You Won’t Be Alone
You Won’t Be Alone
Dans la Macédoine du XIXe siècle, une jeune fille est enlevée puis transformée en sorcière par un esprit ancien. Curieuse de la vie en tant qu’humain, la sorcière tue accidentellement un paysan du village voisin et prend alors la forme de sa victime pour vivre dans sa peau...
L'AVIS :
Dans les montagnes reculées de la Macédoine du XIXe siècle, "You Won’t Be Alone", premier long-métrage de Goran Stolevski, nous transporte dans un univers à la fois cruel et envoûtant. Ce conte sombre, empreint de poésie viscérale, s’inscrit dans la tradition du folk horror en capturant l’essence brute et mystique de la vie rurale.
Tourné en langue macédonienne, "You Won’t Be Alone" s'inscrit pleinement dans le folklore local, où la nature et les croyances ancestrales prennent une dimension à la fois magnifique et terrifiante. Les montagnes isolées deviennent un lieu de magie et de malédiction, où le surnaturel s’immisce dans le quotidien. L’histoire suit Nevena, une jeune fille arrachée à son humanité par Maria, une sorcière métamorphe que l’on surnomme «La Dévoreuse de Loups». Après avoir coupé la langue de Nevena, Maria la transforme en sorcière, condamnant la jeune fille à une existence marquée par une voix intérieure puissante et silencieuse. Cette nouvelle existence, à la croisée du maléfique et du merveilleux, pousse Nevena à comprendre l’humanité d’une manière inédite : en revêtant littéralement la peau des autres.
Ce procédé narratif évoque les contes oraux, où les transformations physiques sont autant de métaphores puissantes. Ici, chaque mue de Nevena est un passage initiatique, une exploration brutale et poétique de la condition humaine. Le film résonne comme une ballade ancienne, nourrie par les mythes et les superstitions rurales, où la magie incarne à la fois la peur et le désir collectif.
La mise en scène de Goran Stolevski est d’une beauté envoûtante. Chaque plan semble sculpté par la lumière et l’ombre, rappelant les œuvres contemplatives de Terrence Malick. Les paysages naturels, tout comme les visages et les gestes des personnages, sont filmés avec une intimité presque tactile, rendant palpable l’étrangeté et la rudesse de ce monde. Les moments de silence, les murmures du vent dans les arbres ou le crépitement d’un feu de bois, participent à une atmosphère chargée de mystère.
Les interprètes, quant à eux, livrent des performances d’une intensité remarquable. Chaque acteur incarne une facette unique de Nevena tout en préservant une cohérence subtile dans sa quête d’humanité. Parmi eux, Noomi Rapace brille par une interprétation à la fois viscérale et poignante, malgré une présence à l’écran plus restreinte que ce que l’on pourrait attendre. Ce choix, loin d’être un défaut, amplifie le caractère choral du récit en mettant l’accent sur la multiplicité des perspectives humaines. Rapace marque néanmoins chaque scène où elle apparaît d’une profondeur émotionnelle inoubliable.
"You Won’t Be Alone" n’est pas seulement un film ; c’est une expérience sensorielle et émotionnelle. Il transcende le genre pour devenir une réflexion universelle sur la transformation, la solitude et la beauté tragique de la vie. La sorcellerie y est bien plus qu’un motif fantastique : elle devient une métaphore puissante de la résilience et de l’évolution. Une œuvre singulière, effrayante et exaltante, qui invite à se perdre dans la magie sombre des contes d’autrefois.