Affiche française
OPEN WATER - EN EAUX PROFONDES | OPEN WATER | 2003
Affiche originale
OPEN WATER - EN EAUX PROFONDES | OPEN WATER | 2003
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Open water - en eaux profondes

Open water

Pour se reposer, Susan et Daniel décident de partir en vacances aux Bahamas. Là, ils profitent des attractions touristiques et s'inscrivent pour une expédition de plongée sous-marine. Chacun est libre de plonger comme il l'entend. La seule consigne est d'être remonté à la surface en temps voulu. Quand Susan et Daniel émergent enfin, le bateau est parti. Ils se retrouvent alors tous les deux, perdus, en plein océan.

OPEN WATER - EN EAUX PROFONDES | OPEN WATER | 2003

Dans le monde du film horrifique, les menaces animales constituent une source d'inspiration apparemment inépuisable pour les producteurs. A peu près tout ce qui peut présenter un danger pour l'homme a déjà été traité, et même ce qui ne saute pas forcément aux yeux, comme les moustiques de "Mosquito", l'anguille du récent "Leviathan" ou encore les moutons de "Black Sheep". Parmi ces animaux dangereux, le requin se taille la part du lion. Depuis le succès de "Les Dents de la mer" de Spielberg, nombreuses ont été les tentatives pour le surpasser, et rares ont été les vraies satisfactions. Bien sûr, certains de ces films restent sympathiques, mais sont quand même sujets à beaucoup de débats. Ainsi, Stéphane Erbisti pourra être très bavard sur les qualités de "Peur Bleue", tandis que je trouve le premier "Shark Attack" loin d'être aussi mauvais que sa réputation. Mais, malgré son nombre conséquent de nanars et de navets (allez, au hasard, "Tintorera!" ou "Blue Demon"), le film de requins fait toujours recette. Aussi, quand débarque en 2004 sur nos écrans une affiche montrant quelques ailerons, la perspective de voir un nouveau "shark movie" en fait saliver plus d'un.

Et pourtant, Open Water, puisque c'est de ce film qu'il s'agit, n'est en aucun cas un film de requins. Oh, bien sûr, le film comporte certains squales, mais globalement, c'est bien plus un drame qu'un film ayant pour objet de faire du spectaculaire avec des attaques nombreuses et stupides. Pourtant, les spectateurs s'attendront à voir un nouveau film de ce genre, et en ressortiront déçus de ne pas avoir obtenu ce qu'ils attendaient. Si l'affiche américaine est trompeuse, l'histoire ne souffre pourtant d'aucune ambigüité. Basé sur une histoire vraie (la disparition le 25 janvier 1998 d'un couple de plongeurs oubliés sur place par leur bateau alors qu'ils exploraient la Grande Barrière de Corail en Australie), Open Water nous raconte la mésaventure d'un jeune couple abandonné en pleine mer suite à un concours de circonstances. Difficile, suivant un tel postulat, d'imaginer des attaques de requins à répétition non? Ce sera pourtant le principal "défaut" qui sera reproché au film...A vous d'en juger la pertinence. Le film est ainsi bien plus proche des méconnus "Cyclone" et "Mission of the shark: the saga of the USS Indianapolis" que de ceux cités plus hauts.

Le film commence logiquement par la présentation des personnages principaux. Un couple ordinaire, aux préoccupations ordinaires, venu se détendre en vacances. Une tentative de se retrouver, pour un couple dont on devine un certain éloignement sous jacent. Des personnages auxquels il est facile de s'identifier, par le biais de situations simples mais pertinentes : qui n'a jamais été agacé par le bruit d'un moustique en pleine nuit, et qui n'a jamais été confronté aux humeurs de Madame (ou pour ces dames: qui n'a jamais fait subir à Monsieur le fameux mal de crâne ?) ? Une identification aisée donc, ce qui permettra de renforcer le sentiment d'empathie pour ces deux jeunes personnes. Même en ce qui concerne la fameuse plongée sous-marine, loisir qui semble réservé aux plus aisés, on constate facilement que la formule choisie l'a été davantage par rapport au prix qu'à la qualité. Ce processus identificatoire se poursuit jusqu'au fameux incident ayant pour conséquence de les voir abandonnés seuls en pleine mer. Un capitaine distrait, un touriste boulet, et un mari que l'ivresse de la plongée pousse à aller un peu plus loin...Tant d'éléments qui ne sont pas si exceptionnels que ça. Ainsi, si l'histoire est effrayante, c'est parce qu'elle peut arriver à n'importe qui. Et il faut bien avouer que se retrouver seul en haute mer, ça ne réjouirait personne. A ce stade, Open Water va prendre une direction qui va en dérouter plus d'un.

En effet, beaucoup qualifient le film de Kentis de "trop long" et "ennuyeux". Il est vrai que le film évolue à un rythme très calme, très posé. Le but du réalisateur n'est pas de faire du sensationnel, mais simplement de raconter une histoire simple et réaliste. Pour ce faire, il va utiliser une réalisation qui semble minimaliste, mais est remarquablement travaillée. Car si les plans terrestres semblaient parfaitement structurés, carrés, les plans en haute mer semblent soumis aux mouvements des vagues, du courant : nous sommes spectateurs du drame qui se joue devant nous, nous sommes presque en train de dériver avec Susan et Daniel, avec comme seul point de repère l'océan, tout autour, qui devient rapidement une entité propre, silencieuse mais menaçante. Ainsi, nous assistons à l'action au travers de plans fixes, mais néanmoins mouvants, selon deux points de vue principaux: le premier, à la surface, permettant une véritable immersion dans ce que peuvent ressentir les personnages. On ne voit pas ce qu'il y a sous l'eau, et comme les personnages, on ne peut qu'imaginer. Imaginer le pire d'ailleurs, bien souvent. Le second point de vue est quant à lui en dessous de la surface, pour nous faire découvrir ce qui se déroule sous l'eau. Ces plans correspondent généralement aux moments où l'un d'eux décide de vérifier ce qu'il se passe. Nous permettant de mettre un nom sur l'élément perturbateur. Et, si l'ombre des requins plane sans cesse sur les personnages, telle une épée de Damoclès, comme la pire menace envisageable, l'océan révèle rapidement des dangers nombreux et tout aussi dangereux.

Piégés dans cet espace, la première ombre au tableau de Susan et Daniel sera la déshydratation. Car bien sûr, il ne faut pas boire l'eau de mer. La frustration légitime de ne pouvoir étancher sa soif dans un espace rempli d'eau aura ainsi rapidement raison de l'espoir et du soutien mutuel que s'apportaient les jeunes gens. Ainsi, alors que l'humeur était à la relativisation les premières minutes ("ils vont s'apercevoir qu'on manque à l'appel"), l'agacement, la fatigue, la soif, vont rapidement changer la donne: colère, rancœur ("c'est de ta faute", "c'était ton idée") s'ajoutent au tableau. Et bien évidemment l'angoisse va progressivement s'insinuer chez les protagonistes, parallèlement à l'amenuisement de leurs chances de survie, et à l'apparition des habitants de l'océan. Des poissons ordinaires, puis des méduses feront ainsi paniquer notre couple, avant l'apparition furtive d'un aileron. Toute cette angoisse qui est montée insidieusement jusque-là par le biais d'éléments distillés par Kentis va se matérialiser dans la scène extrêmement simple, mais terriblement efficace, de cette première apparition surprise. Dès lors, l'angoisse cède le pas à une véritable panique. Les ailerons se multiplient, la nuit tombe et une tempête se prépare. Susan et Daniel ne sont plus que des points sombres sur la robe noire de l'océan, à peine éclairés par les éclairs, audibles simplement par les hurlements de désespoir et leurs "je t'aime" qui ressemblent à autant d'adieux.

Open Water, c'est ainsi une histoire d'une simplicité remarquable au service d'images à l'efficacité redoutable. La grande qualité du film tient ainsi dans le réalisme des situations. Ici, pas d'effets spéciaux en pagaille, pas de scène d'action grandiloquente. Simplement, la crédibilité d'un drame qui se déroule sous nos yeux, et face auquel les personnages sont impuissants. Un réalisme qui provient d'abord des choix opérés par Chris Kentis et les producteurs. Plutôt que d'utiliser des images de synthèse qui, aussi bonnes qu'elles puissent être, ne peuvent remplacer le réel, ils vont utiliser de vrais requins, dans leur milieu naturel au large des Bahamas. Essentiellement, des requins gris, et quelques requins taureaux. Pour les amener à effectuer les actions voulues, ils vont, à l'aide d'un spécialiste, utiliser une méthode aussi simple qu'efficace: les attirer à l'endroit souhaité au moyen de morceaux de thons, parfois lancés très près des acteurs. D'ailleurs, le tournage devait parfois être suspendu quand, excités par toute cette chair de poisson dans l'eau, les requins risquaient de devenir incontrôlables. Au milieu de ces requins, les acteurs, très crédibles (Blanchard Ryan recevra notamment un prix pour son interprétation), qui passeront plus de 120 heures dans l'eau pour les besoins du film ! Au final, l'utilisation de ces moyens permettra de limiter de façon conséquente le budget du film (seulement 130 000 dollars), pour un réalisme impressionnant.

Open Water est donc un film réussi sur tous les points, réaliste, intelligent, angoissant, et bénéficiant de qualités de réalisation et d'interprétation remarquables. Pourtant, c'est une œuvre qui est suivie par une réputation étonnamment négative, qui peut s'expliquer par le parti pris de Chris Kentis de laisser son histoire se dérouler, et donc d'exiger un certain investissement du spectateur. Le rythme lent et l'absence d'action pourront ainsi en rebuter plus d'un, mais contentera ceux qui se seront attachés à Susan et Daniel, leur permettant d'apprécier pleinement cette histoire glaçante.

OPEN WATER - EN EAUX PROFONDES | OPEN WATER | 2003
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Note
5
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Steeve Raoult