Suburban nightmare

Suburban nightmare

Loin des sentiers battus des premiers Shock-o-Rama, la firme produit ici un métrage original. Avec un scénario un tantinet excitant et une équipe qui – surprise ! – ne sort pas de Seduction Cinema.

Charles et Deborah forment un couple moderne tout ce qu'il y a de plus normal. Ils se disputent pour des broutilles, se réconcilient et invitent des amis à manger de temps à autre…
Toutefois à la différence des autres couples du XXIème siècle, leur passe-temps favori est de trucider lesdits amis. Les passants et autres gogos qu'ils réussissent à entraîner chez eux y passent aussi.

Parfois, ils les recyclent dans un carpaccio, parfois ils en font des objets d'art…

Mais depuis quelques temps, le couple se déchire. De violentes disputes éclatent de plus en plus souvent ; toujours pour des peccadilles :
"-C'était mon tour !
-Mais tu ne te rappelais même plus que je les avais invité.
-Mais j'aurais tellement aimé éclater la tête de cette connasse avec une batte !"

Et au milieu d'un couple qui se déchire, ce sont toujours les enfants qui trinquent.

SUBURBAN NIGHTMARE | SUBURBAN NIGHTMARE | 2004

On tient le bon bout ! Un couple de psychopathes au bord de la rupture, voilà une approche des relations de couple à laquelle le tandem Bacri – Jaoui n'a jamais pensé. Pourtant, c'est frais, original et un peu plus énergique que des individus moyens confrontés à leur vie moyenne… Ou non ?

S'il est clair que l'idée est fortement alléchante, elle requiert toutefois quelques éléments pour ne pas sombrer dans la monotonie, et finalement n'être qu'un film de plus sur les conflits quotidiens inhérents à la vie de couple.

L'ingrédient principal étant bien sûr le couple en question, soit deux protagonistes correctement déjantés. L'objectif étant de créer des situations qui reflète la réalité ("tu m'offre jamais de bijoux", "Tu t'emporte trop facilement", "C'était à mon tour de…") mais avec un fort vent de folie. Le quotidien en question devant être déformé par le scope de leur(s) psychose(s), de leur(s) déviance(s). De ce fait une forte sensation de surréalisme recouvre le métrage ; on s'y reconnaît, on en rit, Deborah et Charles n'étant en fait qu'une caricature de ce que nous vivons.
Et ce premier élément est rempli avec les honneurs. L'aspect comédie de mœurs est parfaitement maîtrisé. De surcroît les acteurs ne font pas défaut à l'ambition de Keeyes ("American Nightmare").

Au fur et à mesure que se déroule l'histoire, les relations s'enveniment. En l'occurrence, les différents se règlent ici avec pertes et fracas… Tout au moins c'est ce que laisse entendre l'affiche et la jaquette du DVD.
En réalité durant plus d'une heure, c'est effectivement une comédie de mœurs pure et dure que le spectateur va subir. Certes relevée par le caractère versatile des deux personnages, ainsi que par leur hobby.

L'atout du film se retourne donc contre lui. En voulant trop bien faire, le réalisateur se prend les pied dans le tapis et ne décolle pas de l'analyse relationnelle surréaliste avant la dernière demie heure du film.
Ce n'est pas tant que cet aspect est raté, que le fait que le film nous soit vendu sous un autre jour… Et comme ce n'est pas beau de mentir, il faut le pointer du doigt.

Imaginez en sus que cet hybride cinématographique, à la croisé du thriller et de la comédie de mœurs, ait été filmé selon une technique proche de celle qu'utilise Eric Stanze ("I Piss On Your Grave";"scrapbook").

Une image épurée, doublée d'une prise de son bien trop aseptisée, d'autant plus mise en avant que le film ne possède quasiment aucune bande originale. S'il est vrai qu'il en résulte un aspect intimiste, ce n'était pas à proprement parler souhaitable. Le métrage perd de son impact sur le spectateur.
Dépeindre un couple de psychopathes s'entredéchirer avec un duo son / image totalement épuré, il fallait oser. Ce contraste entre le traitement et le propos est tel que le bon déroulement du film en est compromis. Les deux éléments habituellement fédérateurs de plaisir chez le spectateur, ne sont ici que source de désagrément.

Pourtant, au contraire de ce que le caractère négatif de cette critique laisserait entendre, le bilan est loin d'être mauvais. Le sujet n'a pas été exploité en profondeur, et nombre de promesses n'ont pas été tenues… Dommage pour un scénario qui aurait pu donner cours à des scènes d'anthologies. De plus l'œuvre est rendue bancale par des choix de techniques peu pertinents. Certes ! Cependant le métrage sort tous ses atouts au cours de la dernière manche. Le caractère barbare des deux personnages est enfin exploité, et leur folie devient leur seul moyen d'expression…

Ajoutez à cela des notes d'intension du réalisateur (chaque pièce reflète la personnalité d'un membre du couple, la gamine est toujours hors-focus pour montrer la place qu'elle occupe dans le cœur de Charles et Deborah…) et vous obtiendrez un très petit budget fort sympathique. Un métrage, fruit d'une union contre nature entre Bacri et Stanze.

SUBURBAN NIGHTMARE | SUBURBAN NIGHTMARE | 2004
SUBURBAN NIGHTMARE | SUBURBAN NIGHTMARE | 2004
SUBURBAN NIGHTMARE | SUBURBAN NIGHTMARE | 2004

* A noter sur le DVD de EI independent Cinema, la présence de deux courts métrage espagnols (plus particulièrement "La Ultima Cena") complètement loufoques et malsains. Deux courts dont le message subliminal est "Donnez moi une caméra et un peu de sous, et je vous fait un long dont vous me direz des nouvelles". Impressionnants.

* Plus d'informations sur http://www.shock-o-rama.com

Note
4
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Colin Vettier