Carny
Carny
Dans une petite bourgade du Nebraska, le shérif Atlas vient faire son inspection de routine auprès d'un cirque ambulant fraîchement débarqué en ville. Mais l'arrivée de ces spécialistes du divertissement ne plait pas à tout le monde, et surtout pas à Owen, prêcheur fondamentaliste local, pour qui ces attractions et cet étalage de freaks sont source de malheurs et contraires aux desseins du Tout-Puissant. Pendant ce temps-là, Cap, le patron du cirque nomade et crapule de la pire espèce, vient, afin de renflouer le tiroir-caisse et d'attirer le plus de monde possible, de faire l'acquisition de façon non orthodoxe d'une étrange créature. Seulement voilà, le soir de la première représentation, le monstre parvient à se défaire de ses chaînes et s'échappe de sa cage, avant de disparaître dans la nature. La police locale commençant à être dépassée par les événements alors que l'animal laisse des corps inertes et mutilés partout sur son passage, décide de faire appel aux habitants du cru, afin de l'anéantir. Mais, parmi eux, certains y voient l'aubaine de récolter un sacré paquet de fric si jamais ils le capturent vivant. La bébête se laissera-t-elle faire ?
La culture du navet, vous connaissez ? Eh bien moi je commence à être un spécialiste de ce type de récolte. Pourtant, ça se voyait à cent kilomètres que ce "Carny" était un énième nanar et les indices disséminés çà et là auraient dû me mettre sur la piste : une bande-annonce laissant augurer les pires effets spéciaux qui soient, un scénario à l'avenant et pas très novateur, un réalisateur déjà responsable d'un "Kaw" de sinistre mémoire pompant allègrement "Les oiseaux" et surtout le fait qu'il ne soit jamais sorti en salles et qu'il constitue un ixième direct-to-video devant probablement finir sa vie dans tous les vide-greniers de France et de Navarre qui se respectent. Mais non, c'est plus fort que moi, il a fallu que je vérifie de mes propres yeux l'étendue des dégâts. Bien mal m'en a pris !
Carny (à ne pas confondre avec le film éponyme de 1980 narrant les aventures de jeunes gens, Jodie Foster en tête, durant un carnaval) est ce type de petite production dont on n'attend rien et qui, au final, eh bien…n'apporte rien ! Le film de Sheldon Wilson (qui à une époque révolue a pourtant réalisé un surprenant et potable "L'écorché") aurait pu en effet constituer une sympathique série horrifique avec un monstre assez convaincant…si on était encore dans les années 80 ! De plus, le scénario ne brille pas par son originalité, les seconds rôles cabotinent à mort et le dénouement, à défaut d'être surprenant, est assez ridicule.
Pourtant, ça ne commençait pas si mal. Durant la première partie du métrage, tout comme le shérif Atlas, nous faisons la visite guidée de ce cirque ambulant aux allures de fête foraine où se côtoient différents monstres de foire. Là, au même titre que l'homme de loi, nous sommes à la fois fascinés et inquiets face à une telle galerie de "freaks". Mais il faut avouer qu'elle est plutôt réussie et que les maquillages sont relativement bien faits. On a ainsi pêle-mêle : une lilliputienne, une femme-léopard, un géant aux grandes oreilles sorte de cousin lointain de "Cynoque" vu dans "Les Goonies", un homme tatoué, une adepte des piercings en tous genres, ainsi qu'une espèce d'hydrocéphale aussi beau que certains résistants dans "Total recall" ou bien alors petit frère d'"Elephant man", c'est selon son degré de laideur. Seuls une diseuse de bonne aventure, le gérant du cirque et son homme à tout faire paraissent d'apparence "normale". Toutefois, le tout est traité sans voyeurisme mal placé et l'on redoute juste le look de la créature à venir. Et l'on fait bien ! Le monstre en question est le diable de Jersey, une espèce de gargouille croisée avec un dragon pas plus grande qu'un mouton avec des ailes de chauve-souris, rapide comme l'éclair et dotée d'un féroce appétit envers…l'être humain ! Dit comme ça, elle n'a pas l'air trop mal notre bébête ! Mais que nenni ma bonne dame, ses apparitions à l'écran sont parcimonieuses, et pour cause : les effets spéciaux sont catastrophiques et notre bestiole faite d'images de synthèse détectables à l'œil nu est proprement ratée. Ajoutons à cela une absence totale de plans gore, excepté pour la découverte des corps mutilés des victimes, et vous aurez compris comme moi que le budget était limité. Au même titre d'ailleurs que tous les segments de la série "Maneater" produite par RHI Entertainment pour la chaîne de science-fiction Syfy. Cette franchise inclut également des titres aussi alléchants que : "Blood monkey", "Grizzly rage", "Shark swarm", "Sand serpents", j'en passe et des meilleurs. Bref, que du très lourd !
Tourné à Ottawa (au Canada) pour la télévision, Carny présente, en outre, des personnages peu intéressants hormis peut-être le gérant du cirque. Celui-ci est en effet cupide, manipulateur donc détestable à souhait et parvient, le temps de certaines scènes, à éclipser le monstre carnivore (est-ce d'ailleurs pour l'appétit féroce de la bête que le film a été renommé ainsi chez nous, au lieu d'un "Carnival" moins accrocheur ?). Pour le reste du casting, on a : Quinn (aux faux airs de John Carpenter), l'homme de main de Cap, le faire-valoir stupide et insipide par excellence, Owen, le prêcheur qui en fait trop et énerve un maximum avec son prosélytisme de bas étage, de bons rednecks locaux aussi demeurés qu'influençables et le (faux) couple formé par Atlas le flic incarné par Lou Diamond Phillips (qui reprend quasi le même rôle que dans "Bats, la nuit des chauve-souris" et venu probablement cachetonner…) et Samara la voyante, qui ne flirtent même pas et ont vraiment l'air de s'ennuyer à mort, tout comme nous d'ailleurs !
Car oui, c'est vrai, à la vision de ce film, on s'embête ferme ! Le scénario (une simple chasse au monstre dans les bois), les personnages (autant les principaux que les secondaires, voir plus haut) et même les mises à mort sont basiques et prévisibles au possible. Ce ne serait rien si les effets spéciaux et les prestations des acteurs tenaient la corde. Seulement voilà, il n'en est rien : la créature est grotesque de par sa petite taille et les acteurs, quand ils ne cabotinent pas à outrance, ont l'air de se demander ce qu'ils sont venus faire là et nous avec ! Ainsi, tout est cliché tellement ça nous semble familier et recyclé maintes fois, l'inspiration et la créativité n'étant pas au rendez-vous. Si bien qu'au bout d'un moment, le désintérêt croît rapidement et que la bave à la commissure des lèvres, on se réveille au bout de vingt minutes en demandant à la cantonade : "Hein ? Quoi ? J'ai raté un truc ?". Les films comme celui-ci sont vraiment une perte de temps : pour celui qui les regarde, pour ceux qui les font et surtout pour ceux qui les produisent car eux ont investi beaucoup plus que nous ! Mais à quoi pensaient-ils ? Probablement juste à réaliser un petit téléfilm pour la TV canadienne, financé avec peu de moyens comme ça ils pourront en faire d'autres en réutilisant certains décors et autres stockshots. Bref, on produit à la chaîne des métrages aussi fades qu'un épisode de "X-Files" moyen et on donne ça aux petits ricains décérébrés. "Eh bien nous ne mangeons pas de ce pain-là oncle Sam, nous les esthètes européens, il nous en faut plus ! Oh, pas forcément du chef-d'œuvre, mais au moins un film que l'on n'a pas l'impression d'avoir vu cinquante fois dans notre vie de cinéphile averti !"
Vous l'aurez aisément compris si vous m'avez lu jusqu'ici, Carny n'est pas formidable, loin de là et ne suscite que très peu d'émotions, à part une lassitude certaine. Tout dans ce film sent le déjà-vu à pleins naseaux et on aurait pu trouver cela sympathique si justement c'était un des premiers du genre que l'on ait visionné ou si on était encore dans les eighties. Seulement ce n'est pas le cas, et surtout on ne la fait pas aux lecteurs d'Horreur.com, spécialistes avertis en tous genres. Alors à ces pros je leur conseille de ne pas visionner ce métrage, il est vraiment trop médiocre ou alors jetez un bref coup d'œil au début sur la galerie de freaks, seul intérêt du film et encore il ne faut pas trop faire la fine bouche. En revanche, pour les néophytes restés très attachés aux brushings et au disco, n'hésitez pas, vous pourriez trouver votre bonheur, surtout en ce qui concerne la fin, hyper rare…en 1980 !