Livide
Livide
31 Octobre, en Bretagne : Lucie entame un stage sous la direction de Madame Wilson, qui lui fait découvrir le manoir de Deborah Jessel, une ancienne prof de danse plongée dans le coma. La demeure cacherait un trésor, inconnu à ce jour. Lassée d'une vie à la dérive, Lucie part cambrioler la maison en compagnie de son compagnon et du frère de celui-ci. Le lieu maudit va leur réserver de bien mauvaises surprises...
Petit mais costaud, "A l'interieur" imposait une hargne jusqu'au boutiste assez piquante pour donner chance au duo Bustillo/Maury, qui ont rapidement pris la route du cauchemar américain. Les licences Hellraiser et Halloween auront raison d'eux, se voyant confisqués des projets alors juteux.
Retour en France, un projet à l'eau plus loin (le mystérieux Neiges), c'est le script de Livide qui l'emporte : un projet séduisant, sorte de célébration de l'horreur gothique en terre bretonne, finalement assez peu éloigné de "Saint-Ange" dans sa volonté de revenir à un fantastique racé, ténébreux, envoûtant, loin des éclaboussures de "A l'interieur".
Fort bien épaulés par la photo de Laurent Barès et la musique du (bon) débutant Raphaël Gesqua, Maury et Bustillo captent dès leurs premières image une atmosphère à la fois sinistre et rare : l'imagerie bretonne leur donne l'occasion de s'étaler sur les tombes glacées en bord de mer, les plages isolées et les landes silencieuses. Une poésie macabre (en Scope !) évoquant aussi bien Fulci que Rollin et une sensibilité européenne enivrante nous sortant d'un cinéma de genre français encore bien trop américanisé sur certains aspects. Gros atout.
Ces décors, mais aussi CE décor, celui de du manoir Jessel, sont ce que Livide comporte de meilleur, jusque dans ses clins d'oeils malicieux ("Halloween 3, le sang du sorcieré, "Suspiria" ou "Le loup-garou de Londres") : une esthétique qui louche, sans déplaisir, du côté de Balaguero, Del Toro...une comparaison plastique dont Livide n'a pas trop à rougir.
Seulement, si esthétique il y a, ce qui l'irrigue est hélas moins convaincant : la faute à un casting décourageant, des djeuns antipathiques jusqu'à Marie Claude Pietragalla, au cabotinage carrément gênant. Un peu plus loin, la bonhomie de Catherine Jacob sauve les meubles de temps à autre, et Béatrice Dalle fait coucou, au détour d'un caméo dramatique inepte. Pour un film de couloirs où le spectateur doit s'accrocher vaille que vaille aux personnages, ce n'est manifestement pas une réussite...
Les montées de tension, bien présentes, sont régulièrement mises en péril par de jolies idées inabouties ou amenées trop précipitamment. En cela, la relation entre Lucie et la créature hantant les lieux ne fonctionne que trop peu, même dans son lyrisme de bon aloi (et assez maladroit).
Dans ce décorum à la Silent Hill, où les papillons voltigent au milieu des vampires, fantômes et autres zombies, le gore trouve sa place de manière impromptu, presque par dépit. On se doute bien que le coeur y est. On pense aux heures de gloire du bis européen, en bien comme en mal : pouvoir en extirper les lacunes et les défauts récurrents ne serait que trop recommandé...