L'Avis :

Comment puis-je encore être aussi naïf ? En 2018, "En eaux troubles" m'avait pourtant laissé sur ma faim, avec un spectacle aussi mou qu'inoffensif, n'assumant jamais son statut de série B de luxe, avec en point d'orgue cette séquence en forme de pétard mouillé où le Megalodon slalomait au milieu de centaines de baigneurs d'une plage bondée, pour ne gober qu'une ou deux victimes. Autant dire que, tout amateur de shark-movie que je puisse être, l'annonce d'une suite me laissait plutôt indifférent. Puis sont arrivées les premières images d' "En eaux très troubles"... et avec elles, de nouvelles promesses.

En effet, le matériel promotionnel du film mettait largement l'accent sur la démesure de cette suite, en nous proposant l'attaque d'un T-Rex par un Megalodon (séquence improbable, directement tirée du livre de Steve Alten dont s'inspirent les films), en nous faisant découvrir plusieurs requins géants, en nous laissant deviner une pieuvre gigantesque, en nous promettant de très nombreuses victimes. "En eaux très troubles" aurait-il corrigé la timidité de son aîné pour enfin nous offrir le divertissement décomplexé que l'on attendait ? Ou nous a-t-on encore dévoilé l'ensemble des séquences sympathiques pour nous survendre le film, en jouant sur les attentes des spectateurs déçus par le premier volet ? La note que vous voyez en haut à droite devrait vous donner un indice.

Avant toute chose, il convient de noter l'étonnante pertinence du titre français : en effet, durant tout le premier acte, consacré à l'exploration de la fameuse fosse donnant au film son titre original, les eaux sont tellement troubles que l'on n'y voit pas grand chose. Peut-être une tentative désespérée de faire naître un peu de tension, dans une séquence malheureusement interminable et qui nous présente surtout le principal antagoniste du film : un groupe de méchants capitalistes bien décidés à exploiter les ressources de la fosse.

Car "En eaux très troubles" va donner une importance considérable aux enjeux humains, au détriment de ses créatures. Trahisons cousues de fil blanc, motivations de série B, affrontements sans impact : le film joue régulièrement la carte du film d'action, transposant régulièrement l'intrigue sur la terre ferme, pour un rendu particulièrement pachydermique et amplifiant la bêtise de l'ensemble des protagonistes. Dans un film avec trois Megalodons, une pieuvre géante et des créatures amphibies bien vénères, qui vraiment a envie de suivre l'histoire d'une riche capitaliste voulant devenir encore plus riche et de son bras droit voulant se venger de Jason Statham ? Alors que l'on avait posé le cerveau à l'entrée de la salle, toutes ces séquences sans saveur nous donnent l'occasion de remarquer le caractère grotesque de nombreuses ficelles scénaristiques, là où le premier volet réussissait à les dissimuler ou à les rendre acceptables.

Résultat, on perd encore en générosité et en spectaculaire en ce qui concerne nos Megalodons. Alors qu'ils sont trois, ils ne représentent plus de véritables menaces, et sont juste là pour se faire victimiser par Jason Statham, le justicier écolo qui défonce des créatures en voie d'extinction. Et que dire de cette pieuvre géante, totalement sous-exploitée : on en vient même à regretter "Mega Shark vs Giant Octopus". Ainsi, malgré quelques idées de mise en scène sympathiques, le dernier acte accouche une nouvelle fois d'une souris, multipliant les références (Jaws 2 et 3, "Jurassic Park" et "Jurassic World", entre autres) tout en demeurant tristement sage.

Bref, on pouvait s'attendre à plus grand, plus gros, plus spectaculaire, plus fou. On n'aura finalement droit qu'à "plus con" et "plus ennuyeux" qu'un premier volet qui était déjà beaucoup trop sage et timide. Vous pourrez largement vous contenter de la bande-annonce du film : absolument toutes les séquences sympas y sont. A vous de voir si vous souhaitez les voir diluées pendant 2 heures, au milieu de séquences d'action entre humains bondissant au ralenti entre deux répliques nanardesques.