Panic sur florida beach
Matinee
A Key West en Floride, c'est la panique qui gagne petit à petit les habitants du patelin : nous sommes en 1962 et la guerre froide atteint son summum. Histoire de s'occuper, les adolescents de cette petite ville ensoleillée flirtent et s'amusent en allant voir des films d'horreur de série B. Pendant cette lourde période de crise, le grand Lawrence Woosley vient présenter son nouveau film d'horreur : "Mant", une histoire de fourmi géante dont "l'efficacité" repose en grande partie sur un système électronique placé dans la salle de cinéma. Et cette séance de cinéma, aucun ado de Key West ne l'oubliera…
Juste avant "Ed Wood", un autre enfant terrible du cinéma américain avait rendu hommage aux séries B et Z de la belle époque, fourmillant de monstres en caoutchouc et de demoiselles peu farouches : Joe Dante, qui avait déjà commencé sa carrière avec un autre hommage discret au genre, à savoir le très mordant "Piranhas".
Mais Dante se pose ici dans un autre contexte et un autre cadre, et même une autre époque : les années 60.
Si le chef-d'œuvre de Burton se déroulait dans un contexte tout à fait Hollywoodien, du côté des créateurs et non des spectateurs, le film de Dante force encore plus sur la verve nostalgique que dégagent ces petites productions, très souvent orientées vers un public de jeunes spectateurs avides de sensations fortes.
Ici, on quitte les sirènes d'Hollywood pour une petite ville de Floride traumatisée par la menace nucléaire. Les bombes peuvent tomber à n'importe quel moment, alors la population vide les supermarchés, organise de nombreuses alertes à la bombe et vit dans une peur constante. Les seules personnes qui se fichent à peu près de cette menace, ce sont les gamins et les adolescents, plus occupés à s'éclater en écoutant les Beach Boys ou à se bécoter dans une salle de cinoche.
Toute une époque !!
Le jeune Gene vient d'emménager dans la petite ville et vit mal le départ de son père dans la Marine. Surveillant son petit frère, qu'il adore par-dessus tout taquiner, il se lie d'amitié avec Stan (Omri Katz, vu dans "Hocus Pocus : les trois sorcières" ou dans la fabuleuse série "Marshall et Simon"), un garçon de son âge follement amoureux de la jolie Sherry, dont l'ex-petit copain au passé un peu douteux n'hésite pas à venir le menacer ; Gene découvre l'amour lui aussi auprès de la mignonne et névrosée Sandra. Bon ça va, vous suivez ??
En plus d'un climat de paranoïa aigue, voilà qu'un film d'horreur, dit révolutionnaire, est annoncé en grande pompe au cinéma du coin, avec la présence de son réalisateur, Lawrence Woolsey, incarné par le toujours bedonnant mais sympathique John Goodman. Le personnage est, en outre, un savant mélange de Hitchcock (la silhouette très ronde, les présentations lors des bandes-annonces) et de William Castle (les procédés électroniques interactifs mis en place pour donner encore plus de frissons au spectateur), voire d'Orson Welles et de Roger Corman.
Dante s'amuse en faisant de l'œil à "La mouche noire" ou à "Them" via le faux film "Mant", où un pauvre quidam se transforme lentement en fourmi géante.
La salle de cinéma qui projette "Mant" transformera un simple après-midi en film catastrophe, devenant le lieu de moult péripéties, bagarres, rencontres ou disputes amoureuses. Mais la salle commence littéralement à craquer… dans tous les sens du terme !!
Dante aime profondément le cinéma, ça se voit, et il le prouve, non sans justesse et tendresse, à travers cette chronique drôle et quasi-autobiographique, où la peur d'une Amérique parano se retranscrit sur le grand écran, à travers divers monstres et insectes géants baveux prenant vie suite à quelques essais nucléaires douteux. De cette courte séquence en animation renvoyant à la préhistoire où Woolsey décrit les rouages de la peur, ou cette ballade en vue subjective dans un cinéma de quartier, tout respire l'amour du cinéma d'antan, et de ces cinémas ricains sentant bon le pop-corn.
"Panic sur Florida Beach" c'est aussi, et avant tout, une comédie trépidante et rétro, attachante et touchante, comme on en fait rarement actuellement. Et même si drôlerie il y a, Dante n'en oublie pas un contexte historique beaucoup moins drôle : la guerre froide et ses missiles nucléaires, cette menace quasi-invisible mais pesante, poussant les Américains à se retrancher dans la paranoïa la plus aiguë qui soit. Une angoisse qui dérange même les plus jeunes, comme le justifie une très inquiétante scène onirique. Dante finira d'ailleurs son film sur une image de bonheur simple et exempte de mièvrerie, mais où plane encore l'ombre d'un hélicoptère militaire…