Street trash 2024
Street trash 2024
En 2050, la crise économique mondiale a détruit la classe moyenne de Cap Town, en Afrique du Sud, qui est désormais divisée entre les ultra-riches et les pauvres. Ronald et un groupe d'amis sans-abri découvrent un complot du gouvernement local visant à éliminer la population sans-abri avec un agent chimique sinistre appelé V. Ils doivent désormais tout risquer pour révéler la vérité et résister à une société déterminée à les anéantir...
L'AVIS :
Dans les quartiers malpropres de l'industrie horrifique repose un classique du mauvais goût qui nous invite à rouler dans les ordures comme un lendemain de cuite. En effet "Street Trash" de Jim Muro, c'est comme un vieux baril de déchets toxiques et organiques qu'on aurait oublié dans une ruelle : ça suinte, ça déborde, ça sent mauvais et ça nous immerge dans une mare d'immondices dont chaque gorgée est un doigt levé à la décence.
Renouveler la formule du politiquement incorrect en déversant une fois de plus une cascade de vomis chromatique, où chaque morceau de chair en décomposition teinté de couleurs vives provoquerait des nausées mêlées d'hilarité, aurait pu être un projet que l'on aurait accueilli les bras ouverts. Or le déluge d'immondices corrosives s'est soudainement transformé en douche froide...
Après les congratulations exprimées à la suite de son "Fried Barry", Ryan Kruger avait le nécessaire pour nous conforter dans un sentiment d'enthousiasme lorsque la venue du remake de "Street Trash", vendu comme une suite, fut annoncée. Mais dans ce festin purulent, aucune indigestion ne se manifeste ; tout semble épurée, aseptisé, nettoyé, hormis quelques pots de peinture avec lesquels on joue sans vraiment y mettre de conviction.
À l'ère de la crise, un fossé immense est creusé entre la richesse et la pauvreté, le chômage atteignant plus de 90% et les villes parasitées par des sans-abri malpropres et marginaux. Un projet d'extermination de la vermine est mis en place, et la toxine s'apprête à se répandre comme un nuage acide et pestilentiel pour désinfecter les rues.
Outrepassé le traitement simpliste de cette politique de comptoir déféquée tout droit des universités où gentils pauvres oppressés se dressent contre les méchants riches oppresseurs, nous sommes en droit d'attendre de ce "Street Trash 2024" un minimum d'audace pour que nous puissions, après le visionnage, avoir l'impression de devoir se laver en raison du caractère crasseux de ses personnages et de l'environnement dans lequel le film nous embarque.
Que nenni, tout est joli ! Que de beaux éclairages colorés dans un décor méticuleusement cadré, des clochards amicaux, salubres et enchantés, des dialogues rigolos mais pas trop méchants, car il ne faudrait pas offenser les petits garnements turbulents de la bien-pensance. Est-ce assez subversif de taper sur la haute société entre deux ou trois blagues sur le caca, la flatulence, la branlette et la zigounette ? Ma foi, bien sûr, puisque c'est le seul humour qui nous reste aujourd'hui sans risquer de se faire allumer par la toxicité arc-en-ciel du politiquement correct ! Vous l'aurez compris, que ce vil sarcasme n'est que l'expression de la colère, de la tristesse, de l'incompréhension et de l'amertume. Je fonds en larmes multicolores au regard de cette récréation filmique qui m'a liquéfié sur place. Le gore outrancier et coloré du produit original aurait même pu tenter de sauver ce désastreux film de festival qui, sous sa technicité élaborée et remarquable, vise à faire pouffer de rire les spectateurs hydrocéphales en balançant une multitude de blagounettes scabreuses et immatures dignes des webséries les plus gênantes et malaisantes de la culture geek. Mais ce que l'on attendait de l'orgie visuelle pataugeante dans l'infect n'est autre qu'un crachat de peinture fluorescente filmée sans insistance, sans sonorité gutturale, sans éclaboussure baveuse ou gorgée de pus, sans odeur de fosse septique, sans effet de relent nous forçant à ravaler notre gerbe, sans impact réel dans sa façon de décharger les sublimes couleurs de l'abject.
Chaque liquéfaction nous procure un sentiment de déjà-vu, chaque boule de chewing-gum épithélial prêt à exploser se répète sans surprise, et même les effets gore remarquables ont l'air d'être ternis par la propreté de l'image et du son.
Hélas, des personnages barbouillés de maquillage noirâtre et terreux ne suffit pas, car la crasse, la vraie, celle que l'on retrouve dans le film de Jim Muro, se ressent viscéralement et moralement. La grimace du grotesque et du dégoût aurait dû se dessiner sur nos visages au regard des clochards marginaux trempés de bile et de pisse. La langue humectée de salive épaisse aurait dû être tirée au moment d'un rot de vomi provoqué par une scène ordurière et visqueuse croupissante dans un amas de couleurs saturées d'une beauté perverse. La cuvette de chiotte d'une station routière aurait dû sentir le parfum de luxe à côté du bidonville en laquelle vit la plus sale des populations gangrénée par une politique de corruption.
Ni le rythme décousu, ni la feignantise d'écriture, ni la fluorescence superflue ne parviennent à nous tirer de la désolation face à cet échec sur lequel on déféquerait avant de tirer la chasse pour en finir avec cette chiasse.
C'est beau, certes, mais inapproprié, car le ton dépourvu d'acidité peine à nous ronger les tripes comme l'aurait voulu n'importe quel fan du produit d'origine qui, finalement, connaîtra la déception absolue.