Mad max 2 - le defi
Mad max 2 - road warrior
"Ma vie s'éteint. Mes yeux se brouillent", nous dit un narrateur qui se souvient. Images noir et blanc du premier épisode mélangées à des images d'archives. A l'époque, déjà, la guerre avait ravagé le monde, apprend-on. Max Rockatansky, ayant perdu ses proches dans son conflit avec les "Aigles de la route", devint fou de douleur. Le voilà trois ans plus tard, arpentant les déserts à bord de son Interceptor avec un nouveau toutou, desperado solitaire dans un monde retourné à l'état sauvage. Une seule chose compte à présent : l'essence. Il est attaqué par des barbares hurlants en véhicules customisés, s'en débarrasse et récupère l'essence contenue dans l'épave d'un camion afin d'alimenter le moteur de sa voiture. Dans le cockpit du poids lourd se trouve un cadavre, ainsi qu'une petite boîte à musique actionnée par une manivelle, qui dévide l'air d' "Happy Birthday". Max l'empoche, puis fait la rencontre d'un aviateur d'hélicoptère made in apocalypse, éleveur de serpent barjot qui lui montre le "Chantier", un petit fort isolé et défendu par une tribu armée d'arbalètes et de lance-flammes. Le fort est régulièrement attaqué par les troupes hirsutes de Humungus, chef des barbares. Et pour cause. Derrière les enceintes de pneus et d'acier se trouve un puits de pétrole…
Sorti le 11 août 1982, "Mad Max 2 – le Défi" (ô insurpassables traducteurs…) fit un tabac, au point que six mois plus tard, la censure fut levée sur le premier opus. Un événement sensationnel, car ce n'est pas tous les jours qu'un nanar de série Z permet la libération d'un grand film – qu'il trahit d'avance. Un nanar, oui, exactement. Et qui obtint le Grand Prix du 10ème festival d'Avoriaz, s'il vous plaît… Il est temps à présent d'examiner pourquoi le désastre eut lieu et en quoi il consiste, n'en déplaise aux fans éblouis par leurs souvenirs honteux. Car vraiment, il faut le revoir pour le croire…
Corruption numéro 1 : George Miller ne veut pas faire de suite à Mad Max, mais la Warner Bros veut. Et quand la Warner Bros veut, la Warner Bros persuade. Tu peux pas nous faire ça, Georgy ! Tiens, on te donne le désert australien ! Et tiens, beaucoup plus de sous… Et tiens, du matériel neuf. Un hélico ? Une steady-cam ? Tout ce que tu veux ! Vas-y, éclate-toi, tu es un génie ! George Miller sent un moment le coup foireux, en parle longuement avec son meilleur ami Byron, déjà producteur sur le premier "Mad Max"… Il hésite. Faut-il s'isoler dans une forteresse, tel Stanley Kubrick ?
Corruption numéro 2 : le succès amène de nouvelles rencontres. George Miller est contacté par deux amis en vogue : Steven Spielberg et George Lucas. Les cuculisateurs de l'espace ("E.T"-1982, "Le retour du Jedi"-1983) ont un cadeau pour le cinéaste prodige. Un livre : "Le Héros aux 1001 Visages", de Joseph Campbell, l'un des pères du New Age. Lucas en est l'adorateur inconditionnel, sa trilogie en est inspirée. Il prêtera son ranch en 1985 pour les interviews télévisées du patriarche illuminé. Sa théorie : les mythes collectifs de l'héroïsme, inscrits dans le subconscient et sources d'énergie spirituelle (un ragoût de psychanalyse jungienne et de superstitions historico-mytho-pseudo-scientifiques). Et là se produit la catastrophe : George Miller adhère des deux mains. Spielberg, Lucas, Miller, ça ferait une nouvelle trinité, non ? Irrésistible perspective.
Résultat numéro 1 : Miller n'a pas les épaules taillées pour faire de tout ça une œuvre. Son imagination s'échauffe, certes, mais même en compagnie de deux autres scénaristes, c'est pour accoucher d'un script consternant de banalité dramatique. La "rédemption" de Max n'a rien d'original, n'importe quelle série télévisée offre à un moment ou un autre ce genre de parcours. Et il ne suffit pas de surcharger la stylisation des costumes et des buggies pour faire oublier ça. Dire qu'on a comparé ce navet à "Fort Apache" de John Ford, uniquement parce qu'on y retrouve un camp assiégé et une horde de sauvages. Misère de la critique… Pour ce qui est de la mise en scène, George Miller, manifestement enthousiasmé par les moyens mis à sa disposition, y perd toute sa maîtrise. Il essaie tout et ne construit rien, les scènes sont bâclées, le talent se dissout dans un mélange affligeant d'esbrouffe et de platitude. Pour le suspens et l'adrénaline, on repassera. Il suffit de comparer la scène de poursuite finale avec n'importe laquelle du premier "Mad Max" pour mesurer l'étendue du désastre.
Résultat numéro 2 : A voir les personnages, on en finit même par se demander si, à un moment ou un autre, la Warner a vraiment été seule sur la production du film. L'humour volontaire du film est d'un niveau sitcom (où est Will Smith ?), parfois même digne de Walt Disney (le chien, l'aviateur… où sont Riri, Fifi et Loulou ?). L'humour involontaire, quant à lui, pullule. Le chef des méchants ? Un hockeyeur SM bodybuildé et en slip de cuir. Les gentils ? Des mormons pleurnichards habillés de chiffons blancs, façon Luke Skywalker – et leur chef se nomme "Papagallo". Tout un programme… Et pour amadouer un Max dont on se demande bien ce qu'il peut encore avoir de "Mad", voilà qu'on nous sort un gogolito analphabète de 10 piges qui manie le boomerang et ferait passer Cheeta pour Albert Einstein. Faut-il rire ? Faut-il pleurer ? Le jury du festival d'Avoriaz était-il en plein trip LSD ? Autant d'énigmes.
"Ma vie s'éteint. Mes yeux se brouillent." En effet. Mais le succès est au rendez-vous, et quatre ans plus tard, Miller va nous donner une nouvelle idée de ce que signifie "plantage".