Affiche française
Sorcières d'akelarre - les | Akelarre | 2020
Affiche originale
Sorcières d'akelarre - les | Akelarre | 2020
Un film de
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oui

Sorcières d'akelarre - les

Akelarre

Pays basque, 1609. Six jeunes femmes sont arrêtées et accusées d’avoir participé à une cérémonie diabolique, le Sabbat. Quoi qu’elles disent, quoi qu’elles fassent, elles seront considérées comme des sorcières par le juge Rosteguy de Lancre. Pour gagner du temps avant leur exécution, l'une d'entre-elles, Ana, a une idée : jouer le jeu, faire croire qu'elle est véritablement une sorcière et tenter d'utiliser les fantasmes du juge pour y parvenir...

Sorcières d'akelarre - les | Akelarre | 2020

L'AVIS :

C'est en lisant le livre La Sorcière de Jules Michelet, ouvrage qui fût longtemps interdit, ainsi qu'en faisant des recherches sur l'inquisiteur Pierre de Rosteguy de Lancre, magistrat français connu pour avoir participé à un épisode de chasse aux sorcières dans le Labourd, au Pays basque au XVIIème siècle, que Pablo Agüero a eu l'idée de mettre en scène Les Sorcières d'Alelarre. Un projet qui remonte à 2008 / 2009 mais qui, par manque de moyen financier et manque d'intérêt des producteurs (un film qui se passe au 17ème siècles ? pas très vendeur...) n'a finalement vu le jour qu'en 2020. Un retard énorme donc mais qui, au final, n'a pas été préjudiciable au film, bien au contraire. L'affaire Weinstein, le mouvement #MeToo, le mouvement féministe ont trouvé un écho au sein de l'histoire proposée par Pablo Agüero et le film est devenu une sorte d'emblème, d'étendard pour ces mouvements, prouvant que ce qui s'est passé au temps de l'obscurantisme religieux catholique est malheureusement toujours d'actualité, ce qui a fait la fierté du réalisateur. Ce dernier explique qu'il a avant tout voulu faire un film qui traite de la femme et des humiliations qu'elles ont subi face à la gent masculine, comment les hommes, au nom de Dieu, les ont malmené, les ont désigné comme étant la source du Mal, pervertissant le monde de par leur charme, leur jeunesse, leur sexualité dépravée. Des boucs émissaires qui ne faisaient, en réalité, rien de mal mais permettaient aux fantasmes masculins réprimés par l'ordre religieux de pouvoir s'exprimer. On ne compte plus le nombre d'exécution ordonnée par la Sainte Inquisition en ces temps terribles, où le simple fait de danser et d'être dénoncé pouvait vous envoyer au bûcher !

Les Sorcières d'Akelarre n'est rien d'autre que ça : ni pamphlet antireligieux, ni brûlot politique, même s'il en a néanmoins le goût et le fait à bon escient, il démontre juste comment six jeunes filles ne faisant que danser et chanter un chant traditionnel de marins (elles habitent dans un village de pêcheurs) se voient accusées d'être des sorcières et d'avoir pratiquer un Sabbat ! Ou comment la folie religieuse falsifie ou invente des preuves, des faits de sorcellerie qui n'existent pas, dans le seul et unique but de satisfaire les pulsions sexuelles refrénées des inquisiteurs. Le réalisateur l'explique d'ailleurs très bien : "Pierre de Lancre est en quelque sorte le créateur du mythe du sabbat des sorcières tel qu’on le connaît aujourd’hui. De tous les juges de l’époque, c’est le seul qui admet explicitement que ces jeunes filles, trop belles, trop libres, « l’ensorcellent ». Le cliché voudrait que ce soient de vieilles guérisseuses. Or l’ouvrage de Pierre de Lancre montre à quel point la chasse aux sorcières, comme tant de régimes totalitaires qui en sont les héritiers, s’est acharnée à réprimer la jeunesse, attribuant une origine diabolique à la beauté et à la sensualité des femmes."

Les films traitant de l'Inquisition sont nombreux, notamment dans le genre horrifique, où les exactions des juges et des bourreaux sont prétexte à montrer toutes sortes d'atrocités perpétrées sur de pauvres femmes innocentes; On pense bien aux grands classiques du genre, tels Le Grand Inquisiteur ou le cruel La Marque du Diable. Si on trouve une séquence de torture dans Les Sorcières d'Akelarre, le véritable propos du film n'est pas de jouer sur cet aspect répulsif mais bel et bien de montrer que le fantasme masculin est bien à l'origine de ces exactions. Et il le fait de manière intelligente, à travers le personnage du juge, très bien interprété par l'acteur Alex Brendemühl. On voit ainsi toute la dualité du personnage, se prétendant justicier de Dieu mais ne désirant qu'une chose : que la jeune Ana (sublime Amaia Aberasturi, une révélation) lui décrive dans les moindres détails le fameux Sabbat et les accouplements avec Lucifer, ce qui ne manque pas de l'émoustiller. Comprenant cela, la jeune fille va alors réussir à gagner du temps avant la sentence finale et jouer le jeu d'être une sorcière, répondant aux désirs implicites du juge en matière de descriptions et d'allusions sexuelles.

Le rapport de force s'inverse alors, Ana prenant le pouvoir face au machisme du juge et de ses partenaires. Le spectateur sait très bien que les six jeunes accusées ne sont en rien des sorcières. Il comprend donc très bien que le Mal véritable est du côté de la religion, véritable fléau des sociétés passées, présentes et à venir. La chasse aux sorcières trouvent donc ici un véritable écho à notre époque tourmentée et on constate avec tristesse que rien n'a changé, que tout se répète, encore et encore et que la condition de la femme n'a guère évolué face au diktat de la religion. Si le film se montre relativement contemplatif, il n'ennuie jamais et monte en puissance au fur et à mesure de l'avancée de l'histoire. Visuellement, Pablo Agüero nous propose de très belles images, avec un travail sur l'éclairage naturel vraiment superbe. Le final, avec la reconstitution du Sabbat, est un travail d'orfèvre. Ne cédant jamais au fantastique, Les Sorcières d'Akelarre reste ancré dans un réalisme cru, ce qui sert parfaitement son propos, et propose des images fortes et marquantes. Un très beau film, qui a récolté 5 Goya et de nombreux autres prix. Mérité.

Sorcières d'akelarre - les | Akelarre | 2020
Sorcières d'akelarre - les | Akelarre | 2020
Sorcières d'akelarre - les | Akelarre | 2020
Bande-annonce
Note
4
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Stéphane Erbisti