Tokyo gore police
Tokyo zankoku keisatsu
Après avoir bavé devant quelques images dégoulinantes d'hémoglobine, nombreux étaient ceux qui attendaient TOKYO GORE POLICE. Est-ce aussi gore que le titre le laisse entendre ? Est-ce Tokyoïte ? Est-ce qu'il y a des policiers ? Vous le saurez en regardant le film de Yoshihiro Nishimura, mais aussi en lisant la critique qui suit.
Dans un futur grisâtre, la police de Tokyo a été privatisée. Les exactions policières sont légion, et leurs interventions sont rarement douces. Dans cet univers sécuritaire, de nouveaux criminels sont apparus les "engineers". Cette nouvelle génération de malfaiteurs se révèle particulièrement coriace. Ce n'est rien d'autre qu'un ramassis de mutants dont les blessures se transforment en armes.
Pour lutter contre cette vermine, la Police de Tokyo dispose d'un agent spécial : Ruka (Eihi "Audition" Shiina). La jeune femme tranche du mutant à coups de katana, et espère bien pouvoir venger son père, mort dans des conditions pour le moins douteuses.
Avant de faire sombrer cette critique dans la description de la bouillie sanglante qu'est TOKYO GORE POLICE, Horreur.com vous propose un instant de méditation... Dans le but de faciliter cet instant de calme et d'harmonie, sachez qu'à l'heure actuelle, il n'existe aucune sortie Française de TOKYO GORE POLICE. Il faudra donc vous contenter du DVD américain édité par Media Blasters et qui ne dispose que des sous-titres anglais.
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A présent, le vif du sujet : Oui, TOKYO GORE POLICE porte bien son nom. L'action se déroule à Tokyo (dans un futur sombre, et pas éloigné des conceptions Kafkaiennes), où le sang et les uniformes sont légion. Toutefois, que les fans de barbaques et tripailles freinent leurs ardeurs. Le gore n'est pas la composante principale du film. Certes, celui-ci dégouline de mucus et viscosités en tous genres, cependant c'est son ambiance qui le rend sale et poisseux. Les mœurs violentes de la police, permises par sa privatisation, laissent entrevoir un Etat fachiste et prompt à user du bâton. Ces agents, qui semblent plus proches de vigilantes que de gardiens de la paix, arpentent des décors bétonnés à l'excès. Dans ces rues bardées de complexes industriels, tous les individus croisés semblent agonisants, suffoqués...
Le concept même du film se révèle particulièrement déviant. Imaginez donc, un maniaque à tronçonneuse qui se fait amputer le bras. Aussitôt, du moignon, émerge un nouveau membre prolongé d’une tronçonneuse intégrée à l'anatomie du tueur. Voilà qui est pour le moins original. Cependant, tout au long des 110 minutes, le spectateur attendra impatiemment l'apparition du prochain "engineer". La faute à une histoire bancale et à une ribambelle de personnages à peine esquissés. La quête de Ruka, et ses découvertes concernant la mort de son père, sont traitées maladroitement, et peinent à intéresser le spectateur. Les rebondissements de l'enquête sont brouillons ; ils ressemblent à de tristes prétextes pour guider l'héroïne d'un mutant à l'autre. De ce fait, les temps morts entre deux "engineers" sont ennuyants à regarder.
Peut-être cela vient-il du fait que le domaine de prédilection de Yoshihiro Nishimura est les effets spéciaux... ou peut-être des deux semaines de tournages qu'il aura fallu pour mettre le film en boite ?
Entre 1995 et 2008, Yoshihiro Nishimura n'a réalisé que trois films. TOKYO GORE POLICE est son troisième passage au poste de réalisateur. L'occasion s'est présentée alors qu'il travaillait sur le film "Machine Girl" en tant que créateur d'effets spéciaux. La production lui demande s’il souhaite réaliser un nouveau long et le maquilleur saute sur l'occasion. Il se lance alors dans un projet qui lui tient à coeur : TOKYO GORE POLICE, le remake de son premier film. A l'évocation du mot "remake", j'en vois déjà certains tressaillir. Il est certes dommage que TOKYO GORE POLICE souffre d'un rythme poussif, dû à un scénario ampoulé alors même que le réalisateur aura eu plus de 13 ans pour y réfléchir. Cependant, remake ou non, la donne reste la même, puisque son premier film demeure inédit de par chez nous. Et s’il aura fallu 13 ans à Yoshihiro Nishimura pour nous pondre un bestiaire de mutants déviants aussi fourni, alors pourquoi pas.
Certes, TOKYO GORE POLICE est beaucoup trop long, et il n'est pas rare de s'y ennuyer. Pourtant, il serait vraiment dommage de se priver des superbes effets spéciaux que Yoshihiro Nishimura dissémine tout au long de son film. S'ils ne sont pas forcément sanglants, ils ne sont jamais ragoutants, et rivalisent d'originalité malsaine. (Pour ne pas porter atteinte au seul intérêt du film, je n'en dirais pas plus). Âmes sensibles, s'abstenir.
Difficile, donc, d'émettre un jugement sur ce film qui en ravira certain par son aspect parfois "japanimisant" et qui en laissera d'autres parfaitement indifférents. Laissez lui donc sa chance, et si vous vous ennuyez, faites avance rapide pour aller jusqu'au prochain "engineer".