Found

Found

Marty, un américain de 12 ans vivant en banlieue dans une famille de classe moyenne, est un ado comme tous les autres. Sauf qu’il est passionné de films d’horreur, hobby qu’il partage avec David, son seul ami de classe (les autres enfants semblant l’éviter voire le molester), son père qui l’emmène au cinéma de temps à autre et son frère aîné, dont la collection de VHS de genre est aussi impressionnante que fournie. L’adolescent passe ainsi ses journées à visionner des longs-métrages horrifiques, dessiner des BD, jouer à se faire peur dans la vielle casse de la ville et à espionner les petits secrets de chacun des membres de sa famille en leur absence. Il découvre ainsi les lettres d’un premier amour que sa mère conserve secrètement dans une boîte sous son lit, la collection de revues pornos que son paternel planque au garage et surtout les têtes décapitées que son grand frère garde dans un sac de bowling rangé dans le placard de sa chambre. Dès lors, la vie de Marty, partagé entre attraction et répulsion pour son serial killer de frérot qu’il ne peut ou ne veut dénoncer, va basculer doucement mais sûrement vers l’horreur pure. En sortira-t-il indemne et nous avec ?

FOUND | FOUND | 2012

A l’instar de "Mysterious skin", "Bereavement" et "Chained", Found offre au spectateur une ambiance des plus glauques car il est plongé dans l’histoire à travers le regard d’un enfant, incarnant l’innocence même, ce qui avouons-le se révèle bougrement efficace mais ô combien malsain. Adoptant le point de vue du jeune Marty, la mise en scène joue de manière habile avec cette perception enfantine en manque de repères. On suit ainsi un jeune garçon dont la vie est brusquement modifiée quand il découvre que son frère aîné est un serial killer en herbe. Marty est un gamin en plein « coming of age » (« passage à l’âge adulte », si l’on traduit) qui doit faire face à l'intimidation de certains de ses camarades, la perte de références et surtout, la dégradation complète et tout à fait inquiétante de la stabilité de sa famille. Found est ainsi bien plus qu'une histoire d'horreur, c'est une ode visuelle à un problème familial très profond et personnel passé sous silence, ignoré ou inaperçu dans un monde standardisé, fait de voies pavées uniformes, de pelouses bien entretenues et de maisons à l'emporte-pièce. A travers les yeux de Marty, nous entrevoyons une famille ordinaire en apparence dont la façade de « normalité » va rapidement s'effilocher. Avec Marty, nous essayons de comprendre comment une telle famille a quelque chose de si pourri en son cœur, mais les réponses ne viennent pas facilement. Ce problème qui va toucher la cohésion de la famille est un moment fort car s’il est bien un lieu supposé de sécurité et de confort c’est le domicile, la cellule familiale, brutalement explosée ici à la suite d’une découverte sans équivoque et qui va aboutir à la naissance du mal absolu...

Si l'on se base sur le début du film, Found apparaît d’abord comme plutôt sobre et proche des films de teenagers comme il en pleuvait dans les années 80/90, en attestent d’ailleurs les affiches, décors et autres VHS de l’époque. Dès le premier tiers, on suit le quotidien d'un gamin de 12 ans comme il en existe des millions aux Etats-Unis, fan de bandes dessinées et de longs-métrages horrifiques mais un peu en marge à l’école où il se fait harceler par plus fort que lui. Et puis on commence à voir quelques têtes coupées, mais ce n’est pas très choquant, d’autant que Marty a l’air de bien le vivre si l’on se réfère la voix off qui accompagne de temps en temps le métrage. Tout va pourtant changer le jour où l’adolescent va visionner une vidéo provenant de la collection de son grand frère. La K7 particulièrement réaliste (le format vidéo change tout à coup se faisant beaucoup plus net, façon caméscope) met en images le « Headless », un tueur en série impitoyable faisant subir d’horribles sévices à ses victimes. Cette séquence va d’ailleurs faire basculer le film à un niveau visuel d'atrocités jusque-là insoupçonné et qui fera détourner la tête de bien des spectateurs. Dès lors Marty réalise qui est son frère et ce qu’il fait de ses soirées, et cette scène fera d’ailleurs écho à une autre arrivant dans les dernières minutes du métrage où rien ou presque – à part le plan final – ne sera montré à l’écran, tout se jouant entièrement sur l'imagination du spectateur et sur ce que celui-ci peut déduire de ce qu’il entend. Formidablement angoissant mais hyper bien trouvé !

A l’évidence, le quasi inconnu Scott Schirmer sait tenir une caméra et s’y connaît en ambiance délétère. Il est aidé dans son entreprise par un choix judicieux de la bande-son donnant toujours le ton et par un décorum clairement choisi avec beaucoup de soin et d'attention quant aux détails. Beaucoup de scènes en plein air sont magnifiquement capturées, en particulier celles de Marty marchant dans un champ proche de la casse locale. Juxtaposées avec des scènes de cruauté et de violence sans faille, la beauté de celles-ci est d'autant plus inquiétante.

Côté acteurs, on peut dire que l’on est servi. Leur jeu est incroyable et le fait d’avoir pris des visages inconnus – normal me direz-vous, c’est de l’indépendant – renforce le côté voyeur que j’ai ressenti en visionnant Found. En effet, j’ai parfois eu le sentiment de regarder un reportage racoleur du style l’émission « Striptease » ou bien de voir un film réalisé à l’aide d’une caméra espion située dans la demeure de cette famille, à son insu. Et de fait, j’ai de temps à autre eu la sensation d’empiéter sur leurs affaires privées, c’était déstabilisant. Gavin Brown incarnant Marty, l’adolescent fasciné par l’horreur, est formidable. Il joue à merveille l’enfant en transition avec le monde des adultes mais qui y basculera inexorablement à partir du moment où il fera une macabre découverte. Il fournit souvent la narration à travers le film, mais celle-ci se fait beaucoup plus authentique que la plupart des voix-off que l’on peut avoir dans tout métrage parlant de teenagers commençant à s’émanciper : il y a ici une réelle émotion et elle n’est pas axée principalement sur la comédie. Le grand frère (Ethan Philbeck) est, lui aussi, très bon en jeune homme en colère contre ses parents (Phyllis Munro et Louie Lawless impeccables également en couple classique), contre la société, comme beaucoup d’autres finalement, du moins en apparence…

Si l’on devait trouver des points négatifs, on pourrait raisonnablement se questionner sur la morale du scénario (adapté d'une nouvelle écrite par Todd Rigney collaborant ici avec Scott Schirmer) assez ambigu dans sa conclusion et pouvant se révéler « facile ». D’aucuns pourraient également déceler certains creux scénaristiques : à aucun moment (tout comme dans l’effroyable "Henry, portrait d’un serial killer") la police n’est présente et surtout, aucune disparition notable n’est signalée dans les médias locaux, ce qui peut paraître bizarre, d’autant que Steve à l’air d’être assez prolifique en matière de meurtres, mais bon c’est vraiment pour chipoter que je dis ça, ça ne gêne en rien l’intérêt que vous pourrez porter au métrage.

Par les thèmes sociétaux forts et actuels qu’il brasse (comme le racisme, le harcèlement, l'identité de genre, la sexualité, l’influence de la violence sur les enfants et l’importance de la famille), pour son acteur principal qui porte le film sur ses frêles épaules, par la beauté de certaines images, pour certains effets sanglants et gore qui vous feront vous tortiller sur votre siège (on a d’ailleurs du mal à croire que le film n’ait que coûté 10 000 dollars !), Found constitue un pur OVNI parmi la multitude de films de genre actuels par trop formatés. Ne ressemblant à aucun autre, il est de ces métrages qui, par son originalité et son atmosphère particulière, vous hantera longtemps encore après son visionnage mais qui malheureusement n’a été présenté que dans très peu de festivals jusqu’alors. Gageons pourtant qu’on entendra parler à nouveau de Scott Schirmer, tant son premier film sur la perte de l’innocence est proche du chef d’œuvre.

FOUND | FOUND | 2012
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Note
5
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Vincent Duménil