Affiche française
Men | Men | 2022
Affiche originale
Men | Men | 2022
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oui

Men

Men

Après avoir vécu un drame personnel traumatisant (le suicide de son mari James), Harper décide de partir s’isoler dans la campagne anglaise, en espérant pouvoir s’y reconstruire. Mais une étrange présence dans les bois environnants semble la traquer. Hélas, ce qui n’est au départ qu’une crainte diffuse se transforme peu à peu en cauchemar total, nourri par ses souvenirs, ses peurs les plus enfouies, mais aussi l’indicible...

Men | Men | 2022

L'AVIS :

Un film choc comme on n’en voit plus ou très peu au cinéma. Une œuvre qui vous hante encore longtemps après son visionnage mais à revoir pour en saisir tous les aspects et surtout, pour mieux en comprendre tout le symbolisme. Un long-métrage d’une beauté visuelle à couper le souffle, accompagné d’une bande-son magnifique et à la fin complétement démente. Men c’est tout cela et bien plus encore, une véritable expérience sensorielle chamboulant votre vision, votre audition, votre psychologie et toutes vos représentations, ne pouvant par conséquent pas vous laisser indemne. Anticonformiste et clivant à l’extrême, ce film d’Alex Garland, jusque-là cantonné à des réalisations certes esthétiques mais plutôt conventionnelles ("Ex Machina" et "Annihilation"), est pour l’auteur de ces lignes, un chef-d’œuvre du Septième Art incontestable, de la trempe de Salo ou les 120 journées de Sodome et de "Martyrs" rien que ça, qu’on adhère ou pas au propos !

Le réalisateur britannique (également scénariste) aborde ainsi avec intensité les circonvolutions psychologiques de Harper, une jeune femme qui débarque en retraite spirituelle dans l'Angleterre rurale, suite à la mort brutale de son ex-conjoint. Son voyage en pleine campagne est alors accompagné d’un score splendide, « Love song » de Lesley Duncan (que l’on retrouvera plus tard…), en parfaite harmonie avec le panorama défilant sous nos yeux. Une fois arrivée, le symbolisme commence alors à poindre et Harper cueillera même une pomme dans ce qui semble représenter son nouveau jardin d'Eden jusqu’à sa rencontre avec Geoffrey, le propriétaire de la maison qu’elle a louée, un gentleman rustique mais de prime abord sympathique. Rapidement, elle enchaînera avec une balade bucolique, véritable bouffée d’air frais semblant la reconnecter au monde, en tout cas à la nature environnante. Puis vient la scène du tunnel (celui de l’affiche) s’apparentant à l'élément perturbateur déclenchant le début des péripéties du récit. Harper se retrouve désormais seule face à une sorte de galerie obscure et imposante au bout de laquelle on aperçoit une lumière, encore un symbole car pouvant être vue comme une étape à franchir pour qu’elle guérisse de son traumatisme et aille au bout du chemin ombrageux afin de trouver la libération de l’esprit. Mais elle semble apercevoir une silhouette au bout de ce tunnel et rebrousse alors chemin. C’est à partir de là que tout va se gâter et qu’elle va faire la rencontre d’hommes ne désirant pas forcément tous son bien...

En plus de Geoffrey, son hôte « vieille école » un peu infantilisant, elle croisera alors le chemin d’un homme se baladant tout nu sorte de stalker la harcelant, d’un adolescent capricieux, d’un prêtre moralisateur et d’un policier ne la prenant pas forcément au sérieux. Tous ces protagonistes qui partagent le fait d’être des hommes (métaphore à peine voilée du patriarcat asservissant), ne feront rien pour rendre tranquille la retraite spirituelle de la jeune femme. Au contraire, ils continueront de maltraiter une énième fois la condition féminine ne pouvant exprimer clairement son opinion quant aux événements qu'elle subit sans qu’on la juge. D’ailleurs les deux seuls autres personnages féminins du film, à savoir sa meilleure amie (avec qui elle communique via des appels vidéo) et la policière venue recueillir son témoignage, se démarquent car ce sont les seules à discuter cordialement avec Harper sur un même pied d'égalité.

Tout le long-métrage pourrait ainsi être vu comme une allégorie amenant à une catharsis libératrice pour son héroïne et débouchant sur moult interprétations mais qui surtout met en exergue le rapport des hommes dominants sur la femme victime. Men peut être aussi perçu comme une critique de la masculinité pouvant être toxique, réflexion très contemporaine à l’ère des #BalanceTonPorc et #MeToo, condamnant avec légitimité la violence, le machisme ou encore le harcèlement que peuvent encore subir les femmes à l’heure actuelle.

En plus de susciter en nous maintes réflexions pertinentes, le film n’oubliera pas également de nous faire peur et trembler à plusieurs reprises, notamment lors d’un dernier quart d’heure gore au possible pouvant rappeler à certains le polémique et intense "Society" de Brian Yuzna. Mais si Men emprunte fortement au fantastique et à l’horreur (via sa fin et son folklore), c’est tellement plus intelligent et mieux fait que le cinéma d’Ari Aster ou encore celui de Robert Eggers, qu’on pourrait juger trop affectés ! Men est un métrage inclassable qui parle avant tout du drame vécu par une femme (l’impeccable Jessie Buckley) qui essaie, à sa manière de l’oublier, mais qui se retrouve vite entravée par des hommes (dont le formidable Rory Kinnear vu dans "Black mirror (saison 1)" ou encore "Penny Dreadful (saison 1)") par trop moralisateurs et voulant tout contrôler.

Métaphorique en diable, le dernier film d’Alex Garland est doté d’un scénario aussi original qu’audacieux, d’un duo d’acteurs génial (notamment Rory Kinnear à la palette de jeu phénoménale), de décors somptueux (ah la magnifique campagne anglaise en automne !) et porte un regard autre sur la difficulté du deuil et de la culpabilité qui s’en suit. Alors quand tout cela est accompagné d’une bande-son saisissante, d’une ambiance anxiogène, d’effets spéciaux prodigieux (cf. les accouchements successifs) que n’aurait pas reniés David Cronenberg et d’une représentation des hommes en conformité avec la société actuelle, on se dit qu’on tient-là un excellent film d’horreur s'apparentant à une expérience viscérale unique !

Men | Men | 2022
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Bande-annonce
Note
5
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Vincent Duménil