American Horror Story (saison 4)
American Horror Story - freak show
Les coulisses d'une troupe de forains dans l'Amérique profonde des années 1950...
L'AVIS :
En se lançant dans le concept des saisons indépendantes, American Horror Story revoyait le média télévisuel avec panache, esquivant l’usure par la réinvention. Pourtant, force est de constater que Coven fut la première saison a autant diviser ses spectateurs, brassant bon nombre de non conquis avec des fans de premier ordre (en particulier le public lgbt), qui en firent vite la saison la plus culte à grands coups de meme.
Du coup, Freak show s’annonçait comme un retour vers des sujets aussi riches que dérangeants, et surtout vers le passé : à la modernité, moins enrichissante il est vrai, de Coven, cette nouvelle saison plante sa tente dans les années 50, dans une Floride poisseuse et étouffante. Bienvenue à Jupiter, où le freakshow de Elsa Mars tente sa chance, à quelques pas des marécages…
L’homme phoque, la femme à barbe, l’homme-homard, la plus petite femme du monde, la danseuse à trois seins…diva allemande recrutant les âmes perdues du monde, Elsa Mars dirige son cirque avec un curieux mélange de tendresse et de violence, cherchant à tourner les spotlights sur elle dans l’espoir de devenir une star aimée de tous. Mais ce n’est pas l’arrivée de deux sœurs siamoises (Sarah Paulson, dans une double prestation inhabituelle !) qui va arranger son ego.
En parallèle, deux fauteurs de troubles viennent s’immiscer dans le cirque, un clown psychopathe terrorise la région (tournant fatalement la police vers le freakshow) et un mystérieux gosse de riche vient tourner autour de la troupe. Autant dire que le spectacle aura vite fait de ne plus avoir lieu sur scène…
Parce que la série sondait déjà depuis la première saison la part sombre de l’homme, le choix d’une troupe de freaks paraissait couler de source depuis la naissance même du show ! Le choix de l’époque n’a rien d’un hasard, l’Amérique amidonnée des 50’s se frottant bien mal à l’univers baroque de ses créatures, qui canalise l’hypocrisie humaine, le voyeurisme et l’intolérance. La leçon, un peu galvaudée, est illustrée sans détour : le plus beau est accessoirement le plus monstrueux de tous. Et les laids sont d’une beauté éclatante.
Si on avait compris, avec Coven, que le sens de l’atmosphère n’était plus le fort de la série, Freak show est pourtant une sacré déception. Là où les saisons précédentes possédaient un fil conducteur solide (s’échapper de la maison hantée / quitter l’asile / découvrir la suprême), ce nouvel opus ne propose aucun enjeux viables, se déroulant comme un rouleau de papier qu’on aurait fait dégringoler dans les escaliers. La seule qualité de cette mécanique en roue libre reste sans doute l’imprévisibilité des événements, auquel la série nous a toujours habitué.
Alors que Jessica Lange a un mal fou à apporter des nuances à son personnages (hormis son accent allemand, on a l’impression de voir un best-of de ses anciennes prestations : on espérait mieux pour une dernière) qu’on passe comme toujours le temps à adorer puis à détester, les personnages se révèlent bien moins passionnants qu’à l’accoutumée : Emma Roberts fait décoration, le numéro de Neil Patrick Harris en magicien psycho lasse bien vite, la pauvre Gabourey Sidibe joue les victimes de circonstance, Even Peters n’intéresse pas un brin en brave gars, le clown Twisty est très vite sacrifié…
Avec son arc dramatique défaillant, la saison captive le temps d’un épisode ou deux puis lasse, adoptant un rythme en dent de scie éreintant : malgré le cota de gore, de fantaisies (un épisode renvoyant sans grande originalité à Freaks, une citation rigolote de Halloween) et de rebondissement (des personnages dégagés sans sommation, mais qui au contraire de Murder House ou de Coven, ne reviennent plus), on s’ennuie. Submergés de freaks (dont certains authentiques), Murphy contourne même l’utilisation des mythes, hormis celui d’Edward Mordrake (dont l’apparition magique et fulgurante rappelle les meilleurs moments de La Foire des ténèbres) et du ventriloque schizophrène.
Un vrai manque d’énergie pouvant s’expliquer sans doute par le fait que Murphy concentre toutes ses forces sur Dandy, la star de la saison incarnée par Finn Wittrock, nouveau dans l’écurie AHS. À la croisée de Norman Bates (sa mère, incarnée par une Frances Conroy larguée donc géniale, le couve à outrance), de Jeffrey Dahmer (il drague dans les bars gays) et de Patrick Bateman (culte du corps à tout va), ce personnage de serial-killer né avec une cuillère d’argent dans la bouche épate dans sa décontraction hystérique, ses manières de petit garçon et son sadisme outrancier, finissant par vampiriser tout ce qui gravite autour de lui. Magnétique et hilarant, il se réserve alors à lui seul les moments les plus bizarres de tout Freak show. Une manière pour Murphy de s’amuser aussi avec les archétypes des « vilains homos » de Hollywood, entre la sassy psycho (soit la « méchante tapette »), le fourbe moustachu (Denis O’Hare en plein revival de son personnage de True Blood) ou l’homo violent refoulé (Michael Chicklis, offrant le personnage le plus grave et le plus ambivalent de la saison).
Il y a donc des choses à sauver… comme toujours avec Murphy. L’apport le plus attendu par exemple se révèle être la connexion enfin établie avec les saisons précédentes, ou du moins surtout avec Asylum : le personnage de Pepper, qui se verra réserver un épisode absolument bouleversant (de loin le meilleur de la saison), sert en effet de passage entre le cirque et Briarcliff, les époques offrant une possibilité de jumelage. Quant au passé des personnages de Massimo et d’Elsa (illustrés dans de beaux flashbacks décadents façon « Berlin Horror Story »), il offrira la possibilité de glisser un autre personnage d’Asylum dans l’image, mais plus dans le registre du clin d’oeil complice.
Autre coquetterie : les quelques passages musicaux, hommage volontaire à Moulin Rouge (et à Glee) où Murphy fait pousser la chansonnette à ses personnages sur scène, de préférence avec des titres anachroniques (David Bowie, Lana del Rey, Nirvana…). Si l’idée est vite abandonnée au cours de la saison, les quelques moments, surtout reversés à Jessica Lange, offre de vrais moments de grâce bling-bling.
Avec l’arrivée de "American Crime Story" (son versant policier donc) et de "Screams Queens", on a pourtant peur que Ryan Murphy laisse vite son bébé se transformer en monstre peu recommandable (tout comme Glee ou Nip/Tuck, dont la qualité a bien chuté après leur troisième saison)
La saison 5, annonçant (déjà) un vrai virage, inquiète plus qu’elle ne ravie.