Abimes
Below
Après les surprises que constituèrent "The arrival" et "Pitch Black", on aurait pu penser que David Twohy allait devenir une référence du genre, et que la confiance des distributeurs et du public lui serait acquise. Il n'en alla pas du tout ainsi. Aux USA, la promotion de "Abîmes" fut quasi inexistante, et le film ne resta à l'affiche que quelques jours ; et ce ne fut guère mieux en France, où le DVD n'est enfin sorti qu'en 2004… Pourquoi ? Sans doute en raison d'une réalisation trop sobre pour les mangeurs de grand spectacle. Pourtant, sans se hisser au niveau d'un chef-d'œuvre, "Below" est dans sa catégorie une petite perle à découvrir d'urgence.
Août 1943, quelque part dans l'Atlantique. Le sous-marin américain Tiger Shark, commandé par le lieutenant Brice (Bruce Greenwood), reçoit l'ordre de secourir les survivants d'un bateau coulé par une torpille. Tandis qu'ils s'exécutent, des navires allemands approchent, obligeant une immersion rapide. Les rescapés sont trois, dont une femme médecin, Claire Paige (Olivia Williams). Le silence complet établi afin d'échapper à la détection des sonars ennemis est soudain rompu par la musique d'un tourne-disque en cabine jouant du Benny Goodman. Repéré, le Tiger Shark subit une attaque. Qui a mis en péril le navire et son équipage ? Une menace insidieuse sévit à bord du sous-marin, et le danger ne vient plus seulement de l'extérieur…
Nul doute que David Twohy en aura contrarié plus d'un ! En situant son histoire durant la Seconde Guerre Mondiale, à bord d'un sous-marin comme dans "A la poursuite d'Octobre Rouge" ou le récent "U571", le réalisateur de "Pitch Black" laissait augurer des scènes de guerre et d'action spectaculaires… qui n'auront pas lieu. Ici l'atmosphère et l'angoisse priment, et les attaques, peu nombreuses, auquelles nous assistons dans "Abîmes", sont celles que subit l'USS Tiger Shark, Twohy nous faisant d'ailleurs découvrir des méthodes d'agression pour les sous-marins que sans doute peu de spectateurs connaissaient auparavant. L'une des qualités du film réside dans cette façon d'exploiter les particularités de la vie militaire sous-marine. Au-delà de la lumière rouge bien connue, Twohy utilise des aspects inédits, sans toutefois s'y attarder, car il ne s'agit pas d'un techno-thriller.
Tout comme les rescapés, nous découvrons un univers clos régi par des lois et des habitudes bien définies, déjà en soi propice à l'inquiétude… Et rien ne va plus si les habitués eux-mêmes s'avèrent dépassés par le cours des événements !
Un spectre mystérieux cherchant à mettre le navire en péril, une culpabilité inavouée, on pourra dire que le sujet, en définitive, est très classique, surtout au moment du renouveau (pas très nouveau…) du thème des fantômes. Et de fait, la découverte du fin mot de l'histoire n'aura pas de quoi vous clouer au fauteuil. Tout réside donc dans la manière de raconter l'histoire, de la mettre en scène. Sur ce point, Twohy est vraiment étonnant. Sa réalisation fluide n'appuie pas sur le trait. Aucune esbrouffe, mais en quelques plans et angles bien choisis, le doute, la peur ou l'effroi vous sautent à la figure. Ajoutez-y une direction d'acteurs remarquable, des dialogues sans lourdeur, et une photographie splendide qui restitue parfaitement la froide obscurité de cet univers sous-marin, et vous pardonnerez aisément à "Abîmes" de ne pas être un monument d'originalité.
Compte tenu que ce manque d'originalité est souvent accompagné d'une réalisation bien moins aboutie dans la plupart des films de fantômes récents, on se demande bien en quel honneur "Below" n'a pas reçu les éloges qu'il méritait. Toujours est-il qu'en s'offrant ce détour qu'on pourrait qualifier de "Quiet Horror", David Twohy indique à qui le voudra que son registre est loin d'être épuisé, faisant preuve d'une maîtrise que bien d'autres pourraient lui envier.
* Anciennement intitulé "Proteus".