Keith Thomas : "The vigil") / Adaptation de "Modèle de Pickman" de H.P. Lovecraft
6. Cauchemars de passage (Catherine Hardwicke : "Twilight", "Les seigneurs de Dogtown", "Le chaperon rouge"…) / Adaptation de "La maison de la sorcière" de H.P. Lovecraft
7. L’exposition (Panos Cosmatos : "Mandy", "Beyond the black rainbow"…)
8. Murmuration (Jennifer Kent : "Mister Babadook", "The nightingale")

Dans cette chronique qui suit, je ne vais pas critiquer chaque épisode de manière très détaillée comme nous le ferions pour des longs-métrages mais plutôt vous partager mon avis sur la série dans sa globalité en la prenant comme un grand ensemble. Bien évidemment, je reviendrai toutefois sur chaque épisode mais très succinctement : prenez donc cela comme une « critique de série » et non une « critique de chaque épisode ».

L'AVIS:

Introduits par Guillermo del Toro himself à la manière d’un Alfred Hitchcock dans "Alfred Hitchcock présente", ces huit contes fantastiques ont plus ou moins convaincu votre cher rédacteur. En effet, comme dans toute série ou mini-série présentant des histoires horrifiques indépendantes les unes des autres, nous avons souvent affaire à des œuvres inégales, certaines étant plus réussies/abouties que d’autres. Rares sont donc les séries à montrer un travail ayant séduit du début à la fin le spectateur, sans aucun « vilain canard » dirons-nous.

Une des premières choses à bien prendre en compte avant de se lancer dans cette anthologie est que jamais il n’a été dit que les contes portaient la patte de Guillermo del Toro. Beaucoup, à la sortie de la série sur Netflix, regrettaient en effet de ne pas retrouver le talent du cinéaste mexicain… N’oublions pas, comme dit en début de chronique, que nous avons affaire ici à huit réalisateurs bien distincts, ayant œuvré sur des films radicalement différents et dans des univers divers et variés. Par ailleurs, peut-on réellement parler de « patte » chez Guillermo del Toro ? Un homme à la filmographie très variée dans le milieu du fantastique (vous retrouverez ses films phare plus haut dans la chronique si vous avez eu le malheur de lire en diagonale), capable de vous enchanter, de vous émouvoir et de vous foutre la trouille selon les univers et histoires abordés.

La deuxième chose à prendre en considération est qu’il n’a jamais été mentionné nulle part qu’il s’agissait ici d’une anthologie de contes horrifiques… Il a toujours été annoncé des histoires fantastiques, ce qui est différent (l’horreur, tout comme la science-fiction ou le cinéma gore par exemple, fait partie du fantastique mais n’en est pas la définition). Le fait d’avoir sorti cette mini-série juste avant les fêtes d’Halloween, avec cette sorte de compte à rebours sur Netflix et la phrase-amorce « Laissez-vous prendre par la peur » (« Unlock your fears » sur l’affiche originale), a induit de nombreuses personnes en erreur, persuadées qu’elles allaient frissonner, voire être terrorisées, devant chaque histoire…
A ce titre, nous pourrons citer l’exemple du guignol (excusez-moi l’expression mais appelons un chat un chat) ayant pondu l’article sur "Le cabinet de curiosités" pour le New York Times. Ce dernier affirmait avoir plutôt visionné « 7 farces et 1 friandise » (référence aux tricks and treats d’Halloween), seul l’épisode 8 ("Murmuration" de Jennifer Kent) ayant fait frissonner le journaliste qui visiblement n’a retenu que cet épisode… C’est moche de réduire ainsi cette série à une histoire uniquement…

Pour en revenir à mon avis sur ce fameux cabinet de curiosités, je ne serais pas aussi méprisant que le journaliste américain cité juste avant. Pour autant, je ne dirais pas non plus que j’ai adoré cette série du début à la fin, certains épisodes étant bien moins aboutis que d’autres.
Je dis bien « aboutis » pour parler ici des scénarios car je ne peux trop rien dire sur les réalisations, les décors, les musiques et les interprétations d’acteurs/trices) qui sont plutôt convaincantes pour la plupart.

En termes de réalisations, aucun doute là-dessus : nos cinéastes maîtrisent l’univers du fantastique et nous retrouvons bien la patte de plusieurs des réalisateurs/trices participant au projet.
"The vigil" vous avait fait frissonner (du moins dans sa première heure) ? Hé bien "Le modèle" par exemple est une belle œuvre fantastico-horrifique avec des scènes sombres (pour ne pas dire ténébreuses), des jumpscares efficaces et un bestiaire monstrueux.
Impossible de ne pas retrouver également les pattes de Jennifer Kent, Ana Lily Amirpour (dont je me suis énormément pris d’affection) ou encore de Panos Cosmatos.

Nombreuses sont les thématiques abordées dans cette anthologie dont chaque épisode est amené par un envoûtant générique (pour le coup, nous reconnaissons la patte de Guillermo del Toro) : plongés dans des univers démoniaques avec des bestiaires effrayants, nous faisons également la rencontre de parasites prenant possession de nos corps et esprits, de rats sacrément voraces, d’une sorte d’extraterrestre extrêmement dangereux ou encore de fantômes.
Pour mettre en scène tout ce petit monde, les décors sont de bonne facture et facilitent sans grande peine l’immersion, à l’image du cadre fort réussi dans "Rats de cimetière" (dans lequel nous parcourons un cimetière, une morgue et des galeries souterraines quelque peu claustrophobiques) ou encore dans "Le modèle" (les décors, les costumes et les jeux de lumières sont remarquables) et "Murmuration" (film de maison hantée qui étonne par sa « simplicité intrigante et flippante à la fois » aurais-je envie de dire ici).

David Hewlett (dans le rôle de Masson, un pilleur de tombes dans "Rats de cimetière"), Kate Micucci (dans le rôle de Stacey, une femme pas si inoffensive et timide que cela dans "La prison des apparences"), Ben Barnes (dans le rôle de William, un artiste qui vit une vraie descente aux enfers dans "Le modèle") ou encore Essie Davis (dans le rôle de Nancy, une ornithologue fragilisée par ses vieux démons dans "Murmuration") sont clairement les acteurs et actrices qui se démarquent dans "Le cabinet de curiosités" par la justesse de leurs interprétations, toutes diverses et variées du fait de leurs personnages respectifs totalement différents.
Le restant des castings n’est pas en reste et à mon sens je n’ai pas réellement trouvé de fausse note dans les jeux d’acteurs/trices qui demeurent suffisamment solides pour porter chaque histoire qui nous est contée.

Même si l’épisode 7 ("L’exposition") demeure l’épisode le plus expérimental (n’oublions pas que nous avons un certain Panos Cosmatos aux commandes, lui qui nous avait déjà surpris en festival avec son "Mandy" qui a plus que divisé le public), le plus étrange de par sa narration et son rythme (très blablateux), il n’en demeure pas pour autant inintéressant. Mais sa septième place est judicieuse afin de ne pas perdre le spectateur non réceptif qui pourrait rapidement abandonner la série après avoir visionné cet épisode.

A ce titre, nous pouvons souligner l’ingéniosité des producteurs (et probablement de Guillermo Del Toro) pour établir l’ordre d’apparition des épisodes.
Revoyons rapidement les résumés de chaque épisode tels qu’ils sont présentés sur Netflix et examinons ensemble cet ordre donné :

"Le lot 36"
« Pour s'acquitter de ses dettes, un homme achète un local rempli d'objets mystérieux avec l'intention de les vendre, mais se retrouve rapidement pris dans un piège mortel »

"Le lot 36" est « l’épisode-amorce », celui qui doit nous montrer dans quel type de série nous sommes. Pas de prise de risque donc, une histoire assez simple (bien qu’un peu brouillon dans sa première partie et finalement fourmillant de pas mal de détails pour bien comprendre diverses ficelles d’un scénario qui est peut-être l’un des plus travaillés dans cette série) avec tout ce qu’il faut comme fantastique pour attirer le public (passage secret, attirail occulte, démon…).
Les fantasticophiles que nous sommes pour beaucoup d’entre nous ici n’y trouveront rien de bien extraordinaire (c’est d’ailleurs vite expédié quand on y réfléchit…) mais on se laissera guider pour voir ce que réservent les histoires suivantes, la réalisation, les interprétations et le cadre (ce labyrinthe de couloirs sombres éclairé le temps d’un minuteur) étant suffisamment intéressants pour y entrevoir du potentiel et se pencher sur la série. Quant au Grand Public moins habitué à ce type de cinéma, il appréciera très probablement (surtout suite au jumpscare final et à la vue du monstre) cette histoire mise en scène par le chef opérateur de plusieurs films de Guillermo del Toro et se lancera dans cette série pour frissonner de plaisir.

"Rats de cimetière"
« Afin de s'approprier le trésor d'un homme fraîchement enterré, un pilleur de tombes doit surmonter un dédale de tunnels et une armée de rats »

Vient alors cet « épisode passe-partout » comme je l’appelle. Le genre d’épisode à l’écriture très simple avec de l’horreur, de l’humour et un bestiaire (un rat gigantesque, un mort-vivant… le tout mis en lumière avec des effets spéciaux de qualité) qui ravira sans problème le grand public. Doté de scènes claustrophobiques (les galeries souterraines), d’un rythme fort bien soutenu, d’un cadre horrifique parfait (nous parcourons un cimetière, une morgue…), d’un final à la « Contes de la Crypte » et d’un acteur parfait dans son rôle, voilà l’épisode qui donnera envie au spectateur de définitivement se lancer dans cette petite série, même si l’épisode n’a rien d’exceptionnel en soi. Simple mais efficace comme « verrouillage » de l’amorce quelque peu fragile que représentait le premier épisode !

"L’autopsie"
« Un shérif chevronné enquête sur un cadavre trouvé dans les bois et appelle à l'aide son ancien collègue médecin légiste pour reconstituer des événements terrifiants »

"La prison des apparences"
« Rêvant de s'intégrer, Stacey décide d'utiliser la crème vantée par ses collègues. Mais elle subit une réaction bizarre et observe une transformation des plus étranges… »

Avec ces troisième et quatrième épisodes, nous avons là le meilleur de la série (cet avis une fois de plus n’engage que moi). Des scénarios travaillés et originaux (surtout l’épisode d’Ana Lily Amirpour, même si j’aurais préféré une fin plus explicite bien que celle-ci me convienne également, la réalisatrice ayant préféré rester dans la tête de Stacey et ne pas montrer la réalité) mais des univers totalement différents avec une enquête sombre mêlant horreur, gore et science-fiction pour l’un (un thriller horrifique où l’on passe un peu de temps dans une morgue en compagnie de plusieurs cadavres et qui vient lorgner du côté de "The Jane Doe identity" et "Le veilleur de nuit"), de la psychologie et de l’humour pour l’autre (avec un gros brin de satire sur les produits de beauté miracles, un discours sur la beauté intérieure et la beauté plastique et une belle critique de la télévision).

C’est propre et soigné des deux côtés : la qualité monte crescendo dans la série au vu de ces deux épisodes fortement recommandables ("La prison des apparences" étant mon préféré de l’anthologie).

"Le modèle"
« Quand Will, étudiant en art, fait la connaissance de l'introverti Richard et de ses œuvres glaçantes, son sens de la réalité commence à dérailler »

Voilà un bon épisode très Lovecraftien aux décors réussis et aux costumes d’époque favorisant sans problème l’immersion. Intriguant, sombre et doté d’un bestiaire sympathique et de quelques jumpscares et visions cauchemardesques qui fonctionnent, histoire de bien nous rappeler que nous sommes ici pour frissonner, cette histoire qui se termine une nouvelle fois en mode « Contes de la Crypte » plaira à coup sûr à beaucoup de spectateurs bien que le fil conducteur soit bien mince.

"Cauchemars de passage"
« Des années après la mort de sa jumelle et déterminé à la faire revenir, un chercheur s'aventure dans un royaume mystérieux et sombre, grâce à une substance spéciale »

"L’exposition"
« Un riche inconnu invite quatre personnalités dans sa villa huppée pour une expérience unique, mais leur curiosité se transforme bien vite en effroi »

Aïe, nous voilà clairement dans ce que je considère comme le bas du panier.
La première histoire est celle que j’ai le moins aimé dans "Le cabinet des curiosités". Gros sentiment de déjà-vu, des passages horrifiques ratés, des personnages non mémorables et une absence totale de frisson : rien ne semble vouloir fonctionner dans cet épisode malheureusement qui marque un coup d’arrêt net dans l’anthologie (et je ne dis pas cela car je ne suis pas un grand fan de la saga "Twilight" hein !)

En ce qui concerne la seconde histoire, j’en ai déjà parlé tout au début de ce chapitre : blablateux au possible, lent dans sa narration et très « intello » dans son approche, cet opus du cinéaste canadien Panos Cosmatos aura bien du mal à attirer le Grand Public mais également les fantasticophiles qui, lors du visionnage de "Mandy" une poignée d’années avant, s’étaient déjà divisés en deux camps (les détracteurs et les adorateurs). Cosmique, métaphysique, photographie monochrome… Il faut aimer ce type de cinéma singulier qui porte l’empreinte de notre cher cinéaste. Pour ma part, j’ai bien eu du mal une fois de plus à entrer dans cette histoire de notre « faux-grec » (lol) même si tout n’est pas mauvais comme l’épisode précédent. Le traitement des personnages (ah ce cher Peter Weller !) et la bascule soudaine en pleine science-fiction psychédélique qui rappellera quelques classiques du cinéma fantastique m’ont en tout cas interpellé, sans pour autant rester à l’esprit une semaine après le visionnage…

"Murmuration"
« Brisés par un deuil tragique, les ornithologues Nancy et Edgar se réfugient dans une maison isolée pour travailler. Mais ils vont y trouver l'horreur et la désolation »

Voilà bien un hommage aux films de maison hantée avec tout ce qu’il y a de clichés (les portes et planchers qui grincent, les apparitions en arrière-plan, le fantôme qui nous fonce dessus, le mystère qui entoure les anciens occupants de la bâtisse…). Une fois de plus, Jennifer Kent nous parle de deuil au travers du fantastique mais cette fois on reprochera un manque de profondeur et d’originalité dans son récit : on se concentre bien plus sur la relation entre les deux ornithologues (et d’ailleurs le jeu d’acteur est parfait à ce niveau) que sur les mystères de la maison (nous aurions aimé un peu plus de profondeur dans ce mystère mais visiblement le format 1h ne permet pas de créer un film-puzzle avec une intrigue qui se déroule au fil d’indices et de visions du passé…).
Le film est assez banal en soi mais par contre l’utilisation des oiseaux comme fil conducteur de ce récit (la notion de « liberté ») est bien trouvée et savamment amenée, et apporte indéniablement de l’épaisseur au scénario quelque peu faiblard sur le papier.
En tout cas, voilà un épisode qui permet de remonter la pente en toute fin d’anthologie, après deux épisodes décevants.

Au final, "Le cabinet de curiosités" est une mini-série à la qualité en dents de scie. D’un côté nous y retrouvons de bonnes choses (les épisodes 3 et 4 en tête, suivis des épisodes 2, 5 et 8) mais de l’autre côté malheureusement des épisodes allant du passable (épisode 1) au décevant (les épisodes 6 et 7).
Heureusement, l’ordre des épisodes permet une lecture finalement appréciable de l’ensemble, les épisodes les plus intéressants étant présentés de façon crescendo (du 2 au 4) tandis que les épisodes moins percutants étant dévoilés en toute fin (les 6 et 7) mais sans pour autant clore la série sur une mauvaise note (l’épisode 8 remonte le niveau sans pour autant atteindre la qualité des opus 3 et 4 qui font office de point culminant de la mini-série présentée ici).

Cabinet de curiosités - Le | Guillermo del Toro's Cabinet of Curiosities | 2022
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Bande-annonce
Note
3
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David Maurice