Freaks out

Freaks out

En 1943, Rome est sous occupation nazie et accueille un cirque dans lequel travaillent des phénomènes de foire : Matilde, Cencio, Fulvio et Mario. Alors qu’Israel, le propriétaire du cirque, se fait attraper par des soldats allemands lors d’une rafle, nos quatre amis vont tout faire pour le libérer. Une missions qu’ils vont devoir accomplir tout en se protégeant d’un pianiste renommé, Franz, travaillant pour le Grand Cirque de Berlin car ce dernier, ayant comme don de voir l’avenir, souhaiterait s’accaparer des quatre « monstres de foire aux pouvoirs surnaturels » pour en faire cadeau au Führer Adolf Hitler.

Freaks out | Freaks out | 2021

L'AVIS:

Ah Gabriele Mainetti ! Avec des cinéastes tels que Lucky McKee et Sean Byrne, il fait assurément partie de ces réalisateurs que votre rédacteur suit avec beaucoup d’intérêt, leur talent étant selon lui indiscutable.
Avec son superbe "On l’appelle Jeeg Robot", le cinéaste italien avait su nous faire vibrer en festival, allant d’ailleurs chercher de nombreux Prix comme le Grand Prix à l’Etrange Festival 2016, le Silver Scream Award au Festival du Film Fantastique d’Amsterdam 2016 ou encore le Prix du Jury à Gérardmer en 2017. Mais surtout Gabriele Mainetti était à ce moment-là devenu une véritable star dans son pays car le film avait été un énorme succès transalpin avec plus d’un million d’entrées au cinéma en Italie et 7 David Di Donatello remportés lors des Donatello 2016 (l’équivalent des Césars dans le pays en forme de botte).

Après tant d’émotions devant ce premier film, quelle joie de retrouver le réalisateur scénariste (mais également compositeur) pour ce second long-métrage intitulé "Freaks out" qui a lui aussi brillé en 2022 aux David Di Donatello avec 6 récompenses dans son pays ! Présenté en Compétition officielle à la Mostra de Venise entre autres, "Freaks out" remportera notamment le Prix du Public au NIFFF (Festival de Neuchâtel, le festival de cinéma fantastique suisse), preuve que le cinéaste a convaincu une fois de plus son auditoire.

Devant tant de récompenses et après vous avoir fait (re)découvrir il y a quelques années "On l’appelle Jeeg Robot" en retour de festival vosgien, impossible pour votre rédacteur de ne pas se plonger dans ce nouvel univers créé par Gabriele Mainetti et Nicola Guaglianone.

"Freaks out" c’est avant tout une histoire de freaks (les monstres de foires) originale car transposée dans une Italie sous occupation nazie. A ce titre, nous retrouvons là deux Mondes que tout oppose : d’un côté l’horreur nazie avec ses soldats exécutant sans la moindre pitié le moindre résistant au Troisième Reich, acheminant les malheureux juifs vers des camps lors de rafles musclées et soudaines et glorifiant sans cesse le Führer ; et d’un autre côté le merveilleux et le fantastique avec le Monde du cirque (qu’il soit italien ou allemand), ses phénomènes de foire aux particularités surprenantes, ses rires et émerveillements dans les tribunes et ses spectacles tout en couleurs et en surprises.
Deux Mondes qui cohabitent ici dans "Freaks out", ce qui en fait une singulière histoire fort passionnante dans laquelle nous comprenons que le cirque peut être vu tantôt comme une façon d’échapper à cette triste époque (on vient rire et se détendre pour oublier les horreurs de la guerre mais malheureusement le spectacle de début de film se termine par un bombardement violent) tantôt comme une façon de glorifier le Führer et montrer la toute Puissance Allemande (la Haute Bourgeoisie et les gradés du Troisième Reich sont présents dans les tribunes pour assister à un spectacle qui se termine ici non pas par des fusillades et des bombardements mais par des applaudissements et un feu d’artifice).

Mêler le fantastique, avec nos quatre freaks aux particularités bien singulières (un homme-loup à la force herculéenne, une jeune fille aux pouvoirs électriques surprenants, un jeune homme pouvant communiquer et diriger les insectes qui nous entourent et enfin un petit bonhomme aux pouvoirs magnétiques), à l’occupation nazie donne forcément de bien savoureuses scènes, d’autant plus quand leur principal ennemi, un nazi musicien dans un cirque, a lui aussi un don : celui de voir l’avenir. Le lien est vite trouvé entre ces deux camps : d’un côté nous avons nos freaks qui veulent libérer leur patron juif des griffes des nazis et de l’autre nous avons notre pianiste fasciste qui souhaite mettre la main sur les freaks pour les offrir aux Führer car il est persuadé que ces derniers leur feront gagner la guerre grâce à leurs pouvoirs surnaturels.
Deux univers qui s’imbriquent donc parfaitement dans le film de Gabriele Mainetti, entre scènes de combats armés (les nazis devront certes lutter contre nos freaks et leurs pouvoirs mais également contre une bande de résistants estropiés antifascistes armés jusqu’aux dents et prêts à en découdre dans le sang), scènes de cirque (la joie des artistes dans les loges, les spectacles endiablés qui viennent apporter au contraire rire et détente) et séquences dramatiques (les séparations douloureuses lors des rafles, les morts sous les balles ennemies…).

Et tout cela en plus de 2h ! Mais 2h15 qui passent à une vitesse dingue tellement nous sommes immergés dans ce Monde si riche en paysages, dans cette histoire aux péripéties si nombreuses et dans ces relations entre personnages si passionnantes (cette rencontre salvatrice entre Matilde et une bande antifasciste menée par un bossu hargneux et déterminé ou encore la façon dont les trois autres freaks sont incorporés dans le Grand Cirque de Berlin nous gratifieront de passages mémorables).

2h15 durant lesquels Gabriele Mainetti nous exposera une galerie de personnages atypiques mais parfaitement ancrés dans l’histoire qui nous est contée et interprétés avec justesse par un casting solide. Comme dans son premier film, le cinéaste italien et son co-scénariste s’amusent à nous distiller de nombreux détails fort amusants par le biais de leurs personnages (le membre surdimensionné du petit homme aux pouvoirs magnétiques qui passe son temps à se masturber, Franz le pianiste qui excelle dans son métier peut-être grâce aux six doigts qu’il a à chaque main et qui ne parvient à utiliser son don de voir l’avenir qu’en se droguant à l’éther, les nazis qui compare plus notre homme-loup à un homme-chien…) bien que le contexte soit des plus dramatiques dans ce second film.

Là encore, après "On l’appelle Jeeg Robot", notre cinéaste et son compère Nicola Guaglianone (la même paire gagnante que pour le premier film rappelons-le) s’amusent à détourner les films de super-héros pour s’éloigner de tous les Marvel et DC Comics qui peuplent le box office américain et européen, toujours avec ce grain d’originalité et d’humour qui leur sont propres à tous les deux.
Par ailleurs, on notera quelque chose de très intéressant et amusant qui montre une fois de plus toute l’imagination débordante de nos deux scénaristes : le parallèle qui peut être fait entre nos quatre freaks et les personnages de l’histoire du Magicien d’Oz. Alors que le lion peureux s’apparenterait à notre homme-loup, l’homme de fer-blanc serait notre homme-aimant, Dorothée serait Mathilde et enfin l’épouvantail serait notre homme pouvant communiquer avec les insectes (d’ailleurs ses cheveux mal coiffés et son côté un peu craspouille collent parfaitement au personnage de l’homme de paille).

Enfin, le travail apporté sur les décors, les costumes, la photographie et les effets spéciaux permettent une parfaite immersion dans ce Monde à la fois féérique et dramatique. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le film repartira des David Di Donatello avec le Prix de la Meilleure Photographie, du Meilleur Décorateur, du Meilleur Coiffeur, du Meilleur Maquilleur et des meilleurs effets visuels…

Quand la féérie du cirque vient se faire percuter de plein fouet par la puissance nazie, le tout sous des rafales de balles et des démonstrations de pouvoirs surnaturels, vous obtenez "Freaks out" ! Navigant sur bien des thématiques (Histoire, drame, comédie, action, fantastique…), le film de Gabriele Mainetti, écrit avec son acolyte Nicola Guaglianone une fois de plus, fait à nouveau l’effet d’une petite bombe dans la sphère cinématographique. Merci Monsieur Mainetti ! Nous attendons votre prochaine collaboration avec impatience il va sans dire.

Freaks out | Freaks out | 2021
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Bande-annonce
Note
5
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David Maurice