Wake up
Wake up
Une bande de jeunes activistes décident de saccager un grand magasin de meubles afin de protester contre la déforestation et la destruction de l’habitat naturel de nombreuses espèces animales. Mais une fois sur place ils vont faire la rencontre de l’un des gardiens de nuit, grand amateur de chasse et fort impulsif…
L'AVIS:
Le collectif RKSS, composé de François Simard, Anouk Whissell et Yoann-Karl Whissell, a déjà à son actif quelques films que vous connaissez peut-être comme "Turbo kid", "Summer of 84" et "We are zombies".
Des films qui ont tous la particularité d’avoir un petit capital sympathie auprès de la grande communauté des fans de cinéma fantastique et de ne pas trop faire dans la scénarisation complexe, permettant à toutes et tous d’en profiter sans faire appel à ses neurones.
Un autre point commun que beaucoup de gens ont décelé dans leurs premiers films, c’est de toujours placer la jeunesse au cœur de l’action, plus particulièrement dans un contexte révolutionnaire, de rébellion (soulèvement contre l’industrie pharmaceutique et les multinationales dans le milieu médical, contre la Police ou contre le Gouvernement tout simplement…), en nous présentant des jeunes personnages en lutte contre le système établi.
Rebelote avec ce quatrième long-métrage intitulé "Wake up" qui cette fois-ci se déroule à notre époque et nous plonge en plein consumérisme dans le monde du mobilier. Rapidement la fameuse chaîne Ikea et ses semblables sont pointés du doigt (ce grand magasin dans lequel se déroule 100% du film est fortement inspiré du concept du géant suédois) et les arguments pour donner des motifs à nos jeunes activistes sont énoncés (déforestation et destruction de l’habitat naturel de nombreuses espèces, fermetures de la petite concurrence face à ces mastodontes du mobilier, surconsommation et rétention de la clientèle en proposant nombreux avantages et activités au sein du magasin…).
Ce qui semble être ici au départ une critique de la surconsommation dans le monde du mobilier va rapidement faire un virage à 180° pour finalement nous montrer que le Capitalisme aura très souvent le dessus sur tous ces collectifs et ces associations de lutte contre des systèmes jugés néfastes dans notre Société.
En effet, nous comprenons aisément la cause pour laquelle notre petit groupe de jeunes militent mais force est de constater que nous sommes face ici à un groupuscule d’amateurs sacrément désorganisés, pas assez matures, franchement très maladroits et finalement aux actions des plus ambigües.
Pénétrer dans un grand magasin et s’y planquer peu de temps avant sa fermeture de façon à pouvoir saccager ce dernier pendant la nuit en inscrivant à la bombe de peinture nombreux messages écologistes et en détruisant du mobilier, le tout filmé ou immortalisé sur photos à destination des réseaux sociaux… Tout cela tient la route sans aucun souci mais quand nos jeunes activistes se mettent à sortir toute l’artillerie pour faire un paintball en trois équipes de deux au sein du magasin, on perd tout le sérieux de ce projet pro-écolo. Les écologistes sont une fois de plus moqués pour leur pitrerie ou leurs excès ridicules pour une partie d’entre eux et c’est finalement une porte laissée grande ouverte pour que le Capitalisme et le Système de manière générale les fassent taire. Et survival oblige ici, les faire taire autrement que par les mots…
Car oui, outre son message écologiste de départ rapidement mis à mal volontairement par des jeunes personnages un brin écervelés et désorganisés dans leur quête, n’oublions pas que "Wake up" est un survival avec un tueur fou comme on les aime. Et c’est clairement lui qui va saccager tous les projets de cette petite bande de rigolos qui semblent être venus bien plus pour s’amuser entre eux que pour faire dans la lutte écologiste.
A ce titre, Turlough Convery (vu dans "Ready player one" et "Saint Maud") est très bon dans son rôle de gardien de nuit complètement timbré et incapable de se raisonner. Imposant de part sa silhouette, quelque peu négligé avec sa barbe peu soignée (cela rappellera par ailleurs à certains connaisseurs le personnage de Monty, personnage central du film à budget minimaliste "Delivery"), le personnage de Kévin est rapidement décrit comme un gros bourru, la menace implacable à venir pour nos petits activistes en herbe : incapable de maîtriser sa colère (il était sur le point d’être licencié après avoir mis sa matraque sur un gosse), il est d’ailleurs un gros adepte de chasse primitive (entendez par là chasser en forêt avec les moyens du bord, à la manière de nos ancêtres en pleine Préhistoire). Voilà quelques éléments dans sa description en début de film qui suffisent amplement à nous faire comprendre ce qui va se passer cette nuit dans cet ersatz d’Ikea.
Et ce film à petit budget a d’ailleurs le mérite de rentrer dans l’action très rapidement : pas de chichi, une fois nos personnages présentés on les enferme tous dans le magasin et le survival se met en place de manière assez fluide.
Cette difficulté pour Kévin à se canaliser va être mise à rude épreuve très tôt dans le film quand soudainement son frère (qui bosse avec lui et semble être le seul à pouvoir le calmer) se brise la nuque dans une altercation avec une jeune activiste. A partir de là, tout commence, tout dégénère dans la tête bouillonnante de notre gardien de nuit…
Avec son action en quasi temps réel, "Wake up" (qui dure environ 1h20) se montre plutôt dynamique dans sa première partie, aidé une fois de plus par une bande son toujours aussi entraînante dans les films du collectif québecquois RKSS.
Mais malheureusement, le film semble faire du sur-place une fois le décor monté et le survival activé… Mince.
Alors que nous aurions aimé une chasse haletante, des courses-poursuite endiablées parmi les meubles du magasin au parcours labyrinthique, nous nous retrouvons avec un gardien de nuit qui prend tout son temps, joue avec ses proies et se montre finalement assez peu menaçant. On retrouve là finalement le profil du parfait chasseur en forêt qui ne court pas dans tous les sens mais va plutôt analyser la situation et attendre patiemment que l’une de ses proies se montre. Sauf qu’ici on perd soudainement en rythme après une première partie remuante et c’est bien là le problème : un changement de tempo radical et un "Wake up" qui finalement risquerait de nous endormir (oh oh oh) du fait que l’action va pas mal traîner en longueur et que l’on attend impatiemment que le gardien attrape un jeune écervelé…
Et quand il met la main sur l’un d’entre eux c’est à nouveau une petite déception : les meurtres sont finalement assez peu imaginatifs (bien qu’il y ait un moment un petit sursaut de nous entraîner dans une élaboration de pièges ingénieux façon "Maman j’ai raté l’avion") et peu gores (rappelons que le film n’est interdit qu’aux moins de 12 ans) tandis que quelques scènes sont répétitives (je t’attrape et je t’accroche avant que quelqu’un ne te libère…).
Là où nous aurions préféré un survival bien décomplexé avec un tueur fou qui élimine de l’activiste à tout va, nous nous retrouvons avec un film bien trop gentillet malheureusement, ce qui retire tout le côté haletant/angoissant que nous recherchons dans ce genre de film.
La seconde déception, et de taille là aussi, nous vient de toutes ces incohérences scénaristiques qui plombent le film. L’exemple le plus flagrant est ce côté « indestructible » de certains protagonistes : nous pensons certains personnages morts ou à deux doigts de la mort et plus tard ces derniers se remettent à marcher dans le magasin. De la magie !
Et que dire des réactions douteuses de nos jeunes en proie à notre gardien de nuit ? Hormis le fait (comme déjà dit avant) qu’ils se lancent dans une partie de paintball dans le magasin alors qu’ils savent le site surveillé par des gardiens de nuit (ridicule…), ils vont se montrer bien trop lents dans les prises de décisions pour sauver leur peau une fois qu’ils se savent en danger. Et d’ailleurs, comme le propose l’un des activistes : il aurait mieux fallu se cacher dans le magasin et ne plus sortir de sa cachette jusqu’à l’arrivée des premiers salariés le lendemain matin. Bah oui je ne te le fais pas dire…
Au final, "Wake up" est selon moi le premier faux pas pour notre bande de québecquois.
Alors soyons honnête, "Wake up" n’est pas un mauvais film mais un film décevant, ce qui est complètement différent. En effet, il y a de bonnes choses dans ce film (un gardien de nuit timbré à souhait, une première partie énergique, un matériau de base intéressant avec cette critique du consumérisme dans un grand magasin de meubles dans lequel on se retrouve enfermé avec un chasseur difficile à canaliser) mais le film ne tient pas ses promesses et devient vite long et redondant en plus de proposer dans son scénario des incohérences de taille.
C’est vraiment dommage car nous aurions aimé voir une vraie chasse à l’Homme bien rude et palpitante dans ce grand Ikea…