Couverture française
JESSIE | GERALD'S GAME | 1992
Couverture alternative
JESSIE | GERALD'S GAME | 1992
Auteur
Editeur
Date de parution (France)
Pages

389

Couleur ?
Non
Langue

français

Jessie

Gerald's game

Il ne fallait pas jouer à ce petit jeu, Jessie. Vous voilà enchaînée sur votre lit, le cadavre de Gerald à vos pieds, condamnée à vous enfoncer dans la nuit, la terreur et la folie. Les femmes seules dans le noir sont comme des portes ouvertes. Si elles appellent à l'aide, qui sait quelles créatures horribles leur répondront ?

L'AVIS :

Avec "JESSIE", Stephen King nous plonge dans les méandres de l'esprit humain et plus particulièrement dans celui de Jessie, la malheureuse héroïne de ce roman datant de 1992 et sortit en France en 1993 chez Albin Michel.

Malheureuse, Jessie l'est effectivement. Mais pas dans le sens "triste", dans le sens "elle a vraiment pas de bol !" En effet, alors qu'elle passe un week-end en amoureux avec son mari Gerald, dans une petite maison de vacances perdue en plein milieu des bois, ce dernier lui propose une partie de jambes en l'air comme il en a l'habitude. Car Gérald a une petite manie bien à lui pour déclencher son excitation : il adore menotter Jessie aux barreaux d'un lit, pour qu'elle lui soit entièrement soumise. Un petit jeu que Jessie effectue sans grande conviction, juste pour faire plaisir à Gérald. Sauf que cette fois, elle n'en a vraiment pas envie. Elle se retrouve tout de même menottée mais souhaite abréger la séance, ce que Gérald refuse. Devant son insistance, elle lui assène un bon coup de pied dans le ventre et les parties génitales. Et là, pas de bol ! Gérald fait une crise cardiaque et meurt, le cœur foudroyé, au pieds du lit. Et Jessie de se retrouver attachée au lit, sans les clés permettant l'ouverture des menottes. Seule au monde. Sans possibilité d'appeler de l'aide.

La soif, la faim, la douleur dans ses muscles, la solitude vont lui permettre de se livrer à une véritable introspection personnelle, ravivant des souvenirs enfouis depuis son enfance. Des souvenirs pas très agréables, comme celui de son père lui montrant une éclipse de soleil. Plus les heures passent, plus la raison de Jessie vacille, plus ses forces l'abandonnent. Et puis la peur survient. Les aboiements d'un chien, qui semble pas très loin du chalet de vacances dans lequel elle est retenue prisonnière, vont décupler son stress, son anxiété. Il faut qu'elle parvienne à trouver un moyen d'ôter les menottes qui l'empêchent de s'en aller. Avant que le chien, ou autre monstre tapis dans la forêt, ne vienne à sa rencontre...

Comme on le voit, JESSIE est un pur huis-clos, qui se déroule quasiment entièrement sur un lit. Le roman fait quand même 389 pages et on se demande comment Stephen King va pouvoir nous intéresser autant de temps avec un seul personnage et une seule unité de lieu. On lui fait toutefois confiance et même s'il y a des passages un peu longuet, on peut dire qu'au final, le maître du Maine a réussi son pari.

Dans "JESSIE", point d'éléments non rationnels, point de "fantastique". Tout est ancré dans la réalité. Une dure réalité. Les fans du King auront rapidement perçu certains éléments qui rattachent ce roman à celui de "DOLORES CLAIBORNE" et notamment cette éclipse de 1963, présente dans les deux ouvrages. Deux romans, auxquels on peut ajouter "ROSE MADDER", qui dressent le portrait de femmes fortes, exploitées par les "mâles", mais qui luttent pour s'en sortir. Stephen King serait-il un féministe dans l'âme ? Possible. En tout cas, il frappe souvent juste sur ce sujet.

La réalité pour Jessie, c'est ces menottes qui entravent le moindre de ses mouvements. C'est le sentiment qu'elle va y rester, déshydratée, affamée ou pire encore. C'est la peur de ce chien errant et affamé lui aussi, qui commence à boulotter le corps de son défunt mari. C'est la terreur que les ombres furtives dans la maison font naître dans son esprit. Un esprit en proie aux incessants discours de ses "autres voix" qui viennent soit la soutenir, soit rouvrir d'anciennes blessures cicatrisées. Des blessures du temps passé qui donnent tout son sel à cette histoire très banale au départ et qui vont nous mettre souvent mal à l'aise. L'épisode avec le père de Jessie lors de cette fameuse éclipse est à ce titre assez désagréable à lire tant on s'imagine dans la peau de cette petite fille innocente. Les descriptions de Stephen King sont comme à l'accoutumée percutantes et nous placent au plein cœur de l'action.

Si on pourra trouver quelques longueurs dans les nombreux dialogues que se fait Jessie à elle-même ou avec "ses voix", on ne peut nier que "JESSIE" est au final assez efficace dans son genre. L'introspection du personnage est intéressante, tout comme sa volonté de survivre lui donne de l'épaisseur. Jessie, c'est un beau personnage et les mésaventures que lui fait subir Stephen King ne laisseront personne de marbre. On appréciera (ou pas), les derniers chapitres du livre, qui dénotent de tout le reste mais donnent une nouvelle approche aux peurs de Jessie.

Si vous aimez les huis-clos et les histoires avec une approche réaliste, alors JESSIE vous donnera grande satisfaction. Ce n'est, pour ma part, pas mon King préféré, j'ai parfois eu envie de décrocher un peu, mais ce serait dommage parce qu'en fin de compte, le récit rebondit à de nombreuses reprises et finit par nous happer avec lui.

Note
4
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Stéphane Erbisti