BAD BATCH - THE
BAD BATCH - THE
Après avoir été bannie au milieu d’un désert américain peuplé de personnes indésirables s’étant regroupées par bandes, la jeune Arlen va se trouver capturée par des cannibales. Après avoir réussi à leur échapper, laissant derrière elle une partie de sa jambe et de son bras droits, elle va être recueillie au Comfort, un camp retranché où des drogués se rassemblent auprès d’une sorte de gourou. Un endroit où elle va trouver un pistolet qui va lui servir pour se venger des cannibales ayant mangé deux de ses membres…
L'AVIS:
Production Netflix sortie en 2016, "The bad batch" est le deuxième long-métrage d’Ana Lily Amirpour après son "A girl walks home alone at night" qui avait été fort bien accueilli par la Critique. Mise en lumière par Elijah Wood qui fut producteur sur son premier film, cette jeune cinéaste américano-iranienne revient donc avec ce second long-métrage qui remportera le Prix du Jury à la Mostra de Venise, rien que cela ! L’occasion d’y voir une petite brochette de stars bienvenue, d’un Keanu Reeves parfait dans la peau d’un gourou manipulateur à un Jason Momoa interprétant un chef de bande cannibale loin d’être amical, en passant par un Jim Carrey méconnaissable en marginal solitaire et bien évidemment une Suki Waterhouse revancharde à souhait.
Petit retour sur « The bad batch » donc, un film qui certes ne plaira pas à tout le monde comme vous le comprendrez rapidement mais qui a toutefois quelques atouts dans sa manche !
Encore une fois, Ana Lily Amirpour nous propose une idée de départ assez originale dans laquelle on apprend que dans un futur proche les autorités américaines relâchent les délinquants dans un désert aux portes du Texas, sorte de prison à ciel ouvert où les pires vermines se regroupent en bandes. Des drogués sous la protection d’un gourou d’un côté, des cannibales ultra musclés de l’autre, et entre les deux des êtres solitaires qui errent dans le désert et font le lien entre ces bandes…
Mais, à la manière d’un "Mona Lisa and the blood moon" (film suivant d’Ana Lily Amirpour), nous avons droit à un départ plein de belles promesses, avec sa sauvagerie bienvenue et cette idée de « prison en plein air », et ensuite le soufflé retombe quelque peu, la suite ne laissant guère de place à de l’originalité et s’avérant assez longuet par moments.
Nous sommes en effet bien loin d’un survival à la Mad Max auquel nous aurions pu nous attendre avec ces vingt premières minutes bien barbares durant lesquelles notre héroïne se fait attraper par une bande de cannibales qui vont l’enchaîner et lui couper un bras et une jambe pour en faire leur dîner. Le film va certes continuer de tourner autour de ces marginaux emprisonnés en plein désert mais le côté menaçant/inquiétant qui nous renvoyait vers le Survival Movie se perd en route pour aller flirter avec d’autres registres cinématographiques avec un peu de rape and revenge, de romance ou encore du film de secte, mais toujours en gardant cette ambiance post-apocalyptique qui sent si bon depuis le début du film (bien que nous ne sachions pas exactement quel est le contexte…).
Les messages que le film fait passer sont pourtant bien parlants et d’actualité, s’intégrant parfaitement au récit qui nous est conté. On s’interroge en effet sur la place des marginaux (les drogués, les SDF vivant en solitaire, les adorateurs de sectes…) au sein de notre société, des marginaux d’ailleurs dépeints ici avec exagération car nous avons affaire ici notamment à des cannibales testostéronés par exemple. On s’intéresse ici également à la place de la femme dans notre société : une sympathique critique qui s’offre à nous avec les diverses taches/missions confiées à la gente féminine dans le film qui semble n’être là que pour faire des enfants (elles se font toutes engrosser par un gourou qui « veut créer un monde meilleur »), sortir faire les courses (enfin les déchetteries plutôt…), s’occuper du repas (c’est elle qui met les morceaux de viande humaine à la casserole)… Et pourtant notre chère Arlen est une sacrée battante, à l’image de Jennifer dans le "Revenge" de Coralie Fargeat, et finit même par déjouer plusieurs pièges qui s’offrent à elle, ce qui pourrait nous faire croire que le film a un possible penchant féministe…
Bien évidemment, le fonctionnement des sectes est expliqué/critiqué dans le film d’Ana Lily Amirpour, là aussi de façon quelque peu exagérée (quoique parfois…), et on vient ainsi encore ancrer quelques faits de société dans cette fiction sous fond de post-apo.
Alors oui toute cette histoire, qui s’articule autour d’une petite fille (parfait fil conducteur) issue d’un couple de cannibales qu’Arlen a pris sous son aile, distille quelques messages parlants qui sont placés parfaitement dans cet univers post-apocalyptique mais malheureusement le film traîne en longueur et perd énormément de son impact jusqu’à l’apparition d’un Keanu Reeves vraiment bon dans ce rôle de gourou manipulateur.
Il ne se passe en effet pas grand-chose à l’écran dans "The bad batch" et l’affrontement entre les cannibales ultra musclés et ce peuple de drogués que l’on attend avec impatience (car la fille du chef des cannibales se trouve enrôlée chez les drogués) ne semble pas vouloir montrer le bout de son nez par exemple. Même chose pour cette secte si particulière que nous aurions peut-être aimé infiltrer un peu plus en profondeur mais, à la manière de certains personnages pas suffisamment fouillés/travaillés, nous n’en verrons que quelques facettes, comme si quelque chose manquait dans la narration… Un petit quelque chose certes dispensable dans l’absolu mais quelque peu dommageable quand on y réfléchit de plus près…
Au final, "The bad batch" n’est pas un mauvais film, loin de là, mais ce dernier ne tient malheureusement pas toutes ses promesses. D’un film démarrant de manière brutale avec ces touches de cannibalisme, de rape and revenge et de survival, nous nous retrouvons rapidement dans une histoire assez banale, présentant trop peu de rebondissements et surtout perdant cruellement de cet aspect barbare qu’elle nous avait montré d’emblée, une fois le générique de début terminé. Un peu frustrant quand-même, bien que le film ne soit pas déplaisant et qu’il parvienne à nous maintenir en haleine malgré des longueurs évidentes.
Avec "The bad batch", Ana Lily Amirpour ne transforme donc pas l’essai après son très sympathique et réussi "A girls walks home alone at night" mais parvient toutefois à nous proposer quelque chose d’original sur son matériau de base mais malheureusement pas assez travaillé pour tenir dans la longueur.
Son prochain film, "Mona Lisa and the blood moon", portera d’ailleurs les mêmes défauts que ceux constatés ici… Voilà bien la preuve qu’il n’est pas simple de passer du court-métrage (dont Ana Lily Amirpour est une spécialiste) au long-métrage : tenir dans la durée n’est pas chose toujours aisée mais on y croit avec notre cinéaste américaine, cette dernière ayant plus d’un tour dans son sac, plus d’une flèche à son arc, et nul doute qu’elle saura véritablement nous surprendre à nouveau dans sa carrière après son premier film réussi. J’y crois et je ne pense pas me tromper… L’avenir nous le dira !