Domaine - Le

Nido - Il

Samuel, un adolescent paraplégique, coincé dans un fauteuil roulant, réside dans une grande propriété isolée auprès d’Elena, sa mère tyrannique, ses oncles et tantes, un mystérieux docteur, des domestiques et du personnel à tout faire. Interdit de sortie, coupé du monde extérieur, l’adolescent vit cloîtré et loin de ceux de son âge. Ses proches et surtout sa génitrice lui ont toujours dit que sa demeure et le terrain l’entourant les protégeaient de tout. Soumis à sa mère, il passe ses journées à apprendre le piano classique, tout comme on lui inculque à entretenir soigneusement le domaine familial dont il semble l’unique héritier. Mais un beau jour débarque Denise, une jeune domestique de quinze ans qui va l’éveiller au monde et dont il tombe amoureux. Sa mère possessive va-t-elle toutefois accepter ce rapprochement d’autant que depuis toujours, elle empêche son fils de s'éloigner d'elle et de leur bien étrange manoir ?

Domaine - Le | Domaine - Le | 2019

Le domaine (« Il nido » en italien, qu’on traduirait par « Le nid ») nous présente des personnages se retrouvant confinés dans une grande propriété afin, semble-t-il, de se préserver de l’extérieur. Tous sont dirigés d’une main de fer par Elena, aussi bien les métayers, que les gouvernantes, Ettore, l’homme à tout faire ou encore l’inquiétant docteur Christian, semblant tout droit sortir de "Salo ou les 120 journées de Sodome" de par son visage menaçant et son air sadique. Parmi ces protagonistes, évolue Samuel, un enfant en fauteuil roulant, vivant reclus dans un domaine dont il est destiné à prendre un jour les rênes et qui répète inlassablement ses gammes de musique classique au piano. Mais un beau jour, Denise, quinze ans, va venir remettre en cause toutes les règles strictes du domaine et lui montrer qu’il y a peut-être autre chose à l’extérieur. Ainsi, dès lors que cette jeune fille vient perturber cet équilibre d’apparat, tout vacille et Elena (une beauté froide magnifiquement interprétée par Francesca Cavallin) perd pied, décidant de changer les codes en devenant de plus en plus sévère avec son descendant direct lui imposant de faire des choses qu’il n’a pas envie d’effectuer, mais surtout lui intimant l’ordre de faire des choix douloureux et forcément pour le bien du « domaine » !

Rappelant aussi bien esthétiquement (cf. la demeure victorienne lugubre) que par son ambiance les plus belles heures de "Les autres", chef-d’œuvre d’Alejandro Amenabar auquel il ressemble beaucoup, ce film transalpin nous interpelle dès les premières séquences : pourquoi ces gens sont-ils enfermés quasi volontairement dans cet endroit ? S’agit-il d’une secte ? Préparent-ils tous Samuel à un destin des plus funestes ? Sommes-nous en plein mensonge comme dans "Le village" de Night Shyamalan ? Forment-ils une société secrète désirant apprendre quelque chose de fondamental comme dans "Martyrs" ou bien un club singulier aux motivations tout aussi énigmatiques comme dans "Je suis vivant" ? Ces questions nous tarauderont jusqu’au bout et ne trouveront pas vraiment de résolution satisfaisante tant la fin est décevante au possible car malvenue. Elle vient ainsi assombrir le climax, formidable jusque-là et qui nous avait presque fait oublier certaines incohérences scénaristiques (qui a accroché la corde suspendue à 10 m dans un arbre ?), des pistes amorcées et non exploitées (quid du liquide que le docteur injecte à Samuel afin de le paralyser et de le rendre docile ?), voire quelques séquences un poil trop longues.

Tout cela est fort dommageable car l’atmosphère austère de cette maison était bien rendue et lui conférait presque le statut de protagoniste à part entière, les acteurs étaient tous très bons (des deux adolescents aux adultes dont le patibulaire médecin de famille et l’angoissante marâtre omnipotente), la mise en scène était de très bonne facture car arrivant à nous faire ressentir ce sentiment d'enfermement aussi bien visuellement que d’un point de vue sonore (aucun son ne semblait en effet provenir de l’extérieur, une fois les fenêtres fermées !), que seule la reprise de la chanson des Pixies (« Where is my mind? ») jouée au piano par Samuel vient rompre lors d’une scène magnifique avec Denise qui danse et Elena qui observe tout ce petit manège du haut de sa tour d’ivoire en fomentant des représailles qu’on devine efficaces pour ne pas dire définitives !

Pour conclure, même si ce film est une belle découverte de ce que le cinéma italien peut actuellement proposer en termes de métrage fantastique et qu’il ne manquera pas d’interroger les spectateurs sur les notions de liberté et de libre arbitre en pleine période de (dé)confinement, sa fin viendra anéantir tout le travail fait antérieurement par Roberto De Feo, jusque-là réalisateur de courts-métrages, car elle arrive comme un cheveu sur la soupe et s’apparente à un Deus ex machina qui sort on ne sait d’où !

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Bande-annonce
Note
3
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Vincent Duménil