Etrange noel de monsieur jack - l
Nightmare before christmas
Dans une curieuse forêt inconnue des vivants, une poignée d'arbres servent de portes vers différents mondes correspondant aux fêtes célèbres telles que Thanksgiving, Pâques ou encore Noël. Bien évidemment, il y a aussi celui de Halloween, grouillant de monstres farfelus et repoussants, et dont le chef se nomme Jack Skellington. Son but : faire peur et émerveiller son peuple à chaque fête de Halloween. Mais Jack se lasse d'effrayer son petit monde et veut tenter quelque chose de nouveau…
Après les succès de "Edward aux mains d'argent" et de "Batman le défi", Tim Burton laisse la caméra à un jeune talent, Henry Selick, qui s'imprégnera sans problème du monde de Burton. Un univers rempli de surprises, un monde à la fois non sensique, cartoonesque, inquiétant, débridé… A la manière de Lynch ou de Fellini, c'est un style à part entière auquel on adhère, ou pas. Avec "L'étrange Noël de monsieur Jack", Tim Burton déploie tout le faste et le délire de son univers en un seul film de 75 minutes. Fasciné par la technique du stop motion, qu'il a déjà utilisée dans "Pee Wee Big Adventure" ou "Beetlejuice", il signe ici son deuxième film d'animation employant cette technique qui continue encore aujourd'hui de faire rêver. Influencé par les travaux de Ray Harryhausen et de Irene Starewicz, il améliore sa technique avec ce film via l'utilisation de la 3D.
Distribué par Disney, "L'étrange Noël de monsieur Jack" reste très différent de tout ce qu'on a pu voir jusqu'à maintenant chez le fameux studio, puisque se tournant plutôt vers le public adulte. L'univers macabre, empruntant à l'expressionnisme allemand, aux films de la Hammer et à l'imagerie fantastique, n'est pas forcement destiné à un public très jeune. Mais là encore, cela reste familial, sans tomber dans le piège de la mièvrerie, et ça c'est l'essentiel. Produit, imaginé, supervisé par Burton, "L'étrange Noël de monsieur Jack" semble justement plus réalisé par l'hirsute personnage, que par l'énigmatique Henry Selick.
S'entourant encore une fois de sa scénariste fétiche, Caroline Thompson, et du créateur de "Beetlejuice", Michael McDowell, Burton crée parfaitement cet univers si beau et si fou qu'est Halloween Town. Il s'inspire à fond de l'esprit du Dr Seuss, papa du fameux "Grinch" dont le but est assez proche de celui de Jack : fêter Noël… à sa manière et donc gâcher la fête (sans le vouloir tout de même pour Jack). D'ailleurs, Ron Howard tentera de reprendre la recette Burton en réalisant l'incroyablement nul "The Grinch", allant jusqu'à piquer l'esthétique du grand Tim. Edifiant.
Adoré et adulé à Halloween Town, Jack Skellington en a marre de faire peur, et décide de jouer le Père Noël. Pour cela rien de plus simple : capturer le Père Noël, prendre sa place, et distribuer des joujoux faits maison, plus vivants et dangereux que inoffensifs et inanimés. Mais Jack ne sait pas que Sally est amoureuse de lui. Sally, une jolie morte-vivante/poupée de chiffon, essayant de se sortir des griffes de l'horrible créateur qui l'a confectionnée, un savant fou se triturant le cerveau (autant au sens propre qu'au figuré) pour se créer une compagne parfaite.
Entre un scénario qui ne faiblit jamais malgré la courte durée du métrage, et une puissance visuelle qui laisse sans voix, on est littéralement comblé. C'est simple, chaque plan fourmille de détails et d'un traitement tout particulier. Et les décors torturés et biscornus ne diront pas le contraire : cimetière florissant de tombes à perte de vue, banlieues américaines typique et colorées à outrance (tiens ça rappelle "Edward aux mains d'argent"), villages enneigés et chatoyants... Rien a redire là-dessus, Burton met la gomme. De même que les personnages de Jack et Sally ont un excellent traitement, teinté d'un romantisme, d'une poésie et d'une noirceur toutes burtonienne.
Deux créatures qui s'aiment sans réellement le savoir, qui se croisent et s'entrecroisent sans presque se voir. Une mélancolie particulière entoure la jeune Sally, surtout lors de sa chanson dans la ruelle embrumée, aussi émouvante que maussade. Car "L'étrange Noël de monsieur Jack" est un conte musical, fourmillant de chansons toutes plus réussies les unes que les autres, et aussi belles en version française qu'en version originale. On n'échappe pas à la fantastique parade de monstres made in Burton : famille de vampires, duo de sorcières, monstre marin, arbre à pendus, clown diabolique, loup-garou, vieux gélatineux, chat mystérieux, savant fou, croquemitaine (l'infâme Oogie Boogie, rival de Jack, dont le sort final assez dégeu rappelle étrangement une idée de "Vampire vous avez dit vampire ? 2"), chien fantôme ou encore un trio de gosses sadiques. Un bestiaire qui n'a rien de très "Disney" dans l'esprit comme vous pouvez le constater. Un florilège d'images qui restent et qui marquent (l'intro très réussie est un pur régal), pour un film d'animation aussi grandiose que "Dark Crystal" le fut en son temps. Burton marque à jamais le cinéma d'animation avec cette œuvre sans fausses notes, envoûtante jusqu'au bout, surtout si on adore son univers incroyablement inventif.
* Dans une scène coupée, on peut voir la famille de vampires en train de jouer au hockey avec... la tête de Tim burton !!