SISSY
SISSY
Jeunes, Emma et Cécilia étaient très complices mais ces dernières se sont perdues de vue avec le temps, la faute notamment à une autre jeune fille du nom d’Alex, grande rivale de Cécilia. Douze ans plus tard, les deux copines d’enfance se retrouvent dans une supérette et Emma l’invite à son anniversaire puis à son enterrement de vie de jeune fille, l’occasion pour Cécilia de renouer les liens avec Emma mais aussi de retrouver Alex…
L'AVIS:
"Sissy" est un petit film australien ayant fait son entrée sur le territoire français par la petite porte, celle du DTV, et n’a de ce fait pas beaucoup fait parler de lui. Le film du duo Barlow/Senes se sera surtout montré lors de sa projection au festival Fantasia, ce qui ne lui valut pas que des bonnes critiques en sortie de projection… L’occasion pour votre rédacteur de se plonger dans ce long-métrage venu tout droit de l’autre côté du planisphère et de se faire son propre jugement. Qui étonnamment ne sera pas forcément du même avis que la majorité…
Avec son approche très critique du monde virtuel et notamment cette satire évidente sur les influenceurs qui émerge rapidement dans le film, "Sissy" montre par le biais de sa protagoniste principale (une jeune influenceuse dans la vingtaine qui a 200 000 followers) les bienfaits que peuvent procurer ce genre de vie mais également les dangers que celle-ci représente dans le monde réel.
Car notre chère Sissy (que l’on appellera Cécilia car la jeune fille a bien grandi depuis) est certes une petite star du Web avec ses vidéos sur le bien-être (alors qu’elle n’a fait aucune étude dans le médicale ou la psychologie… Une critique bien mise en avant lors d’un repas et qui montre les travers de ce genre de « gourou du Web ») mais elle est surtout en réalité bien seule dans la vie réelle (quand on le dit que le Net isole physiquement certaines personnes, encore une critique des réseaux sociaux bien mise en avant au début du film). Une vie clairement moins rayonnante quand la vidéo s’arrête et nous montre la jeune fille dans un appartement laissé dans un état d’abandon (oui, Cécilia préfère passer le reste de son temps devant des niaiseries à la télé en mangeant des saloperies, tapotant sur son portable pour s’assurer que ses followers ne sont pas loin…).
Un début de long-métrage fort convaincant qui montre là une critique claire et nette des réseaux sociaux qui peuvent isoler et changer le comportement des gens (d’ailleurs on pourrait se demander si la virtualité - et l’influence qu’elle exerce parfois chez les plus jeunes - n’est pas un peu à l’origine de l’homosexualité surprenante d’une bonne partie du casting principal, quand l’orientation sexuelle des derniers personnages reste par ailleurs ambigüe).
Ici, Cécilia a manifestement trouvé la paix avec ses anciens démons en se réfugiant dans cette coquille virtuelle, loin d’un trauma de jeunesse et des rivalités entre gamines qu’elle a vécus étant plus jeune. Oui, notre jeune influenceuse semble n’exister que par les réseaux sociaux sur lesquels elle s’est trouvée un rôle auprès des internautes, une utilité. Un équilibre et un choix de vie qui vont soudainement être perturbés par les retrouvailles avec son ancienne complice Emma mais surtout avec son ancienne rivale Alex, une copine à Emma à l’origine de ce trauma juvénile…
Des retrouvailles avec son amie d’enfance qui vont permettre à Cécilia, le temps de quelques jours, de recoller un peu avec le monde réel, de retrouver du liant avec la population qui l’entoure, loin des écrans. Le monde réel comme médicament… mais aussi comme énorme perturbation dans cet équilibre qu’elle s’était construit pour fuir à un trauma de jeunesse qui va alors refaire surface au moments de revoir ses anciennes camarades d’école primaire…
C’est en effet à ce moment là que notre film australien va comme se métamorphoser, prendre un virage radical. Finies les paillettes, la fête et les scènes colorées et funky de la première demi-heure : place à présent à un décor plus sombre, un nombre de personnages bien plus réduit et séjournant dans une grande bâtisse isolée à l’orée d’une immense forêt. Et avec Alex en maîtresse des lieux, nul doute que tout est là pour casser le côté festif du premier acte. Deux parties, deux ambiances, et cette seconde est clairement destinée à nous faire basculer progressivement vers l’horreur.
Une seconde partie qui va réveiller les vieux démons, remettre en lumière ce trauma de jeunesse dont souffrait Cécilia à l’époque (des flashbacks intrusifs qui nous dévoilent petit à petit ce qui s’est passé dans la cour de récréation à l’époque entre Cécilia, Emma et Alex), et nous faire basculer vers de l’horreur graphique.
Une Cécilia métamorphosée, perdue et se refusant à reperdre une nouvelle fois sa meilleure amie au profit de cette peste d’Alex qui décidemment ne semble être sur Terre que dans le but de lui pourrir la vie. Du moins dans sa tête… Car notre jeune fille a une santé mentale des plus fragiles et tous ces changements soudains dans cette bulle qu’elle s’était forgée autour d’elle pendant toutes ces années - comme pour échapper à ces souvenirs douloureux - vont lui faire perdre la tête et la plonger dans une folie meurtrière… jusqu’à un final brutal bienvenu.
On essayera bien de donner à Cécilia une logique, ou plutôt une excuse à ses agissements (comme pour l’innocenter de ce qui est en train de se produire sous nos yeux), en nous montrant par le biais de nombreux flashbacks une fillette douce, heureuse et agréable (bref tout ce qu’il y a de plus innocent) en proie à des moqueries de gosses.
Des tentatives de déculpabilisation pour revenir un peu à ce qui semblait être l’idée de base de "Sissy" : une poignante critique des réseaux sociaux et les dégâts qu’ils peuvent causer dans la psyché d’une personne plus ou moins fragile/fragilisée à la base.
Il est dommage également que cette satire du monde virtuel et des influenceurs ne soit cependant pas un peu plus développée dans le film, laissant alors à "Sissy" un déroulement assez classique et linéaire dans sa narration, là où l’on aurait peut-être souhaité une construction narrative un peu plus portée sur la psychologie de Cécilia.
Mais ne boudons toutefois pas notre plaisir, le film du duo Barlow/Senes fonctionne plutôt bien, n’en déplaisent à de nombreux critiques sur le Web déplorant le manque de finesse du long-métrage australien. Le rythme est soutenu, les acteurs/actrices convaincants et l’histoire simple mais efficace.
Allez les rageux, cessez de vous en prendre à ce petit film finalement bien sympathique, bien que pas assez fouillé (je l’entends) en ce qui concerne la psychologie de son personnage principal.