Savoirs oubliés - les
Savoirs oubliés - les
Après un rituel sacrificiel manqué, Grégoire DeLille invoque et séquestre Themistocle, ancien alchimiste immortel. Afin de sauver sa vie et retirer la condamnation qu’il s’est lui-même infligé lors du sacrifice, Grégoire a besoin des savoirs de son otage mystique. Pour cela, il est prêt à tout lui faire endurer. Mais a-t-il vraiment conscience du prix à payer ?
L'AVIS :
Passons tout de suite sur ce qui pourrait rebuter un public lambda : le manque de moyens financiers du film. Tourné en total indépendance, avec un budget qu’on imagine faiblard, « Les savoirs oubliés » n’a forcément pas la technique d’un film à plusieurs millions. Ce qui lui retirera forcément une partie du public, préférant être dans ses petits souliers devant quelque chose de plus standard. Toutefois, s’arrêter à cela serait passé à côté d’une œuvre, qui au-delà de ses carences, apporte un soin et une recherche dans sa proposition visuelle. Bien que scénaristiquement et thématiquement intéressant, le film vaut principalement pour son ambiance. D’une part, grâce à une atmosphère lugubre mise en valeur par des décors étonnants (bien que certainement préexistants), des accessoires disséminés un peu partout (parfois pour la déco, souvent pour une utilité dans le film) et surtout une gestion des lumières qui apportent une marque spécifique. Jouant sur les éclairages de différentes couleurs pour renforcer le sentiment d’angoisse, le film distille son aura putride et malsaine jusqu’à un certain malaise.
Un malaise renforcé par une accumulation d’effets gore à la fois pratiques et numériques. La première partie du film tourne d’ailleurs autour de la torture de Themistocle et le réalisateur, Jean de Boutiny, n’y va pas avec le dos de la cuillère. Amputations, brûlures, électrocution, le pauvre alchimiste interprété par Nicolas Beaudeux, n’est pas épargné… Le film se dirige ensuite, dans sa seconde moitié, vers des sévices toutes aussi violentes à base de dents fracassées, de mains entaillées, et d’éventration. Tout un programme ,mes ami(e)s ! L’œil du spectateur détectera que certains de ces effets manquent de réalisme, mais ce côté « home made » a tendance à plutôt renforcer l’intérêt et à impressionner qu’à desservir le métrage. En effet, toute personne s’intéressant à la fabrication d’effets spéciaux sera tenté d’essayer de comprendre comment ils ont été réalisés tant ils semblent à la fois bricolés et complexes. A noter que les effets de plateau sont plus convaincants que les effets numériques, mais ça, c’est le cas pour majeure partie des films d’horreur.
« Les savoirs oubliés » est donc violent, mais il est aussi très sérieux. Jean de Boutiny veut raconter son histoire de manière jusqu’au-boutiste et premier degré, croyant en ce qu’il veut dire et a le mérite d’éviter de tomber dans le ridicule (ce qui est toujours un gros risque pour un film ambitieux sans trop de moyens). Cette réussite est notamment dû aux éléments précités, mais aussi à des acteurs investis (bien que perfectibles à certains moments), un auteur que l’on sent passionné par son sujet, une musique qui colle parfaitement aux images, et des personnages malaisants tout droits sortis d’un livre de Clive Barker.
Si la durée du film, d’environ 43 minutes, peut surprendre stratégiquement (trop longue pour la plupart des festivals de court-métrages et trop courte pour atteindre le long-métrage qui permettrait une diffusion potentielle au cinéma), il faut bien admettre qu’il sied à l’histoire que le réalisateur veut nous raconter. « Les savoirs oubliés » n’a pas vraiment de gras et tout semble s’imbriquer naturellement. Les plans sont clairs et le montage rend honneur à ces choix de réalisation, même si, à deux ou trois reprises, il semble manquer un contrechamp pour un raccord totalement invisible. Rien qui ne vienne toutefois perturber le visionnage et surtout rien qui ne gâche tout le travail qui semble avoir été fait en préparation.
« Les savoirs oubliés » , avec son budget certainement minime, s’en sort donc avec les honneurs d’un point de vue factuel et son histoire bien que relativement simple à suivre, est emplie de symboliques, de non-dits et de détails obscurs qui raviront les passionné(e)s de mysticisme, au risque de laisser les gens plus terre à terre sur le bas-côté. Ah, et les adeptes de démons en cuir aussi apprécieront.
* Le film a été projeté au BUT film festival en 2022 et est disponible en DVD chez Toxic Filth.