Crocs du diable - les
Perro - el
Quelque part en Amérique latine, un dictateur nommé Leónidas Arévalo fait régner la terreur dans son pays. Comme de nombreux autres opposants politiques, le mathématicien Arístides Ungria croupit derrière les barreaux de la prison de San Justo. Un jour, il profite d’un moment d’inattention pour s’enfuir, avant d’être rattrapé par le gardien Zancho et son redoutable chien. Arístides finit par abattre le militaire mais, avant de mourir, celui-ci ordonne à l’animal de tuer le fugitif. La bête va alors traquer Arístides jusqu’à la capitale pour venger son maître…
L'AVIS :
Tourné au Vénézuéla et à Madrid, tirée d'un court roman éponyme de l'écrivain Alberto Vázquez Figueroa, à l'époque l'auteur qui vendait le plus de livres en Espagne. Le scénariste Juan Antonio Porto était chargé d'écrire l'adaptation.
Succès le plus important d'Isasi-Isasmendi(réalisateur méconnu de par chez nous, mais reconnu comme un des plus importants de l’histoire de l’autre côté des Pyrénées) et film le plus rentable de 1978 en Espagne. Il fut lancé comme un blockbuster, avec une grande campagne publicitaire et une sortie en Europe et aux États-Unis. En Espagne au-delà de son succès public, "El perro" a provoqué un véritable émoi.
D'abord parce que c'est un film séduisant avec des courses poursuites, de la violence, des décors naturels époustouflants et quelques scènes de sexe softcore peu courant à l’époque de sa sortie. Deuxièmement, parce que derrière le récit de l'évasion de prison et de la poursuite incessante du fugitif par un chien d'attaque, se cache un parallélisme évident avec la situation politique Espagnole, la dénonciation de la répression du régime Franquiste et, par extension, des régimes militaires.
L'histoire du roman, minimaliste, se développe ici dans une intrigue se situant dans pays, dont nous ne connaissons pas le nom, gouverné par un tyran, Leónidas Arévalo, que le gouvernement appelle « Le Bienfaiteur », et le peuple, « Le Chien ». Tout au long du film, on nous montre diverses affiches de propagande, très familières aux Espagnols pendant la dictature : « 20 ans de paix, de progrès et de bien-être ».
La majorité des prisonniers sont des victimes politiques de représailles. L’un d’eux, un mathématicien qui a eu le malheur d’être marié à la femme dont « Le Chien » s’est épris, a développé un théorème pour pouvoir mémoriser les noms des résistants. Profitant d'un sanglant accident dans la carrière, le mathématicien s'échappe, poursuivi par l'un des gardes et son chien. Le protagoniste parvient à tuer le garde, mais le chien, un berger allemand, lui, continuera à la traquer, comme une créature façon « Terminator » (avec images subjectives dans sa quête de l’évadé et tout et tout) qui semble avoir plus de force et d'intelligence que le reste des personnages.
Le protagoniste humain est l'acteur Jason Miller,le fameux père Karras dans "L'exorciste". Nous le verrons se battre avec le chien, nu dans l'eau (il y a plusieurs scènes qui suggèrent la castration des prisonniers évadés), avec sa veste et dans une scène d’auto-hommage, déguisé en prêtre.
À ses côtés, un large casting de grands acteurs : Aldo Sambrell (Cuccillo dans« Et pour quelques dollars de plus » et gueule reconnaissable du cinéma bis européen), Manuel de Blas (vu dans « : Dracula contre Frankenstein », « Le Bossu de la morgue », « Mutations »ou « Le Monde des morts-vivants »), l’immense Lea Massari en amante du dictateur et la non moins immense Marisa Paredes (vu chez dans de nombreux films du père Almodovar, mais aussi dans le glaçant « Prison de cristal » ou encore « L'Échine du Diable ») en résistante, mitraillette à la main et l'apparition de Juan Antonio Bardem, futur réalisateur dans le rôle du leader clandestin de l'opposition.
Les meilleurs moments d’"El perro" sont ceux de la première moitié du film. Conçu comme un film d’évasion, cette première moitié est une pure et simple course-poursuite où Isasi-Isasmendi utilise à la perfection les lieux, le ralenti et le montage rapide, avec une mention spéciale pour quelques plans subjectifs insolites du point de vue du chien.
Le mélange audacieux d'un naturalisme brut, de film d’agression animal, de western subtropical, d’action, de séquences de violences magnifiées par le ralenti en fait un film important, réussissant à transcender les genres qui, malgré un propos engagé, n’occulte en rien la dimension purement ludique et divertissante qu’il procure, au travers de la lutte viscérale entre l’homme et l’animal.
* Remake en parti par Brian Yuzna avec "Rottweiler" en 2005, qui n’est pas ce que le réalisateur a pu faire de mieux (pour être poli).
* 2 507 050 spectateurs espagnols sont allés voir le film en salles en 1978