Sonno profondo
Sonno profondo
Un tueur traumatisé par des souvenirs d’enfance va s’attaquer à une jeune femme sans se douter qu’il a été observé lorsqu'il était en train de commettre son crime...
Voilà le type d'hommage au giallo qui se démarque complètement de ceux qui sont sortis ces dernières années. Venu d'Argentine mais tourné en italien, Luciano Onetti n'a pas voulu se mettre à la réalisation moderne des giallos comme le font si bien Bruno Forzani et Hélène Cattet, mais a plutôt eu l'idée de réintégrer les codes et le style giallesque des années 60 et 70 au point de vieillir l'image et de la rendre légèrement granuleuse.
"Sonno Profondo" s'inclut dans le paquet de films expérimentaux sans histoire ni profondeur et laisse, lui aussi, le spectateur se faire envahir par l'univers du bon vieux giallo qui manque tant au public du cinéma de genre. L'idée était de ressortir le style des années 70 avec un certain nombre d'idées astucieuses montrant tout l'amour qu'ont Luciano et Nicolas Onetti pour le cinéma bis italien. Multiplication de plans stylisés, gants en cuir, femmes assassinées, sang de couleur rouge vif ressemblant fortement à de la peinture, meurtres à l'arme blanche, poupées de porcelaine, musique parfois douce et parfois stridente, coup de téléphone utilisant une voix chuchotée etc.
Tous les codes des anciens polars italiens sont présents dans ce nouvel hommage, le scénario et l'enquête policière en moins comme d'habitude.
Qu'en est-il donc de cet énième exercice de style jouant principalement sur la forme ?
Et bien pour commencer, les dialogues sont quasi inexistants car le film est centré en grande partie sur le tueur; ou plutôt doit-on dire ses gants... En effet, son visage n'est jamais dévoilé à l'écran, si ce n'est qu'un reflet de miroir montrant que ce personnage principal psychotique passe ses journées avec le visage cagoulé. Quel bonheur de revoir ce vieux style de qualité à la Sergio Martino et Dario Argento accompagné de ces innombrables clins d’œil allant du titre lui-même "Sonno Profondo" faisant immédiatement référence à "Profondo Rosso", (ou bien son deuxième titre "Deep Sleep" faisant référence à "Deep Red") jusqu'à la perversion et l'innocence de la gente féminine offrant un brin d'érotisme au métrage, ces fameuses proies du tueur masqué non identifié traquant ces belles demoiselles sur une bande sonore rappelant les musiques d'Ennio Moricone ou Goblin. A nous de profiter de l'esthétique visuelle et sonore du film en voyant un peu ce que nous réserve Luciano Onetti, amoureux du sous-genre italien qui nous passionne tant.
Néanmoins, c'est au fur et à mesure que les minutes avancent qu'on en viendra très vite à se lasser et à se demander où le film veut en venir. Effectivement, mis à part ce superbe coté rétro, "Sonno Profondo" a l'air de se perdre petit à petit dans son propre trip. Les innombrables gros plans sur les gants en cuir les font limite passer pour les personnages principaux du long-métrage tellement on ne voit qu'eux à l'écran. Et surtout, les gestes du tueur restent énigmatiques au point d'en devenir amusants et allant jusqu'à transformer le film en une légère parodie de giallo: les gants en cuir qui touchent et caressent sans cesse les murs, les statuettes, les photos, les lames de couteau, etc.
Le public aura l'occasion de sourire contre son gré car il est évident que Lucianno n'essayait pas de faire une parodie de giallo mais bel et bien une reprise de tous les ingrédients giallesques jusqu'à en abuser et rendre le comportement du personnage principal incohérent. Nous avons aussi droit à une séance de dessin où le psychopathe utilise des crayons pastels pour perdre son temps à dessiner aussi mal qu'un enfant de 3 ans (sachant qu'il est devenu la proie d'un témoin oculaire d'un de ses crimes commis sur une jeune femme).
Bien sûr, il n'est pas difficile de deviner que ce réalisateur tente de réunir les éléments dans le but de plonger les aficionados des polars italiens dans un film expérimental et de leur faire profiter à fond de cette atmosphère funèbre aux lames scintillantes. Mais la durée d'une heure et demi du film jouera sur l'ennui du spectateur qui se lassera de tous ces plans et commencera à changer de point de vue vis-à-vis du film. Car offrir un tueur qui touche et caresse tout et n'importe quoi sans cesse et sans la moindre logique, réagissant comme un enfant et abusant de ces gestes comme si la camera faisait partie du film, ça fait malheureusement ressortir un petit côté nanar. Le contenu déposé sera alors plus ou moins absurde et drôle selon la réaction de chacun face à une paire de gants se mettant facilement en pleine galère pour ramasser un trousseau de clés ou pour composer un numéro de téléphone, étant toujours positionnés à l'avant à chaque pas du personnage principal, faisant intégralement partie de l'organisme de ce dernier car, quel que soit l'endroit et le moment, notre serial killer aura toujours sa paire de gants sur lui, tout comme son visage masqué (y compris dans son appartement).
Etre obligé de se demander sans cesse "Pourquoi ??" à chaque scène empêche de profiter pleinement de l'esthétisme, l'ambiance froide et les musiques de "Sonno Profondo".... En parlant de la musique, bien qu'elle soit agréable, elle devient très vite agaçante surtout lors de l'apparition d'une boîte à musique répétant sans arrêt les mêmes notes pendant plusieurs minutes jusqu'à faire saigner le lobe temporal de notre cerveau. Le défaut qui mettra le coup de grâce au spectateur avec ses minutes aussi insupportables que la scène de la sonnette dans "L'Etrange couleur des larmes de ton corps".
De bonnes intentions, une bonne déclaration d'amour à Dario Argento, de l'ambition mais un résultat final bâclé et gâché par le vide scénaristique et l'usage abusif des gestes et déplacements du protagoniste principal censés être inquiétants et menaçants. L'évolution du néo-giallo reste stable et n'offre toujours rien de nouveau...