Mondocane

Mondocane

Nous sommes à Tarente, dans un des plus grands ports commerciaux de la Méditerranée, par une journée quelconque d'un futur proche où la civilisation s'est dégradée et perdue à la fois. Là, deux jeunes pêcheurs, Pietro et Cri, ayant grandi ensemble dans ce monde apocalyptique, rêvent d'échapper à leur vie misérable loin des ruines de la ville. Leur plan est de rejoindre les Fourmis, un gang de jeunes délinquants dirigé par le terrifiant Tête Brûlée. Leur désir d’ascension sociale et de liberté va-t-il davantage les souder ou bien bouleverser leur destin à jamais et subséquemment mettre à l’épreuve leur amitié ?

Mondocane  | Mondocane | 2021

L'AVIS :

A l'instar de "Demain les mômes" (une rarissime incursion française dans le cinéma dit « post-apocalyptique »), Mondocane (à ne pas confondre avec "Mondo Cane", le film choc de…1962 !) fait partie du genre de la fiction dite « spéculative ». Pour les néophytes, dans ce type de récit, on part d'une situation de départ intégrant un élément d'anticipation (ici, la dévastation de la Terre à cause de la pollution) et on va plutôt développer des axes de réflexion plus philosophiques, politiques ou bien sociétaux, sans faire de l'élément fantastique le sujet principal de l'histoire. Le film explore ainsi le thème de la survivance de l'individu en groupe et par extension de la société en général, dans un monde en ruines voire chaotique, mais aussi questionne sur la place de l'enfant en tant qu’éco-citoyen dans cet univers dévasté et son rôle à venir car tout l’environnement de notre planète est menacé.

Ainsi, comme dit ci-avant, le post-apocalyptique voire la contre-utopie sont plutôt des prétextes car à part quelques évocations de pollution (cf. les hautes cheminées d'usine fumantes) et l’apparition de deux, trois véhicules blindés, il n’y a pas grand-chose à se mettre sous les mirettes comme dans le fleuron du genre qu’est "Mad Max". On serait plutôt ici dans de l’anticipation mâtinée de psychologie avec l’histoire de ces deux gamins, Pietro et Cri, quasiment élevés tout seuls ainsi que par Fulmine, un vieux pêcheur, et qui rêvent de faire partie des Fourmis, un gang commandé par l’impitoyable Tête Brûlée afin d’évoluer socialement. A côté de ces principaux protagonistes, gravitent la jeune Sabrina, jeune orpheline allant de temps en temps à la plage, et Katia, une policière recherchant par-dessus tout le repaire des Fourmis, dont les destins vont inévitablement finir par converger.

Dans ce lieu tenu secret qu’on ne doit dévoiler sous aucun prétexte nommé « La Fourmilière », il n’y a pas de religion (voir notamment la scène lors de laquelle nos deux héros découvrent une croix avec le Christ sans savoir ce que cela représente), la propriété n'existe pas (les armes et les motos notamment sont à tout le monde) et il y a surtout un leader charismatique que l’on ne doit à aucun prix contrarier. Il s’agit bien sûr de Tête Brûlée, une figure anti-paternelle qui a un droit de vie ou de mort sur ces gangsters en culottes courtes armés de mitraillettes et ayant tous un surnom, dont Mondocane (c’est le nom d’un magasin pour animaux brûlé par Pietro) et Pisciasotto (car Cri, qui est épileptique, se fait pipi dessus à chaque crise). Ce chef de meute facilement irritable (formidablement incarné par Alessandro Borghi, un des meilleurs acteurs de la nouvelle génération du cinéma italien) dispense autant de caresses sur les petites têtes de ses orphelins que de terribles punitions en roulant des yeux, tel un sociopathe. Cela étant, il faut se montrer violent quand on est chef, sinon on se fait vite renverser et remplacer ! De plus, son plan est noble car il consiste à réunir assez d’argent pour reconquérir Tarente et en faire un endroit meilleur. Mais la soumission de Cri et de Pietro envers Tête Brûlée, ainsi que quelques rencontres fortuites, vont forcément venir menacer l’amitié et la liberté des deux personnages centraux…

Relativement bien joué et nanti d’une photographie rappelant les plus belles heures de Traffic de Steven Soderbergh, ce long-métrage italien vaut surtout pour ses deux acteurs principaux, l’un blond et l’autre brun, frères de sang mais sorte d’Abel et Caïn des temps modernes au charisme évident, ainsi que pour le chef des Fourmis, à la fois grand frère au charme magnétique, mais cruel quand il s’agit de protéger les siens.

Ainsi, Mondocane (« Dogworld » chez nos amis anglo-saxons) est le premier long-métrage d'Alessandro Celli et constitue une respectable tentative italienne de tourner une histoire locale ancrée dans une réalité dystopique et ayant une vocation universelle, celle de critiquer les méfaits des usines à travers le monde et qui polluent notre environnement au quotidien jusqu’à un point de rupture irréversible. A côté de ce message plus proche du cinéma d’auteur, on a aussi le droit à des scènes d’action brassant large, que ce soit l’univers de George Miller ou bien des classiques comme "Waterworld" ou encore "Sa majesté des mouches", le réalisateur transalpin se fait plaisir en rendant hommage à des œuvres emblématiques du Septième Art dit « de genre ».

Dans ce film, où tout le côté post-apocalyptique est plutôt une excuse pour développer d’autres idées, on retiendra surtout l’interprétation des deux principaux protagonistes (Dennis Protopapa et Giuliano Soprano), deux gamins de treize ans ayant grandi trop vite, ainsi que celle du chef de gang sans pitié dont la rencontre avec nos héros et une certaine prise de conscience feront peut-être évoluer les mentalités. De fait, ce premier travail fort plaisant du réalisateur italien Alessandro Celli est un film de divertissement dystopique qui cherche, sans prétention, à faire réfléchir sur le présent et à nous avertir sur le futur. Il est donc à découvrir car même si le script peut paraître cousu de fils blancs, il nous réserve tout de même son lot de surprises quant à certaines directions prises par les scénaristes…

Mondocane  | Mondocane | 2021
Mondocane  | Mondocane | 2021
Mondocane  | Mondocane | 2021
Bande-annonce
Note
3
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Vincent Duménil