Survivalist - the

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Dans un monde post-apocalyptique où chacun doit survivre, là où toute once d’humanité a disparu et a fait place à la loi du plus fort ainsi qu’à la suspicion permanente à l'égard de son prochain, un homme sans nom un peu rustre vit dans une cabane sise dans la forêt. Là, il passe ses journées à contempler les photos de son passé et à cultiver son potager qu’il protège, avec son fusil et son couteau, contre les maraudeurs occasionnels. Son existence est un jour perturbée quand, Kathryn et Milja, une mère et sa fille, apparaissent. Ces dernières, affamées, cherchent à échanger des semences ainsi que les faveurs sexuelles de l’adolescente contre de la nourriture. Après avoir réagi avec hostilité, l’homme accepte finalement l’accord tacite et les deux femmes finissent par rester. Bien que suspect au départ, notre survivant anonyme laisse tomber sa garde peu à peu. Mais dans cet univers où les normes de la civilisation ne sont plus respectées, peut-il vraiment leur faire confiance ?

SURVIVALIST - THE | SURVIVALIST - THE | 2015

Premier long-métrage du scénariste/réalisateur Stephen Fingleton, qui lui a valu une nomination aux BAFTA (l’équivalent britannique des Césars), The survivalist est un conte épuré minimaliste dans un monde post-apocalyptique qui compense son faible budget (1 million de livres) avec une économie rigoureuse et une intelligence de tous les instants. Comme beaucoup de cinéastes à leurs débuts, Fingleton s'est fait la main avec pas mal de courts-métrages dont le très bon « Magpie » considéré comme le prequel de ce film dans lequel, on retrouvait déjà Mia Goth et Martin McCann. Cette première œuvre brutale et sombre du nord irlandais est située dans un présent alternatif, où la nourriture est rare et où le meilleur type de survie se situe dans les bois, à cultiver la terre. Quand une mère et sa fille arrivent sur le seuil d'un solitaire sans nom, leurs motivations ne sont pas claires. Cherchent-elles vraiment une alimentation substantielle, ou en veulent-elles à sa modeste cabane et à sa récolte de pommes de terre ? Ce sera donc une question de confiance et de loyauté dont il sera question pendant tout le film entre ces personnages.

Ce qui peut capter l’attention dès le début, c’est l’extrême crudité voire la nudité frontale des protagonistes, mais en même temps c’est la vie quotidienne dont tout film d'Hollywood est à mille lieues ! Ici, les personnages ne sont pas adeptes de kick boxing et n’agitent pas d’épée de samouraï au-dessus de leur tête. Non, dans ce monde - comme dans le nôtre en temps de guerre ou de famine ou d'autres formes de privation - les hommes sont rendus à moitié fous par la faim, la peur et la solitude et doivent soit survivre, soit mourir et ce, la plupart du temps de manière violente. Les femmes, quant à elles, survivent en premier lieu en offrant leur corps et peut-être plus tard, en exploitant la faiblesse et la bienveillance des hommes, avec lesquels elles trouvent refuge. Ici, il y a donc rupture du « contrat social » cher à Jean-Jacques Rousseau et établissant qu’il est souhaitable que les hommes concluent entre eux un pacte, un contrat implicite selon lequel l'individu renoncerait à une liberté absolue et se soumettrait aux règles dictées par l'intérêt général. En échange, la communauté garantirait la sécurité de chacun et le respect des règles et des droits ainsi établis. Rares sont les post-nukes pouvant vous faire réfléchir à ces choses, pourtant The survivalist est de ceux-là. Il montre ainsi, en plus de constituer une dystopie étonnement crédible, ce qui importe vraiment dans ce monde meurtri, et pourquoi ce qui compte doit être préservé.

Mais The survivalist, c’est également le genre de métrage qui nous rappelle qu'il ne faut pas grand-chose pour faire un bon film. Ici, les dialogues ont été maintenus au strict minimum, de sorte que les personnages ne s’expriment, en grande partie, que par des expressions faciales (méfiantes ou déterminées) et des mouvements physiques (délibérés et toujours prêts à attaquer ou défendre). Et pourtant, ça fonctionne parfaitement. De même, qu’il n’y a pas de musique et que le décorum est simple au possible avec cette cabane et son potager, perdue en plein milieu d'une forêt. Ainsi, Fingleton a réussi à créer un monde de silence virtuel autour de son protagoniste central, où les moindres bruissements et rais de lumière peuvent interpeller celui qui les perçoit. Mais le réalisateur irlandais nous montre aussi la triste réalité de cette vie dans des tons parfois très graphiques avec, par exemple, la scène d’une tentative d’avortement horrible à l’aide d’un câble métallique ou encore celle d’un homme dont la jambe se fait prendre par un piège à ours.

Côté casting, force est de constater et de mentionner que les trois acteurs principaux sont excellents. Martin McCann (vu dans "Le choc des titans"), dans le rôle du survivant sans nom, parle à peine et pourtant, il est capable de se faire comprendre juste avec des expressions faciales qui véhiculent bien des émotions qui autrement resteraient inexprimées. Incarnant le sauvageon à merveille avec son couteau, son fusil et sa coiffure de mohican, il a une sorte d’intensité dans le regard rappelant parfois Bradley Cooper voire Michael Fassbender. Il y a franchement pire comme comparaison, non ? Olwen Fouéré jouant Kathryn est, quant à elle, particulièrement remarquable en tant que vieille femme qui cherche à manipuler les gens pour survivre. Telle une Lady Macbeth intrigante, elle est l'éminence grise perfide prête à tout pour arriver à ses fins. Enfin, Mia Goth, (connue pour son petit rôle dans "Nymphomaniac" de Lars von Trier et surtout pour être l’ex de Shia LaBeouf), incarne Milja, jeune fille qui évolue entre une mère manipulatrice et un mâle protecteur affamé de sexe. Et malgré un masque impassible de l'extérieur et une naïveté d’apparence, elle saura peut-être tirer son épingle du jeu…

Malgré toutes les qualités énumérées ci-avant, ce qui pourrait en gêner légitimement certains, c’est de ne jamais apprendre comment l’Homme a pu arriver à une telle situation et quel est le passé de chacun des protagonistes. Le seul indice qu'on nous donne sur la façon dont le monde a périclité de cette façon, c’est un graphique « jeté » en générique d'ouverture et montrant des lignes sur un graphique intitulé « Population » et « Production de pétrole ». Les courbes montent en flèche avant de tomber vertigineusement. Puis tout à coup, travelling sur une rencontre violente dans les bois nous permettant de voir que le survivant du titre fertilise son jardin avec des cadavres et qu'il n’est donc pas un homme à considérer à la légère !

Ainsi, la combinaison à l’écran de l'intérêt humain de tout un chacun avec la tension d’une menace permanente, valent le détour, même si depuis "Tooth and nail", "La route", "Le livre d Eli" ou encore "Hell", on commence à connaître ce genre de films dans lequel le héros doit subsister dans un monde où la recherche de nourriture et d’un toit sont devenus des priorités absolues face aux pillards de toute espèce. Mais bon, c'est assez bien fait, les trois acteurs principaux sont très bons et il y a un minimum de dialogues superflus, donc c’est à voir !

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Note
3
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Vincent Duménil