Affiche française
CRIME A FROID | THRILLER / THEY CALL HER ONE EYE | 1974
Affiche originale
CRIME A FROID | THRILLER / THEY CALL HER ONE EYE | 1974
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Crime a froid

Thriller / they call her one eye

Après avoir été violée quand elle était enfant, Madelaine est devenue muette. Aujourd'hui, elle est une belle jeune fille qui vit dans une ferme avec ses parents. Voulant se rendre en ville, elle rate son bus. Elle est prise en stop par Tony qui l'invite au restaurant puis chez lui. Tony est un proxénète et il drogue Madelaine. Après l'avoir rendu accroc à la drogue, Tony envoie des clients à Madelaine mais celle-ci refuse. Tony lui crève un oeil avec un scalpel pour la punir. Madelaine se résout à obéir à son bourreau. Mais en apprenant la mort de ses parents, qui se sont suicidés suite aux lettres que Tony leur a envoyé, Madelaine va murir tranquillement sa vengeance et profiter de ses journées de libre pour devenir une femme fatale experte en combat, tir au fusil et en pilotage automobile. L'heure de la vengeance va bientôt sonner...

CRIME A FROID | THRILLER / THEY CALL HER ONE EYE | 1974

Voici donc ce film ultra controversé, totalement interdit dans son pays d'origine, la Suède, ainsi qu'en Finlande, et dont Quentin Tarantino a dit qu'il était le plus grand film de "rape and revenge" de tous les temps. Un film culte, qu'il a d'ailleurs fait visionner à Daryl Hannah pour les besoins du tournage de Kill Bill.

Culte, Thriller l'est, et surtout pour ceux qui ne l'ont pas vu. Le film était plutôt difficile à trouver, surtout en version intégrale, puisqu'il existe de nombreuses versions de Thriller mais dans des montages amputés de nombreuses scènes. Grâce à l'éditeur Synapse, Thriller a enfin eu les honneurs d'une sortie Dvd en version "totally uncut", scènes violentes et X étant bien présentes. En France, le film était sorti en Vhs sous le titre "Crime à Froid", avec le fameux slogan : le film que le cinéma n'a pas eu le courage de vous montrer. Un slogan qui amplifie encore l'aura d'oeuvre maudite et scandaleuse. Aux Usa, le film fut présenté en version tronquée sous le titre de "They call her one eye".

Réalisé en 1974, la genèse de Thriller a pour départ, comme tout film de "rape and revenge", un autre film suédois, réalisé par Ingmar Bergman, "La Source". Dans ce film, une jeune fille se fait violer puis tuer par deux vagabonds. Ils se réfugient dans une ferme qui appartient aux parents de la jeune fille. Ceux-ci vont alors se venger... Cette histoire vous rappelle évidemment un autre classique du film de "rape and revenge", à savoir "La derniere maison sur la gauche", dont Wes Craven n'a jamais caché que "La Source" était son film référence lorsqu'il réalisa le sien. Thriller ne reprend que partiellement les éléments du film de Bergman puisqu'ici, ce sera la jeune fille elle-même qui ménera sa propre vengeance. Une vengeance sans limite, où la pitié n'a pas sa place.

Il est certain qu'en 2005, Thriller n'aura pas conservé toute sa force et pourra même paraître ennuyeux pour qui ne sera pas "capté" par l'ambiance du film. En effet, le rythme du métrage est lent, très lent même, la caméra est souvent contemplative et froide, un peu à la manière des films de Michael Haneke ("Funny games") par exemple. Personnellement, j'ai été pris par le film dès le début et j'ai beaucoup aimé cet aspect de film un peu statique, froid, qui prend son temps. Mais je comprend que cette façon de filmer peut en rebuter plus d'un.

L'élément clé du film est sans conteste la très jolie Christina Lindberg, qui joue le rôle de Madelaine. De par son visage, son physique, son apparente fragilité, sa timidité, son regard froid, presque sans âme dans certaines séquences, elle porte littéralement le film sur ses épaules et lui apporte une dimension quasi mystique. Une dimension mystique qui trouvera son apogée dans la scène finale, dont nous reparlerons à la fin de cette critique. Heinz Hopf, qui joue le rôle de Tony, est très bon également, et se révèle un véritable "pourri", un homme que l'on aimerait bien frapper pour le punir de sa méchanceté.

Au début du film, nous assistons au viol de Madelaine alors qu'elle n'est qu'une enfant. Ce traumatisme emmurera la jeune fille dans un mutisme absolu. Devenue adulte, elle vit dans une petite ferme avec ses parents. Voulant se rendre à la ville, elle rate son bus mais est prise en stop par Tony, un beau ténébreux apparemment fortuné, roulant en voiture de luxe, qui l'invite au restaurant avant de l'amener chez lui. On sait tous qu'il faut se méfier des autostoppeurs mais également des conducteurs trop gentils, comme va l'apprendre à ses dépends Madelaine. En effet, Tony n'est qu'un abominable proxénète, qui, à l'aide d'un médecin véreux, va rendre Madelaine accroc à la drogue afin qu'elle lui obeisse totalement. Le personnage de Tony est particulièrement antipathique, car il semble n'avoir aucune morale. Seul l'argent compte, il se moque de la détresse de ses "recrues".

Une fois Madelaine sous l'emprise des drogues, il va la confier à un client. Une première rencontre qui ne se passe pas comme prévu, la jeune fille refusant les avances du client et lui griffant le visage de ses dix doigts. Une rebellion que Tony va réprimer de la plus ignoble façon, n'hésitant pas à crever un oeil à Madelaine avec un scalpel.
Une séquence "choc", qui rappelle celle du film de Bunuel, "un chien andalou". Dans Thriller, l'effet est également particulièrement réaliste et répugnant. La légende veut d'ailleurs que cet effet n'en soit pas un, le réalisateur ayant pu se servir d'un cadavre récent pour tourner la séquence, d'ou ce réalisme tétanisant. La séquence est d'autant plus cruelle et tragique que Madelaine est muette. On n'entend pas ses cris mais on lit sa souffrance et sa peur sur son visage quand la lame du scalpel s'approche de son oeil. Et on assiste, impuissant, à l'horrible punition.

Ce ne sera d'ailleurs pas la seule fois où le film semble faire participer le spectateur. Dans de nombreux plans en caméra subjective, voir des séquences entières, on a l'impression que les personnages s'adressent à nous directement. C'est particulièrement marquant quand Sally, l'autre prostituée de Tony, raconte sa tentative d'évasion et son projet d'aller faire une cure de desintoxication. L'actrice nous regarde, la caméra est fixe sur son visage et c'est à nous qu'elle raconte ses malheurs, ce qui rend la scène touchante et nous positionne encore dans un rôle de spectateur impuissant, tout comme Haneke le fera dans "Funny Games".

Nous retrouvons donc Madelaine avec un oeil en moins. Pour le camoufler, elle mettra un bandeau sur son oeil, comme les pirates en leur temps. Il ne s'agit que d'un simple bandeau mais pourtant, cet accessoire va apporter une dimension nouvelle au personnage et provoquer un petit "quelque chose" chez le spectateur qui n'oubliera jamais le visage de Madelaine et de son bandeau, et ce, bien longtemps après la vision du film. Une Madelaine muette, borgne, droguée, qui se résoud à accepter son rôle de prostituée pour pouvoir obtenir ses doses de drogues journalières. Le film va donc enchaîner sur une succession de rendez-vous pour la jeune fille, présentant des clients de tous horizons, comme un photographe, une lesbienne...

Afin de rendre son film encore plus osé et scandaleux, le réalisateur n'a pas hésité à ajouter des "inserts" pornographqiues aux séquences érotiques. Nous avons droit à des plans de pénétrations vaginales, puis anales, de durée variable, qui renforcent effectivement le côté voyeur et cru du film mais dont le parti-pris est discutable. En effet, ces plans ne sont là que pour faire dans le sensationnel et le film aurait été tout aussi bon en se contentant des scènes érotiques, nous présentant la superbe plastique de Christina, qui fait varier la couleur de son bandeau en fonction des affaires qu'elle porte (ou ne porte pas...). Bref, Madelaine devient vite la prostituée préférée des clients de Tony, qui l'appelle d'ailleurs "la pirate".

On pourra trouver étrange que Tony accorde des jours de repos fixe à Madelaine, qui peut faire ce qu'elle veut de ses journées. Même si dans une scène de dialogue, on comprend que Tony peut envoyer des cerbères récupérer ses protégées, on se demande pourquoi elles ne vont pas directement à la police. Passons ce petit détail. Madelaine reçoit une lettre de ses parents lui disant qu'ils ont été très affectés par la lettre qu'elle leur a envoyé (lettre qui a été écrite en fait par Tony afin de couper les liens familiaux). Elle décide donc d'aller rendre visite à ses parents mais en arrivant dans son village, elle découvre que par tristesse, ses parents se sont empoisonnés. A partir de cet instant, tout bascule pour Madelaine. Elle ne pense désormais qu'à une chose : se venger de Tony et de tous ceux qui ont abusé d'elle.

Notre "pirate" va alors mettre à profit les sommes d'argent qu'elle gagne avec ses passes et ses jours de repos pour apprendre différentes activités, comme le karaté, la conduite automobile façon rallye, l'utilisation des armes à feu, le tir. En peu de temps, elle développe des capacités hors du commun et devient rapidement une dangereuse femme fatale. Un jour, elle décide enfin de mettre sa vengeance en marche. Elle achète à un dealer de la drogue, un pistolet et une voiture volée. Elle se rend dans l'armurerie de son professeur de tir et prend un fusil dont elle scie le canon. Notre Madelaine est fin prête pour assouvir sa soif de vengeance.

Le film rentre alors dans la partie "revenge" et devient assez jubilatoire. Habillée tout en noir, un bandeau noir également sur son oeil, Madelaine se rend chez l'un de ses clients et le plombe de deux balles de fusil. Une scène filmée au ralenti (comme toutes les scènes ou elle se sert d'une arme d'ailleurs), qui donne l'impression que le temps s'arrête quand elle tire sur ses victimes. Le sang fait son apparition, un peu à la manière de Sam Peckinpah dans la "Horde Sauvage", avec les impacts de balles qui font exploser le ventre ou le dos des gens sur qui elle tire.

Madelaine continue son expédition punitive en liquidant deux autres clients et en ratant de peu Tony, qui n'a plus l'air de trop rigoler et engage deux assistants pour tendre un piège à Madelaine. Celle-ci s'en sortira sans soucis, liquidera les deux types avant de flinguer deux policiers venus l'arrêter. Elle profitera de leur voiture, et sera prise d'une irrésistible envie de faire le mal, comme dans la séquence où elle crée intentionnellement des accidents de la route. Sa raison a t-elle vacillé ? Ayant tout perdu, se sent-elle devenue un ange de la mort ?

Le spectateur lambda trouvera sûrement cette succession de séquences assez classique par rapport à la réputation du film. Il est certain qu'on a vu pire depuis et qu'effectivement, il n'y a rien de vraiment génial sur l'écran mais comme je le disais au début, si vous êtes rentré dans le film, vous suivrez ces séquences sans aucun ennui, voire même avec délectation, ce qui était mon cas.

Et puis arrive la séquence finale, où Madelaine se retrouve seule face à son bourreau, Tony. Et là, on se demande si on est bien dans le même film. Je vous parlais de dimension mystique, et bien nous y sommes ! La séquence finale est aux antipodes de tout ce qu'on a vu précédemment dans le film. C'est clair, on se croirait arriver en plein western spaghetti, style Django ou les 4 de l'apocalypse. Madelaine est seule face à Tony, son manteau noir flotte au vent, la caméra fait de long gros plan sur son visage, on se dit que Sergio Leone vient de passer aux commandes. On assiste à un vrai duel westernien. Tony dégaine le premier mais Madelaine avait tout prévu et c'est elle qui l'atteint la première. Ensuite, comme dans les westerns, Madelaine ne se contente pas de finir son bourreau. Non, la partie sombre et cruelle des westerns spaghettis est bien présente car Madelaine vide son chargeur dans le genou de Tony, histoire de faire beaucoup de mal à celui qui lui en a fait. Puis, nouveau choc pour le spectateur. Sous un ciel magnifique, on retrouve Tony, enseveli sous des caillou, n'ayant que sa tête qui dépasse du sol. Madelaine, ange noir de la mort, lui passe une corde autour du cou qu'elle vient attacher à la selle d'un cheval. Elle met un seau d'eau devant le nez du cheval, s'assoit et attend que l'animal avance, ce qui provoquera la pendaison de Tony. Une séquence magique, impressionnante, somptueuse, presque onirique. Une pure merveille. Je ne sais pas ce qui a pris au réalisateur de faire ça, mais alors là, chapeau bas !

Honnêtement, cette séquence finale reste inoubliable et réhausse la note finale du film. En clair, Thriller ne s'adresse pas à n'importe qui. Déjà pas aux plus jeunes à cause des quelques séquences pornographiques. Ensuite, de par son rythme, le film ne plaira sûrement pas à tout le monde, ça c'est sûr. Thriller est un film qui ne laisse pas indifférent, qu'on va aimer ou détester. Pour ma part, j'ai choisi mon camp et je l'ai déjà revu une seconde fois, toujours avec le même plaisir. Ce film m'a vraiment captivé et rien que pour la scène de fin, il mérite d'être vu. Assurément, l'un des meilleurs "rape and revenge" de tous les temps. Vous aviez raison monsieur Tarantino !

CRIME A FROID | THRILLER / THEY CALL HER ONE EYE | 1974
CRIME A FROID | THRILLER / THEY CALL HER ONE EYE | 1974
CRIME A FROID | THRILLER / THEY CALL HER ONE EYE | 1974

* Lorsque Madelaine conduit, eh bien, ce n'est pas elle qui conduit car Christina Lindberg n'avait pas le permis. C'est un professionnel qui est allongé dans la voiture et qui la conduit.

Note
5
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Stéphane Erbisti