Affiche française
Justine | Justine | 2023
Affiche originale
Justine | Justine | 2023
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Justine

Justine

Basé sur l'érotisme dépravé et libertin de Justine ou les malheurs de la vertu du Marquis de Sade. Une adolescente utilise toutes les méthodes sociales pour préserver sa vertu, et ne trouve à la place que des incitations au vice...

Justine | Justine | 2023

L'AVIS :

Quand on pense à "adaptation cinématographique du Marquis de Sade", on pense systématiquement à l'oeuvre de Pier Paolo Pasolini, "Salo ou les 120 journées de Sodome". En effet, s'il est encore aujourd'hui difficile d'adapter la littérature baroque de l'auteur en raison de son contenu impudique impossible à retranscrire sous peine de tomber dans le X hardcore et déviant, nous pouvons néanmoins adopter son état d'esprit avec plus ou moins de fidélité vis-à-vis de sa philosophie subversive de la liberté individuelle. Beaucoup plus complexe qu'une simple exploration de la perversité, le sadisme du Marquis donne libre cours aux fantasmes les plus inavouables, annihilant toute forme de construction morale et éthique instaurée par le catholicisme de l'époque en renversant le dogme qu'il considère comme une entrave. La quête du plaisir d'un esprit libertaire devient l'ultime but de la vie, et l'individu trouve l'extase uniquement dans l'excès en laissant simplement affirmer ses pulsions naturelles, qu'elles soient charnelles ou destructrices.

Un philosophe crachant sur une société qui lui permet de vivre en paix, oubliant que c'est la raison pour laquelle il est capable de prendre le temps de s'interroger, devient systématiquement une figure emblématique de la rébellion intellectuelle lorsqu'il est l'énième individus à remettre en question les fondements de la morale sociétale. La volonté d'agir selon le libre-arbitre est un fantasme persistant de la masse populaire avide de liberté et de chaos lorsque celle-ci se lamente sur son confort tout en se confortant dans ses lamentations. Du côté du Marquis de Sade, l'accomplissement de l'être se trouve dans l'expression pulsionnelle, dans le rejet des normes, dans l'athéisme radical et la poursuite de ses désirs sans inhibition. Une dystopie qui aura permis d'engendrer les œuvres les plus scandaleusement pornographiques de la littérature française. Parmi elles, Justine ou les Malheurs de la vertu, qui en 2021 fut revisité par un cinéaste indépendant qui ne manquera pas de séduire les pèlerins du cinéma souterrain.

C'est dans la sublimité de la description lyrique de l'obscénité que l'érotisme ensorcelant de l'ouvrages puise sa force, et le réalisateur Alex Hernandez l'a parfaitement saisie à travers son "Justine". Loin de la retenue de Jess Franco, le jeune réalisateur optera pour une démonstration plus explicite de cette Alice aux pays du supplice. Définitivement à caractère pornographique, les images chirurgicales nous heurtent de plein fouet avant de vaciller vers quelque chose de plus raffiné. Usage de la musique classique pour combler l'absence de décor baroque, citations de Gustave Flaubert, Victor Hugo, Jean-Jacques Rousseau et autres pour alimenter le discours du tortionnaire, le Dr Rodin, un penseur qui adopte l'adolescente pour son initiation au baiser, effets spéciaux remarquables dans une beauté visuelle somptueuse et étonnante pour un budget de 5 000 $, bref, "Justine" excelle dans sa manière de retranscrire la prose audacieuse de l'écrivain, sans oublier de verser dans le gore à de nombreuses reprise en s'inspirant directement du torture-porn.

Adaptant une micro-partie de l'ouvrage originel, le personnage de Justine se retrouve sous l'étreinte du Dr Rodin (un personnage qui n'apparaît pas dans le livre) pour vivre un enfer paradisiaque où fluides corporelles, cris de détresse et cris de jouissance ne font plus qu'un. Le format parfois pictural de certaines scènes et le filtre utilisé rappelleront aussi bien le cinéma de Lars Von Tiers que celui de Marian Dora, se mariant alors parfaitement à la sensualité du vice exhibé à l'écran. C'est en effet avec une certaine délicatesse que les atrocités s'opèrent, permettant au sadisme de courtiser la chasteté pour une relation complémentaire, juste et parfaite. Le Bien et le Mal sont aussi purs l'un que l'autre, et le contraste entre la souffrance et le plaisir s'estompe pour un alliage de métaux purs et impurs dont l'alchimie trouve l'accomplissement de son Grand-Oeuvre dans l'exaltation d'un vit noble, fièrement dressé sous la compression aphrodisiaque de la noirceur typhonienne. La tendance naturelle de la cruauté rendue éthérique nous tend la main pour nous emmener sur l'idyllique sentier de la liberté tenu loin de l'Eden.

La courte durée de "Justine" permet au film de rester sur l'essentiel, de proposer ses performances et de nous captiver dans son atmosphère suave et onirique sans perdre notre attention, déversant le sang du châtiment avec une cruelle douceur à en faire jouir les sadiques. On reste toutefois dubitatif quant au final particulièrement abstrait qui utilise des séquences du film "Blood for Flesh" du même réalisateur pour ponctuer le récit, bien que nous comprenions en quoi "Justine" demeure dans la continuité de celui-ci.

Finalement, le cinéma extrême a encore de beaux jours infâmes devant lui, et Alex Hernandez fait partie de ses auteurs obscurs qui, grâce au soutien de Domiziano Cristopharo et Tetro Video, trouveront assurément une place dans le cœur des amateurs d'expérience intensive où la désinhibition du tabou vient renverser notre perception des règles du savoir-vivre.

Après tout, jouir, c'est comme philosopher : c'est apprendre à mourir. C'est pourquoi l'orgasme s'appelle la petite mort de par chez nous, en France. Et Alex Hernandez, tout comme le Marquis, l'a très bien compris.

Justine | Justine | 2023
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Note
4
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Nicolas Beaudeux