Grave
Grave
Justine, 16 ans, est une adolescente surdouée qui entre en école vétérinaire, dans un établissement scolaire où étudie déjà sa soeur aînée Alexia. Nouvelle arrivée oblige, la jeune fille subit un bizutage des plus brutaux pour elle : alors qu’elle est végétarienne, la voilà forcée à manger de la viande crue ! Mal dans sa peau depuis cet évènement, s’ensuit alors des changements radicaux dans la vie de Justine qui va progressivement découvrir sa vraie nature...
Véritable phénomène de l’année 2016, le film franco-belge "grave" (alias "raw") de Julia Ducournau a écumé les festivals (Gérardmer, Toronto, Sitges, Paris, Strasbourg, L’Etrange Festival...) depuis son apparition à Cannes et récolté de nombreux prix (le Grand Prix et le Prix de la Critique à Gérardmer, l’Octopus d’or et le Prix du Public à Strasbourg,l’ Oeil d’Or du Public et le Prix Ciné+ Frisson à Paris, le Méliès d’Argent à Sitges, le Prix du Public à Toronto...). Impossible de passer à côté de cette tornade qui sévit sur les festivals de mi-2016 à début 2017 : le film "grave" crée l’évènement, encore bien plus qu’un "it follows" quelques années avant qui avait su se faire remarquer dans de nombreux festivals également (et pourtant un film certes loin d’être déplaisant mais terriblement surestimé soit dit en passant...).
Qui n’a pas entendu parler notamment de cette séance de minuit au TIFFF (festival de Toronto) durant laquelle certains spectateurs se seraient évanouis durant la projection ? Un énorme buzz qui accompagna le film lors de ses projections à venir dans les festivals de seconde partie d’année (Strasbourg, Sitges ou encore Paris) ou de début d’année suivante (Gérardmer).
"Grave" est-il véritablement la bombe annoncée ou est-ce tout simplement un bon gros pétard (à moitié) mouillé porté vers l’avant par une productrice bien connue des français (Julie Gayet) ? Réponse ci-dessous !
Film d'auteur, ce récit initiatique mêlant psychologie, horreur, humour et drame,avec quelques petites touches saignantes en prime (n'oublions pas que nous sommes en plein cannibalisme), nous plonge dans la transition lente et douloureuse d'une jeune fille vers l'anthropophagie.
Le cannibalisme qui n’est d’ailleurs ici qu’une sorte de prétexte horrifique pour instaurer et imager en partie un contexte de changement, de métamorphose chez l’être humain (rappelons notamment que Julia Ducournau, la réalisatrice, apprécie fortement le travail de David Cronenberg et l’un de ses thèmes de prédilection : la métamorphose de la chair) qui se situe justement en pleine adolescence : une période de transition bien connue dans le cycle de l’être humain durant laquelle le jeune est en recherche d’identité, commence à s’affirmer (refus de l’autorité, renoncement de ses convictions) et découvre un peu plus la sexualité tout en voyant son corps se transformer.
Justine, alors en pleine adolescence, se voit confrontée à tous ces changements, certes très radicaux et brutaux dans le film, et commence à s’affirmer sous l’oeil quelque peu amusée de sa soeur. La jeune fille timide, surdouée et chouchou des professeurs, va progressivement sortir de cette bulle dans laquelle elle était enfermée depuis tant d’années, brisant certaines convictions (elle qui est végétarienne va goûter à quelque chose de bien différent...) qui lui étaient pourtant chères. Ici, le cannibalisme est plus vu comme l’un des facteurs de cette transition, une des étapes de sa radicale transformation vers l’âge adulte. Par l’anthropophagie, Justine montre l’envie claire et nette de sortir de ce cocon familial, de s’émanciper, de découvrir sa vraie nature et non celle qui était prisonnière de convictions et enfermée dans un contexte scolaire étouffant.
Le bizutage à l’école de vétérinaire est d’ailleurs une étape essentielle dans cette transition pour la jeune fille. Clairement mis en avant par Julia Ducournau dans son film, ces agissements (moqueries, farces, humiliations...) perpétrés par les étudiants en années supérieures sur les jeunes recrues vont donner beaucoup de fil à retordre à la timide Justine. Ce bizutage, parfois très intense, ne sera pas une partie de plaisir pour la jeune fille qui va commencer à se révéler, à braver l’interdit, à se chercher sa vraie identité, découvrir sa vraie nature... D’autant plus que cette épreuve, qui semble s’éterniser dans le film de Julia Ducournau, va permettre à Justine de se rapprocher de sa grande soeur et de découvrir des choses qu’elle n’aurait jamais pu imaginer une seule seconde auparavant...
Sous fond de campus movie, nécessaire pour renforcer cette idée de transition lente et douloureuse dont je parlais au départ chez notre jeune fille fragile et végétarienne stricte (éloignement du cocon familial, bizutage intense ou encore bouffe de cantine à l’opposé de ses convictions vont lui mener la vie dure), "grave" vient même nous gratifier de quelques petits clins d'œil sympathiques à des films tels que "Carrie" ou "vorace" sans jamais tomber dans la surenchère de gore et la violence gratuite.
Avec ses dialogues à l’humour savamment dosé, ses mystères planant et se dévoilant au fur et à mesure que le film avance, ses scènes choc (jambes, lèvre ou doigt dévorés...) disséminés par-ci par-là dans le récit, le film de Julia Ducournau se suit sans aucun réel temps mort. Cette intrigante « transformation » de Justine (jouée par une Garance Marillier remarquable soulignons-le) fascine, interpelle et interroge le spectateur sur toutes ces thématiques soulevées quelques lignes plus haut dans cette chronique (recherche d’identité, découverte de sa vraie nature, affirmation de soi...). Entre psychologie, horreur, humour et drame, Julia Ducournau ne le cache pas : elle aime mélanger les émotions et susciter chez le spectateur des réactions et des sensations diverses et variées au fur et à mesure que l’intrigue se dévoile.
Même si l'on trouvera très étrange de retrouver une jeune cannibale végétarienne dans une école de vétérinaires ([Spoiler] certes, elle ne sait pas encore à ce moment que l’anthropophagie la guette mais peut-être ses parents auraient-ils pu éviter de la laisser suivre ce type d’études... [Fin de spoiler]), il s'avère assez difficile de chercher des points négatifs à ce récit, sa réalisatrice maîtrisant plutôt bien son sujet, que ce soit dans cette façon de nous narrer la « métamorphose » de notre chère Justine ou dans cette façon de nous amener cette notion de cannibalisme dans le récit, sorte d’étape clé dans le passage à la vie adulte (une Julia Ducournau qui a bien étudié son sujet car notre pauvre Justine est en proie à des hallucinations, des déchaussement des dents ou encore des tremblements et grattements en période de jeûn : des symptômes reconnus chez les personnes pratiquant le cannibalisme).
L’afficionados de films de cannibales (comme je le suis) y trouvera largement son compte. L’amateur de barbaque et de scènes crues à la "cannibal ferox" ou "cannibal holocaust" risque par contre d’être déçu si seule cette facette du film de cannibal l’intéresse, "grave" nous gratifiant certes de certaines scènes choc mais pas de quoi s’en réveiller la nuit non plus hein!
Voilà donc un film qui mérite cette reconnaissance qui lui est faite dans de si nombreux festivals. Un film à voir assurément !
Un film qui tente de camoufler sa symbolique lourdingue et convenue derrière des scènes chocs. Un gros raté en ce qui me concerne, même si le film a le mérite de beaucoup me faire rire encore plusieurs jours après l'avoir vu.
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