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Titane | Titane | 2021
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Titane | Titane | 2021
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Titane

Titane

Alexia, danseuse dans des shows nocturnes dans le milieu du tuning, est également tueuse en série. Alors en cavale, elle va faire la connaissance de Vincent, un commandant dans une caserne de pompiers à la recherche de son fils Adrien, disparu il y a maintenant dix ans...

Titane | Titane | 2021

L'AVIS:

NDLR : Un spoiler est identifié par les balises habituelles [DEBUT SPOILER] et [FIN SPOILER] pour celles et ceux n’ayant pas encore vu le film.

Après avoir connu un véritable succès en festival avec son premier film "Grave" en 2016 (Grand Prix et Prix de la Critique à Gérardmer, Octopus d’Or et Prix du Public à Strasbourg, Oeil d’Or du Public et Prix Ciné+ Frisson à Paris, Méliès d’Argent à Sitges, Prix du Public à Toronto...), Julia Ducournau revient cinq ans après avec un second film intitulé "Titane".

Un deuxième film qui va à nouveau frapper fort en festival car le 17 Juillet 2021 il va remporter la Palme d’Or à la 74ème édition du Festival de Cannes présidé par Spike Lee, succédant alors à "Parasite" de Bong Joon-Ho. Julia Ducournau devient alors la seconde réalisatrice à remporter le prestigieux trophée sur la Croisette, après Jane Campion pour "La leçon de piano" en 1993.

Comme "Grave" cinq ans avant (rappelez-vous les évanouissements chez certains spectateurs lors du TIFFF, Festival International du Film Fantastique de Toronto), "Titane" a surtout fait le buzz médiatique à Cannes lors de sa projection. Un gros coup de comm (mise en place de pompiers près de la salle prêts à intervenir en cas de malaises, des spectateurs quittant la séance pendant que d’autres vomissent tripes et boyaux…) qui énervera bon nombre de fantasticophiles comme moi qui ne voient là qu’un vulgaire buzz pour aider le film à décoller (a-t-il réellement besoin de cela ?) La recette avait fort bien marché pour le premier film donc pourquoi ne pas réitérer ce type de comm pour le second (et le troisième… ?).

Alors, oui ? Non ? "Titane" est-il aussi sulfureux, choquant, gore, qu’on veut nous le faire croire depuis sa projection cannoise ? (alors « gore » je vous le dis d’emblée : non… Comme pour un certain film de Tobe Hooper en 1974, ce termes a été utilisé par des journalistes n’en connaissant pas la définition ou n’ayant tout simplement pas vu le film).

Mais surtout est-ce un bon film avant tout ? N’est-il pas là uniquement pour faire le buzz ?
Réponse ci-dessous dans ces quelques paragraphes dans lesquels je vais vous dire clairement ce que j’en ai pensé (même si le mieux, on ne vous le dira jamais assez, c’est bien d’aller vous faire vous-même votre propre opinion du film), sans passer par des explications de pseudos intellos barbants (de longues dissertations pour expliquer tout et n’importe quoi, même des choses auxquelles Julia Ducournau n’avait probablement même pas pensé lors de l’écriture du scénario…) comme nous pouvons déjà en lire des tonnes sur le Net au bout de quatre jours d’exploitation dans les trop rares salles obscures françaises le projetant.
Promis, ici nous allons faire simple et ne pas chercher à tout expliquer (difficile par ailleurs sans spoiler au vu du scénario volontairement décousu pour surprendre le spectateur) car les lectures sont multiples et chacun y trouvera sa propre interprétation du film (sa génitrice le dit elle-même : « Je ne peux pas le définir, j’ai essayé de faire ce que je voulais dans ma tête », tandis que son actrice principale ne se mouille pas et préfère se limiter à « C’est impossible de pitcher ce film de toute façon »).

Alors "Titane" ce sont deux parties bien distinctes.

La première, sombre et mystérieuse à l’image d’Alexia, nous plonge dans le quotidien peu commun de cette danseuse de la nuit qui officie dans des sortes de showrooms pour mettre en avant des voitures et le tuning opéré sur ces dernières. En parallèle de cette activité proche du striptease (la gente masculine appréciera les belles carrosseries, mécaniques comme humaines), une seconde facette moins sexy nous est dévoilée : Alexia enchaîne les meurtres (les flashs infos ne cessent de parler de cette vague de crimes qui touche la ville) et montre une personnalité totalement instable. Peu expressive au quotidien, elle peut soudainement rentrer dans une folie meurtrière dans laquelle rien ne semble pouvoir l’arrêter (comme en témoigne ce passage dans une maison où elle va assassiner plusieurs personnes à la fois, ce qui n’est pas sans nous rappeler par exemple la violence d’un Quentin Tarantino avec une certaine Mariée toute de jaune vêtue…).

Rapidement, nous comprenons que nous avons affaire ici à un être fragile (un médecin annonce d’emblée au début du film de bien surveiller Alexia, alors enfant, en cas de complications neurologiques après qu’elle se soit vue implanter dans le crâne une plaque de titane suite à un accident de voiture…) dont l’orientation sexuelle n’est pas claire, l’amour (plus que la passion) pour les belles voitures surprenant (nous pensons sans hésitation au classique "Christine" de John Carpenter bien évidemment ou au très réussi "Jumbo" de Zoé Wittock plus récemment entre autres : Alexia lèche et caresse les voitures et s’imagine avoir été mise en cloque par l’un de ces bolides…), la vie de famille presque inexistante (ce qui semble encore plus marginaliser la jeune femme)…
Par contre, pourquoi tue-t-elle des gens sans arrêt ? Ca c’est l’un des grands mystères du film mais fallait bien un motif pour donner ce côté violent au long-métrage et expliquer la fugue de la jeune femme à venir qui va nous plonger dans la seconde partie du film… Bon, ce n’est pas l’unique faille dans le scénario mais nous y reviendrons plus longuement un peu plus tard…

En tout cas, quoiqu’il en soit, saluons la très bonne interprétation d’Agathe Rousselle dans la peau d’Alexia qui parvient à faire de ce personnage un être torturé, mystérieux, imprévisible et par conséquent ô combien dangereux.

Dernière chose, seule cette première partie nous gratifiera de deux trois passages prêtant à sourire (des cheveux coincés dans un piercing au sein d’une certaine Garance Marillier héroïne de "Grave" et toujours dans la peau d’une « Justine » ici, un meurtre qui en appelle plusieurs autres dans une maison finalement pas si vide que cela…), la tragédie prenant clairement le pas ensuite. Après la tempête (les crimes à répétition), place au calme dirons-nous mais un calme teinté de névrose, de mal-être…

En effet, la seconde partie de "Titane" voit arriver dans la vie d’Alexia un personnage lui aussi perdu et désorienté en la personne de Vincent (interprété par notre cher Vincent Lindon). Commandant chez les Pompiers, ce dernier souffre de la disparition de son fils survenue dix ans plus tôt. Notre homme a fini par se séparer de sa femme, vivant isolé et se droguant aux stéroïdes anabolisants qui lui permettent de garder la forme et d’augmenter sa musculature (Vincent Lindon s’est entraîné pendant plus d’un an pour ce rôle et cela se voit) pour son métier, seul lien qui semble le rattacher encore à la société, sans quoi il aurait probablement sombré seul dans l’alcoolémie ou appuyer sur la gâchette au vu de son état…

Leur rencontre ? Vincent pense avoir retrouvé son fils en la personne d’Alexia (je n’en dis pas plus et m’arrêterai à là en ce qui concerne le scénario) tout simplement. Encore quelque chose d’un peu trop facile dans le script : au bout de dix ans sans voir son fils, comment Vincent peut-il être aussi sûr de l’avoir en face de lui au point de ramener Alexia chez lui sans trop réfléchir, sans le moindre test génétique… ? Bref…

Cette seconde partie nous peint la vie sous le même toit de deux âmes perdues, torturées, en recherche toutes deux d’identité (une quête d’identité comme dans "Grave" tiens, une « patte Ducournau » se dessinerait-elle ?) et de liens familiaux. Des êtres qui traversent chacun à leur façon une grosse épreuve et qui vont se compléter, chacun apportant un bénéfice à l’autre (l’un une protection et l’autre un fils perdu), sorte de symbiose parfaite qui ne se fera pas d’un simple claquement de doigts bien évidemment (sinon tout est bien qui finit bien et on sort le clap de fin).

Une seconde partie qui va explorer bien plus de facettes que la première. Le transhumanisme (le titane semble être la protection ultime pour améliorer l’humain, le rendre plus costaud pour affronter la vie qui parfois n’est pas une partie de plaisir, comme le prouvent les quelques scènes d’incendie : comme l’explique une phrase clé accompagnant le titre du film « Le titane est un métal hautement résistant à la chaleur et à la corrosion, donnant des alliages très durs ») est une notion clé dans le film, un sujet abordé et exploité à la façon Ducournau, tout comme l’homophobie qui est dépeinte par des sortes de pogos entre pompiers très virils et qui viennent faire le contraste avec les scènes lesbiennes de la première partie et de ce fait quelque peu déstabiliser encore plus une Alexia perdue.

Mais surtout, cette deuxième partie va faire la part belle au body horror qui va donner un côté très « Cronenbergien » au film (d’où la difficulté parfois de parler de film d’auteur en raison de ces nombreuses références qui sont parfois bien plus que des clins d’œil) : la métamorphose d’Alexia n’est pas uniquement existentielle (nouveau foyer, nouvelle vie…), elle est également physique (la fascination de notre canadien préféré pour la chair meurtrie se ressent ici)

[DEBUT SPOILER] Le côté "Cronenbergien" de "Titane" repose en grande partie sur ces séquences où nous contemplons la métamorphose du corps d’Alexia, marqué par une grossesse de plus en plus difficile à cacher, mais également où nous voyons avec les yeux de la jeune femme ses hallucinations (provoquées par cette fameuse plaque de titane qu’elle a dans la tête et qui a été choquée contre un mur lors d’une altercation dans la première partie du film, déréglant probablement le système neuronal et pas que) durant lesquelles elle a l’impression de sécréter de l’huile moteur (la fameuse scène où elle parvient à tirer de l’huile comme on tire du lait de ses seins a fait parler d’elle également) et autre graisse utilisée dans le milieu de l’automobile… [FIN SPOILER]

Alors oui, nous commençons à connaître le personnage : Julia Ducournau aime visiblement ajouter dans ses films des « scènes chocs ». Ces fameuses scènes qui arrivent à faire le buzz dans les festivals et dont la réalisatrice abuse parfois. Or, nous n’allons pas pour autant le lui reprocher forcément, si c’est utilisé à bon escient. Et justement ici j’ai moins ressenti cette impression de « mettre des scènes chocs pour mettre des scènes chocs » : ces dernières sont là pour montrer la descente aux enfers et le côté irréversible de la maladie au cerveau dont semble souffrir Alexia.
Au rayon des joyeusetés, nous avons donc des crânes transpercés, un tabouret planté en pleine bouche (qui se finira par une petite touche humoristique), ou encore peut-être ce qui fut vraiment pour moi la scène choc du film : cette façon de projeter volontairement son visage contre un lavabo afin de casser son nez pour avoir des traits moins féminins… Merci à Olivier Afonso et son équipe une fois de plus pour leur travail !

Malheureusement, au milieu de tout ceci le film s’avère parfois quelque peu confus (nous nous demandons souvent où la réalisatrice/scénariste veut nous amener), maladroit même parfois (un père qui ne se demande pas comment son fils s’est fait cette vilaine cicatrice dans le cuir chevelu, cette façon de cacher une grossesse sans que personne ne s’en aperçoive…).
L’histoire présente également quelques facilités scénaristiques dont nous avons déjà discuté dans les paragraphes précédents (un père qui reconnait très facilement son fils - qui ne l’est pas - et qui parvient à sortir du commissariat sans mal avec la jeune sous le bras, une Alexia qui tue sans trop savoir pourquoi exactement…) ainsi que des lenteurs indéniables (les scènes de danse – Julia Ducournau aime les corps en mouvements nous le savons – sont souvent un brin longuettes mais heureusement la musique, toujours bien choisie, permet de mieux faire passer la pilule).

Un film loin d’être exempt de défauts scénaristiques (certains sont vraiment dommageables) mais qui parvient tout de même à nous faire passer un bon petit moment de cinéma grâce notamment à un jeu d’acteur remarquable, que ce soit chez Agathe Rousselle ou chez Vincent Lindon, tous deux bluffants dans leurs rôles respectifs d’Alexia et Vincent.

Julia Ducournau avait déjà les chevilles bien serrées dans ses bottines après le raz-de-marée "Grave" (votre rédacteur n’a toujours pas digéré un épisode personnel, pardonnez-le, mais il n’est pas le seul à avoir été déçu de la réalisatrice et de son manque d’intérêt pour les fantasticophiles que nous sommes), maintenant le melon va être bien grand j’en ai peur…
Un succès à Cannes que je trouve très bien et espérons prolifique pour mettre en avant le cinéma de genre français (Julia Ducournau s’était déjà battue à ce sujet, nous ne pouvons lui enlever cela) qui vit depuis quelques années maintenant une seconde vague depuis 2000 mais en parallèle j’ai une petite crainte tout de même (et là cela n’engage que votre rédacteur)…
En effet j’espère que ces deux succès coup sur coup en festival ayant fait le buzz pour leurs scènes « chocs » (et finalement pas si terribles que cela non plus quand on pense à ce que l’on peut voir d’extrême dans un cinéma plus underground…) et les réactions « disproportionnées » de certains spectateurs (qui visiblement ne sont pas habitués à ce type de cinéma il va sans dire) ne se retrouvent pas les modèles (les « moules de la réussite » pourrait-on dire, c’est beau non ?) que souhaitent les producteurs/distributeurs par la suite pour le cinéma de genre à la française. Il serait dommage de formater ainsi tout notre cinéma fantastique hexagonal, certains artistes ayant tellement à nous donner quand on voit certains talents émerger ces dernières années et ce sans avoir recours à des artifices visuels… A méditer.

Titane | Titane | 2021
Titane | Titane | 2021
Titane | Titane | 2021

* Palme d'Or au festival de Cannes 2021

Bande-annonce
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David Maurice