Couverture française
CORNES | CORNES | 2011
Couverture alternative
CORNES | CORNES | 2011
Auteur
Editeur
Date de parution (France)
Pages

416

Couleur ?
Non
Langue

Français

Cornes

Cornes

Depuis que sa petite amie, Merrin, a été violée et sauvagement assassinée, Ig noit son chagrin dans l’alcool et dans les aventures d’un soir. Lorsqu’un lendemain de cuite, Il se réveille avec des cornes sur la tête, il pense d’abord qu’il lui reste encore des effets de sa soirée de la vieille… Après s’être rendu compte que les cornes étaient bien réelles et, surtout, qu’elles lui permettaient de faire avouer la vérité aux gens qu’il croise, Ig décide de s’en servir afin de retrouver et se venger de l’assassin de Merrin...

L'AVIS :

Avec un résumé pareil (à peu près identique à celui qu'on peut lire en quatrième de couverture du livre), on pouvait s'attendre à un revenge-flick musclé, à une vendetta surnaturelle ou encore à un thriller sombre. Finalement, "Cornes" c'est un peu ça mais c'est surtout autre chose. Dommage pour ceux qui s'attendaient à une traque sans pitié et à un suspense au cordeau puisque l'identité du tueur est rapidement révélée, laissant le lecteur quelque peu perplexe du fait que les nouveaux pouvoirs du héros n'aient pas été plus utiles à l'enquête. Le livre prend donc les (potentielles) attentes du lecteur à contre-pied pour entrer dans un univers beaucoup plus intime car ce que va découvrir le héros au fil des pages, en plus de l'identité du tueur, c'est d'abord ce que pense son entourage de lui, ce qu'on ressentit et endurer ses proches suite à la mort de sa fiancée. Des révélations dures et intenses qui dépassent sa propre souffrance mais qui viennent aussi la démultiplier. Ensuite et surtout, pour comprendre toutes les raisons qui ont provoqué ce drame, le héros va devoir se replonger dans son passé, depuis son enfance jusqu'à l'âge adulte, à l'aide de longs flashes back. Dans ces chapitres, la plupart des personnages découverts au début réapparaissent et nous suivons leur évolution au fur et à mesure des souvenirs, chacun avec ses réussites mais surtout avec ses blessures. C'est dans la description de ses sentiments et de ses révélations que Joe Hill fait des merveilles.
En effet, dans le portrait nostalgique des personnages et de leur passé, Joe Hill possède le même talent que son illustre paternel : Stephen King. Les tourments de l’adolescence très bien décrits et les sentiments des personnages réalistes rendent l’ensemble cohérent et totalement crédible. Le lecteur s’identifiera rapidement aux personnages et pourra se trouver des points communs avec chacun d’eux, même en ceux dont l’âme est la plus sombre. Effectivement, Hill arrive à humaniser ces personnages au point de les rendre attachants et qu’on arrive à les comprendre même lorsqu’ils ont des gestes ou des pensées complètement noires. Il faut dire qu’il utilise des thèmes universels tels que la vengeance et la jalousie rendant l’intrigue ambigüe et créant un climat étrange autour de cette histoire qui, si l’on excepte les cornes, pourrait être un fait divers tout à fait réaliste. La montée en puissance, depuis l’enfance des personnages jusqu’à l’inévitable drame, est orchestrée avec talent, l’histoire prend au tripes et les raisons du drame sont délivrées au compte goutte, de façon maline et fluide, même avec tous ces retours en arrières. Joe Hill arrive à maintenir un récit passionnant, précis et détaillé tout en évitant d’ensevelir le lecteur sous une tonne d’informations et de descriptions. On pourrait même dire que l’écriture de Hill est cinématographique tant elle permet au lecteur de visualiser les images tout en faisant travailler son imaginaire. Toutefois, pour la version ciné, on attend avec impatience de voir ce que va en faire notre frenchie Alexandre Aja car certains passages semblent tout de même complexes à représenter visuellement sans tomber dans le ridicule. Par exemple, durant une partie du livre plutôt dramatique, le héros se retrouve habillé en femme. Le réalisateur arrivera t’il à maintenir la tension malgré l’accoutrement du personnage principal ? Suspense !

Bref, halte à la digression, revenons au livre: La force du roman se trouve vraiment dans la description des sentiments des personnages, dans le côté poignant, touchant, parfois à la limite du romantisme (dans le bon sens du terme) que développe le récit plus que dans son côté surnaturel et horrible. Mais, fans de frissons, soyez tout de même rassuré, l’apparition des cornes nous offre quelques moments croustillants (les «discussions » avec ses parents et sa grand-mère…) et le récit n’hésite pas être très cruel par instant. Les différentes confrontations entre les deux ennemis (Ig et le tueur de Merrin) et leur relation ambiguë donnent aussi droit à des passages forts en émotions ou colère et tristesse accompagnent le lecteur comme elles accompagnent les personnages. Car autant, voir plus, que la perte de l’être aimé, « Cornes » nous rappelle que la perte de l’innocence ou d’une amitié peut-être aussi douloureuse et que lorsque toutes ces disparitions s’entremêlent, les sentiments et les douleurs sont exacerbés.

Fans d’horreur et de surnaturel, « Cornes » risque de vous déstabiliser, au départ, à cause de la direction (plus spirituel que violente) que le livre prend. Mais s’arrêter à ces quelques pages sans aller découvrir ce qui a amené les personnages jusqu’au meurtre ou jusqu’à la vengeance serait une grande erreur tant le livre de Joe Hill a des choses à vous proposer. « Cornes » est le genre de bouquin qui laisse une trace dans le subconscient du lecteur, le genre qui touche intimement. Avec son début de carrière, Joe Hill, dans un style tout de même un peu différent, est bien parti pour suivre les traces du maître de l’horreur, Stephen King.

Note
5
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Sylvain Gib