Godzilla (2014)

Godzilla (2014)

Le monstre le plus célèbre au monde devra affronter des créatures malveillantes nées de l'arrogance scientifique des humains et qui menacent notre existence.

GODZILLA (2014) | GODZILLA (2014) | 2014

Monsieur Edwards, 60 ans vous contemplent. Né en 1954, Godzilla est une des figures les plus prolifiques du cinéma : une longue histoire faite de films mémorables ("Godzilla", "Mothra contre Godzilla", "Godzilla, Mothra and King Ghidorah : giant monsters all-out-attack"…) d’insipides navets ("Le Fils de Godzilla", "Godzilla’s revenge") et d’un remake américain réalisé par Roland Emmerich ("Godzilla (1998)") généralement décrié par les fans de l’original (mais qui remplit, à mon sens, le cahier des charges du blockbuster estival). Autant dire que pour ce trentième film de la saga, dix ans après "Godzilla final wars", soixante ans après le film fondateur d’Ishiro Honda, le réalisateur de l’étonnant "Monsters" était attendu au tournant.

Malgré les craintes que pouvait inspirer ce nouvel épisode, la présence derrière la caméra de Gareth Edwards était de nature à rassurer les fans : avec "Monsters", il avait montré, malgré un budget très réduit, qu’il pouvait s’intéresser autant à ses personnages qu’à ses monstres tout en se montrant spectaculaire. Autre motif d’espoir : contrairement à Roland Emmerich, qui annonçait ne pas aimer le "Godzilla" d’Ishirô Honda, Gareth Edwards dit être un fan du Roi des Monstres. Un bon point donc, même si on a pu voir avec le "King Kong (2005)" de Peter Jackson qu’être fan n’empêche pas toujours de se planter.

Bref, c’est avec énormément de bonne volonté, mais aussi un budget bien plus conséquent que pour son film précédent (on parle de 500,000$ pour Monsters, et de 160 millions pour ce Godzilla) et un casting impressionnant (Aaron Taylor-Johnson, le héros de "Kick-Ass" ; Ken Watanabe, vu dans "Inception" et "Batman begins" ; Elizabeth Olsen, découverte dans l’excellent "Martha Marcy May Marlene" et apparue depuis dans le remake de "Old Boy" ou dans "Silent House" ; Bryan Cranston, connu pour son rôle dans la série "Breaking Bad" ; et la française Juliette Binoche) que Gareth Edwards nous propose donc la trentième aventure de Godzilla, la deuxième réalisée par les américains.

Et du coup, on en attendait sans doute un peu trop. Car aussi efficace que puisse être ce blockbuster monstrueux, j’en suis sorti déçu, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, force est de constater que tout cela est, tout comme chez Roland Emmerich, très américain. D’une narration horriblement classique, constituée la plupart du temps de scènes tombant du ciel (« ah oui, au fait, ça me fait penser qu’on avait découvert un autre monstre, si on allait vérifier ? »), à ce puritanisme omniprésent (la bonne petite famille américaine, la destruction de Las Vegas, les enfants et les animaux domestiques), tout fleure bon le chewing-gum. Ce n’est pas nécessairement un défaut, sauf quand le réalisateur tente de donner le change en rappelant régulièrement qu’il aime les films de monstres japonais, surtout s’ils ont été réalisés dans les années 90.

Car outre le fan service facile (un clin d’œil à Mothra par-ci, un personnage au nom bien connu par-là), Edwards va surtout faire du pied au fan de la saga japonaise en reprenant une trame classique dans les Godzilla et en reprenant directement plusieurs plans ou idées de la saga ("Godzilla & Mothra : the battle for Earth" par exemple), mais aussi des Gamera : on imagine mal qu’il n’ait pas pu voir "Gamera : l’attaque de Legion" ou "Gamera : la revanche d’Iris" par exemple. Là encore, ce n’est sans doute pas gênant pour tout le monde, mais ceux qui connaissent le kaiju eiga auront une inévitable impression de réchauffé : TOUTES les scènes visuellement réussies sont repompées… Du coup, son Godzilla ressemble surtout à une recette suivie sagement pour plaire au plus grand nombre : de gros morceaux de blockbuster américain, mélangés avec quelques arômes japonais, le tout saupoudré de personnages mis au premier plan.

Gareth Edwards aime ainsi le rappeler dans ses promos pour le film (c’est même pratiquement l’unique chose qu’il dira au public venu à l’avant-première au Grand Rex) : Godzilla est un film catastrophe, et la destruction d’une ville entraîne forcément des conséquences dramatiques pour les habitants, dans une œuvre sur laquelle plane régulièrement l’ombre des catastrophes naturelles récentes, comme Fukushima. Des habitants qui seront symbolisés par Elizabeth Olsen… dans des passages souvent ratés et / ou inutiles. Si on attendait beaucoup de cet aspect vu la relation très intéressante qu’il développait entre ses deux personnages dans Monsters, il sacrifie ici aux éléments les plus communs et nous livre des personnages sans aucun intérêt et tout simplement creux.

Mais alors, qu’en est-il de l’autre élément principal : les monstres. Eh bien, il faudra reconnaître une chose : les effets spéciaux sont magnifiques. Mais à trop vouloir mettre en avant ses personnages, le film en oublie presque ses créatures : Godzilla reste très discret pendant une grande partie du film, et MUTO n’est pas vraiment la créature la plus réussie du monde (sauf si on est fan de "Cloverfield"). Et quand enfin nous les verrons dans toute leur splendeur, cela ne débouchera que sur quelques scènes de destruction rapides et un affrontement dont on ne verra pas grand-chose la plupart du temps, le tout se déroulant souvent à l’arrière-plan pendant qu’on suit les mésaventures des héros. Bref, tout cela manque clairement de souffle, et on est très loin de l’aspect dantesque qui caractérise habituellement Godzilla, à l’exception des dernières minutes où le Roi des Monstres reprend enfin un peu de poil de la bête. Un peu.

Certes spectaculaire, le Godzilla de Gareth Edwards n’est hélas qu’un nouveau blockbuster américain sans aspérités, où le réalisateur se contente du strict minimum, trop occupé à respecter l’œuvre d’origine pour nous livrer un film plus personnel. Il peine même à livrer un film de monstres mémorable, là où un "Pacific Rim" avait au moins le mérite de proposer des affrontements titanesques en plus d’un véritable hommage au kaiju eiga. Une vraie déception donc, dont on sent surtout qu’elle a totalement dépassé son réalisateur, qui se loupe même sur les thèmes qu’il avait su développer dans "Monsters" (la Nature toute puissante, le drame humain accompagnant les catastrophes…). Reste que ça explose et que ça hurle assez souvent pour passer deux heures agréables, pour peu que vous pensiez à éviter une 3D qui brille une nouvelle fois par son inutilité…

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Note
3
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Steeve Raoult