Affiche française
DRACULA (1992) | BRAM STOKER'S DRACULA | 1992
Affiche originale
DRACULA (1992) | BRAM STOKER'S DRACULA | 1992
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oui
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Dracula (1992)

Bram stoker's dracula

En 1492, le guerrier Vlad Dracul, surnommé également Vlad l'empaleur, délaisse sa bien-aimée Elizabetha pour affronter les Turcs dans une bataille sanglante dont il ressortira triomphant. Malheureusement, les ennemis auront le temps de faire croire à Elizabetha que le grand guerrier vient de tomber au combat, provoquant ainsi son suicide. Rongé par la haine, Vlad renie Dieu pour rejoindre les forces du mal. C'est ainsi que naîtra Dracula.

DRACULA (1992) | BRAM STOKER'S DRACULA | 1992

Soucieux d'empiler les sous-sous, Universal se lance pendant les années 90 dans une remodernisation des grands mythes qui ont fait leur gloire voici une décennie. "Frankenstein", "Le loup-garou", "L'homme invisible", "La momie"… et tout d'abord "Dracula" dont la réalisation est orchestrée par le grand Coppola. Se voulant nettement plus fidèle au roman de Stoker que les autres films dédiés au comte, "Bram Stoker's Dracula" frappe fort avec une publicité et un merchandising limite excessifs, clamant haut et fort son statut de chef-d'œuvre. Ce côté chef-d'œuvre préfabriqué a de quoi gêner, surtout à l'époque où le public se scinda en deux de manière assez distincte : ceux qui descendent l'œuvre de Coppola, la considérant comme un fourre-tout sans saveur et lourdingue, puis d'autres la considérant comme une œuvre flamboyante et sensationnelle.

La réalisation de Coppola est, il faut dire, aussi impressionnante que tentaculaire, virevoltant dans tous les sens avec tous les éléments faisant directement la renommée d'un classique hollywoodien : effets spéciaux époustouflants, musique baroque et exacerbée, casting abondamment fourni, scènes d'anthologie, poésie, hémoglobine, érotisme… Un cocktail qui pourrait se montrer comme un peu trop parfait, mais qui n'est pas exempt de défauts. D'ailleurs, étant un grand amateur de l'œuvre, je citerais les défauts les plus cités : Keanu Reeves et Anthony Hopkins. Pourquoi ? L'un est tout simplement inexistant et essaye de nous faire croire qu'il est le héros de l'histoire avant de décrocher complètement, l'autre cabotine beaucoup trop pour un rôle se voulant efficace et sobre. C'est dit, c'est fait et maintenant passons à tout autre chose…

Absente dans tous les films mettant en scène le suceur de sang, la vision du conquérant qu'il fut avant que Stoker ne reprenne le personnage est enfin exploitée dans une intro flamboyante, où le sang et les larmes se rejoignent dans un trip baroque et gore, très proche de "Excalibur". Dans un ciel rouge, Vlad empale les ennemis à la chaîne, avant de voir sa vie s'écrouler après la mort de son épouse, noyée. Entre tragédie et peinture historique (excellent effet que sont ces ombres chinoises), l'intro frappe fort par ses images tonitruantes et blasphématoires (la croix qui saigne sous le coup d'une épée, l'ange pleurant du sang, le suicide d'Elizabetha…) et nous envoie l'un des plus beaux plans du film, montrant Vlad rejoindre son château sur une route d'empalés. Pas d'images numériques, les mate painting et les trompe-l'œil sont rois, et donnent un cachet supérieur à la dite séquence, inoubliable.

Début du siècle, Londres, Mina Harker voit son fiancé partir pour la Transylvanie où il doit établir un contrat avec le comte Dracula. Chemin tortueux, cocher griffu, loups affamés, brouillard, gitans apeurés, château gothique : bref on redécouvre l'univers du célèbre vampire, ici sous la forme d'un vieillard blanc comme un linceul, aux manières distinguées et inquiétantes. Gary Oldman, ici grimé, est méconnaissable, mais on sera ravi de son jeu d'acteur reprenant le coté blafard et imprévisible d'un "Nosferatu, fantôme de la nuit", avec la grâce et l'accent roumain du "Dracula" de Browning. Coppola hésite à choisir un héros : le comte, Mina, ou Jonathan ? Les trois à la fois en quelque sorte, ce qui n'est pas chose aisée.

Exploitant divinement bien la personnalité du comte, Coppola fait subir à Oldman de nombreuses transformations sidérantes, brillamment mises en images : vieillard, jeune aristocrate, loup-garou très "Naschyien", rats, brouillard verdâtre et goule (bel homme chauve-souris belliqueux dont le look sera repris pour les vampires d' "Une nuit en enfer"). Oldman est très à l'aise dans son rôle, incarnant un Dracula parfois sadique et cruel, parfois tourmenté et amoureux, voire romantique et effrayant. A déguster cependant en version originale pour goûter à toute l'essence de sa voix envoûtante et ténébreuse.

Coté acteur, Winona Ryder et Sadie Frost occupent le casting féminin de manière très convaincante, illuminant le film de leur beauté radieuse, parfois sombre et déchaînée. Mention spéciale à la trop rare Sadie Frost, sensuelle en diable. On passera le cas Reeves/Hopkins (voir plus haut), pour signaler l'un des premiers rôles de Monica Bellucci en femelle diabolique, déjà sacrément excitante. Accompagnée d'ailleurs des deux autres femmes de Dracula, elle ne passe que fugitivement à l'écran. Pour ce trio-là, on gardera en tête la scène du viol où ce benêt de Jonathan tombe entre les mains expertes des trois créatures. On ne le plaindra pas vraiment sur ce coup…

Coppola fait exploser sa narration le temps d'une longue séquence assez phénoménale où le comte arrive enfin dans la ville de Londres pendant une lourde tempête. Alors que la musique prodigieuse de Kilar se déchaîne en quelques instants, la caméra accélère ses mouvements, tourne, s'égare, filme la folie (baiser saphique, piquouze pas très catholique, geyser de sang…) jusqu'à déboucher vers une image là encore assez courte mais quasi impensable pour un film se voulant hollywoodien : le viol sauvage de Lucie par un lycanthrope soudain devenu libidineux, s'enfuyant après avoir déposé une délicate morsure sur le cou de sa victime.

Coppola injecte une romantisme forcené qui n'a décidément pas plu à tout le monde, mais étrangement inédit dans l'univers filmique du comte (excepté dans la version de Badham où Dracula devenait un amant séducteur et charmeur) et donc forcément intéressant. Une histoire d'amour se tissant rapidement autour de Mina et de Vlad, à travers deux magnifiques scènes : les caresses échangées sur un beau loup blanc, et la découverte de l'absinthe. L'action explosera quant à elle lors du final expéditif, mais qui a le mérite de se terminer sur une séquence émouvante et sanglante, où tout se termine là où tout a commencé. Cependant, pourquoi Coppola a-t-il placé la belle chanson d'Annie Lennox "Love song for a vampire" au fin fond du générique et non après la séquence en question ? Bizarre… et un peu déstabilisant.

Beaucoup ont vu en "Dracula" une métaphore sur le Sida, qui devient ainsi le vampirisme. La scène d'amour entre Mina et Dracula est assez parlante, puisque le sang peut être rallié au sperme et la succion de la plaie à une fellation. Lucie est également visée comme une condamnée, dont les prises de sang et le mal sont facilement assimilables au Sida.
En forçant le trait sur la notion "opéra baroque et sanglant", Coppola offre des scènes épatantes comme la mort grand guignolesque de Mina et son réveil dans la crypte (sa tenue et son visage à la blancheur de lune ne serait-elle pas héritée du théâtre ou de l'opéra ?), et des idées fabuleuses (la rencontre entre Dracula et le cinéma !). Souvent garni de détails savoureux (les ombres à travers la vitre lors de la discussion Mina/Dracula, les empalés encore présents dans la cour de Dracula…), le film joue avec des raccords surréalistes souvent originaux mais tirant parfois le mauvais cordon (le raccord tête coupée/viande est d'un goût plus que douteux), et un nouveau regard sur un mythe à l'époque totalement épuisé, reprenant à nouveau vie. Si "Dracula" n'est pas une œuvre certifiée parfaite à 100%, elle reste tout de même le fruit d'un travail conséquent et une vision quasi-unique du grand suceur de sang qu'est Dracula. Et cela suffit pour en faire un véritable chef-d'œuvre, en tout cas à mes yeux.

DRACULA (1992) | BRAM STOKER'S DRACULA | 1992
DRACULA (1992) | BRAM STOKER'S DRACULA | 1992
DRACULA (1992) | BRAM STOKER'S DRACULA | 1992

Retrouvez la critique de la B.O du film:

http://www.horreur.com/fiche_zik.php?idzik=11

Note
5
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Jérémie Marchetti