Heretic
Heretic
Deux sœurs mormones, Barnes et Paxton, passent la journée à faire du porte à porte pour promouvoir leur religion. Le soir venu, sous une pluie battante, elles toquent à la porte de Monsieur Reed, homme affable et cultivé qui les invite à entrer. Bien que méfiantes et précautionneuses, l'homme va réussir à les convaincre. Le piège va alors se refermer sur elles quand elles vont se rendre compte que leur hôte compte bien mettre en doute leur foi d'une manière pas très catholique (ni mormone)...
L'AVIS :
Les histoires de jeunes filles qui frappent à la mauvaise porte, on connaît. Parfois, ça finit en "The human centipede". Cette fois-ci, l’hôte qui reçoit deux sœurs mormones est un peu moins tordu que le docteur Heiter... Quoique. Plus porté sur la théorie que sur la pratique, le fameux Monsieur Reed se présente d'abord comme une personne cultivée et accueillante, bien que légèrement dérangeante. Rapidement, à coups de rhétorique et de sous-entendus, il montre que ses intentions ne sont pas celles d’un homme prêt à se laisser endoctriner par les deux missionnaires.
Au contraire, Reed est sacrément calé en religion et bien décidé à semer le doute dans l’esprit, encore en formation ou déjà bien formaté, des sœurs Barnes et Paxton. Perturbant, ouvert au dialogue mais subtilement manipulateur, il est difficile de cerner ses véritables intentions. Et c’est précisément cette ambiguïté, qui dure près de la moitié du film, qui en fait la partie la plus réussie.
Bien que verbeux, le métrage n’est jamais ennuyeux. Les scénaristes et réalisateurs Scott Beck et Bryan Woods parviennent à transformer un sujet potentiellement lourd en un moment à la fois instructif et divertissant. Le succès repose sur deux piliers. D’abord, la vulgarisation intelligente de thématiques complexes, habilement intégrées à des éléments de pop culture. Pendant les cinquante premières minutes, on se laisse happer par le discours de Reed, tout en comprenant aisément chaque idée. Plutôt malin et enrichissant, surtout pour ceux qui n’ont jamais creusé les origines des religions (comme l’auteur de ces lignes).
Le deuxième pilier, c’est l’interprétation magistrale de Hugh Grant. Avec son charme habituel, sa puissance rhétorique et une touche d’humour, il rend son personnage à la fois drôle et inquiétant. En face de lui, Sophie Thatcher et Chloe East livrent également d’excellentes performances, aussi bien dans leur jeu que dans la caractérisation de leurs personnages. Le trio fonctionne à merveille, chaque acteur jouant sa partition avec nuance, et le film n’hésite pas à faire évoluer les parcours des personnages au fur et à mesure de l’intrigue.
Après une première partie quasi-parfaite, la deuxième moitié du film devient plus compliquée. Les intentions de Monsieur Reed commencent à se dévoiler, et les réalisateurs doivent maintenant abattre leurs cartes pour conclure l’histoire. Si quelques twists surprenants et une révélation cohérente parviennent à maintenir l’intérêt, un certain sentiment de déception pointe néanmoins. La transition de l’horreur psychologique et mystérieuse vers une horreur plus graphique et démonstrative est moins convaincante. La mayonnaise ne prend pas complètement, d’autant que cette seconde partie se déroule presque entièrement dans une cave, un décor terne qui contraste avec les pièces inquiétantes, soigneusement décorées et magnifiquement éclairées par Chung Chung-Hoon ("Old Boy", "Last Night in Soho"), dans la première moitié.
Toutefois, même si la déception nous gagne peu à peu, il faut reconnaitre qu’il est difficile de deviner ou va nous mener le récit et qu’il tient le pari de rester captivant du début à la fin, malgré des baisses de rythme et des rebondissements qui nous laissent parfois sceptiques.
Au final, sceptiques, c’est sans doute ce qu’auraient dû être les sœurs Barnes et Paxton si elles avaient voulu passer une meilleure soirée que celle passée en compagnie de Reed. Mais si elles l’avaient fait, nous serions passés à côté de l’un des films d’horreur les plus originaux de ces derniers temps. Et malgré ses défauts, cela aurait été franchement dommage.