Superstarlet a.d

Superstarlet a.d

Bien qu'étant fan inconditionnel de Troma, il serait faire preuve de mauvaise fois que de ne pas accepter que la firme New Yorkaise soit capable du meilleur comme du pire…

Après l'apocalypse, les mâles humains ont presque totalement disparu de la surface de la terre, réduits à l'état de loqueteux préhistoriques. Contrairement à son alter-égo, la femme a, quant à elle, gagné un chromosome.
Mais comme tous les gays ont disparu, la mode a périclité et l'habillement est devenu une denrée très rare. Des clans se sont formés, rassemblés autour de la couleur des cheveux, et la vie s'est ainsi réorganisée : combats entre gangs rivaux, commérages et mépris pour les hommes sont devenus le pain quotidien de ces survivantes.

SUPERSTARLET A.D | SUPERSTARLET A.D | 2000

John Michael McCarthy est une figure de proue du cinéma indépendant alternatif actuel. Son métrage "Superstarlet A.D." y est pour beaucoup tant sa réussite est complète. Cependant pour apprécier cet O.V.N.I. filmique, il est nécessaire de s'affranchir des conventions et lieux communs préjudiciables au cinéma expérimental. En effet, le métrage de JMM relève plus de l'expérience initiatique que du véritable film/divertissement.

C'est tout particulièrement vrai sur le plan de la forme, qui représente l'aspect prépondérant de "Superstarlet A.D.". L'univers pictural est très recherché. Tant recherché en fait, que l'on ne peut s'empêcher de penser à deux artistes : Alejandro "Santa Sangre" Jodorowsky et Andy Warhol.
Au premier, il empreinte l'univers coloré et totalement surréaliste tandis que du deuxième il retient la philosophie pop art.

A l'évocation de ces deux artistes, vous aurez compris que "Superstarlet A.D." est tout, sauf un film comme les autres.
Tout d'abord, le scénario qui n'a ici que peu d'importance en comparaison de la façon de l'envisager graphiquement parlant. En effet, le réalisateur ne semble pas vouloir faire passer un message particulièrement vindicatif au spectateur, que ce soit d'un point de vue féministe, écologiste ou que sais-je encore. Pourtant le sujet était propice à développer de telles thématiques, mais JMM a préféré accoucher d'un manifeste du cinéma pop art underground du deuxième millénaire.

Andy Warhol avait déjà initié ce mouvement au début des années 60 en réalisant des films (pour la plupart de très courte durée) tels que "Whips and Women" (Des fouets et des femmes) ou encore "Andy Warhol's Blow Job" (la pipe d'Andy Warhol). L'innovation, si l'on peut l'appeler ainsi, était de privilégier l'aspect esthétique sur le scénario (sans pour autant reprendre les concepts du surréalisme apportés au cinéma par Luis Bunuel dans "Le Chien Andaloux"). Par exemple Warhol s'est illustré en filmant des femmes nues avec une pellicule périmée, le résultat étant comme vous pouvez l'imaginer, passablement psychédélique.

McCarthy, quant à lui, filme en noir et blanc la majorité du temps, avec le diaphragme de sa caméra ouvert en grand de façon à brûler l'image dès que la lumière se fait trop intense. Le résultat est proche de Warhol. L'effet recherché étant bien sûr de dépeindre un monde post-apocalyptique désolé.
En outre, JMM tourne dans une ville en ruine avec un casting composé d'actrices aux seins énormes, déambulant en sous vêtements sexy (résilles, porte-jarretelles…) fleurant bon les années 60. Faut-il y voir une référence à ce cher Russ Meyer ? Les parures des demoiselles contrastent violemment avec l'image surexposée, perdant ainsi le spectateur dans une époque à la fois future (celle du scénario) et révolue (le rendu renvoie directement aux travaux de Warhol, et donc aux années 60)… Se laisser emporter par ce métrage à l'aspect graphique unique est un réel plaisir.

D'autant plus que le réalisateur a su ne pas tomber dans la surenchère stupide et a arrêté son film à une heure afin de ne pas écoeurer le spectateur. Voilà une démarche intéressante, que bien des réalisateurs devraient adopter.

L'originalité de "Superstarlet A.D." ne s'arrête toutefois pas à ce noir et blanc sulfureux et à ces créatures qui le peuplent ; loin s'en faut.
Ainsi JMM introduit la couleur lors de certaines séquences clés. Dans un souci de cohérence, les couleurs sont altérées, tantôt délavées, tantôt trop vives… Un véritable bonheur pour les yeux. A ce titre, lorsque Jezebel se met à chanter dans son bar, cet effet auquel s'ajoute la musique déjantée fait mouche.

Justement, la bande son cimente le métrage. Depuis les riffs punk supportés par des voix écorchées jusqu'aux larsens et notes égrainées par une guitare saturée au possible, l'environnement sonore est à la hauteur de l'aspect visuel de "Superstarlet A.D." : unique et déroutant.

Cependant, ce véritable morceau de bravoure artistique se révèle parfaitement accessible. Contrairement à ce que certains pseudo intellectuels (en fait des esprits bornés et trop fiers) voudraient vous faire croire, l'art et plus particulièrement le cinéma expérimental, n'est pas réservé à une élite. Il ne se limite pas non plus à des essais tortueux et ennuyeux…

C.Q.F.D.

SUPERSTARLET A.D | SUPERSTARLET A.D | 2000
SUPERSTARLET A.D | SUPERSTARLET A.D | 2000
SUPERSTARLET A.D | SUPERSTARLET A.D | 2000
Note
5
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Colin Vettier