Black mirror (saison 1)
Black mirror
Le Premier ministre Michael Callow se retrouve face à un dilemme énorme et choquant lorsque la princesse Susannah, un membre bien-aimé de la famille royale, est kidnappée ;
Bing Madsen vit dans un monde où les écrans sont omniprésents. Comme tous ses congénères, il passe ses journées à pédaler sur un vélo d'appartement pour accumuler des crédits qui lui permettront d'avoir accès à différentes émissions. Un jour, il rencontre Abi Carner qui rêve de devenir chanteuse. Ensemble, ils vont découvrir l'envers du décor de ce monde virtuel ;
Liam Foxwell est un jeune avocat en recherche d'emploi. Comme beaucoup de monde, il a une puce implantée derrière l'oreille qui lui permet de stocker ses souvenirs et de les consulter quand bon lui semble.
L'AVIS :
Black Mirror est une série britannique, créée par Charlie Brooker, à qui l’on devait déjà l’excellente série Dead Set, où les participants d’une émission de télé-réalité étaient les derniers survivants d’une invasion de zombies. Black Mirror, le miroir noir, celui du smartphone, de la tablette, de l’ordinateur éteint ou en veille et qui nous renvoie notre propre reflet…
La série est actuellement composée de deux saisons, comprenant chacune trois épisodes d’une durée comprise entre quarante minutes et une heure. Chaque épisode est indépendant des autres, avec un casting différent, des décors différents, une histoire différente : leur seul lien sera en fait cette thématique commune de l’omniprésence des réseaux sociaux et du monde virtuel, et leurs dérives possibles. Entre science-fiction, satire politique, anticipation ou dystopie, Black Mirror mélange les genres et va constamment jouer avec nos sentiments, nous mettant régulièrement mal à l’aise.
Cette première saison comprend donc trois épisodes, chacun étant meilleur que le précédent. Dans le premier, The National Anthem, le Premier ministre Michael Callow se retrouve face à un dilemme énorme et choquant lorsque la princesse Susannah, un membre bien-aimé de la famille royale, est kidnappée. Pour assurer son retour en toute sécurité, le Premier ministre doit avoir des rapports sexuels avec un porc à la télévision nationale. Un synopsis choc et volontairement exagéré afin de dénoncer la place qu’occupent désormais les réseaux sociaux dans la vie de chaque individu, mais aussi leur influence sur la sphère politique : à chaque étape de l’épisode, l’entourage du Premier ministre consulte les opinions émises sur Twitter (le Premier ministre doit-il accepter ?), et constate la versatilité du public et des médias, d’abord dépassés par Youtube, puis se lançant dans une course effrénée à l’information. L’épisode cible également le voyeurisme, et cette volonté ultime de tout voir, même ce qui nous dégoute le plus, comme hypnotisés devant l’écran. Bref, un épisode bien corsé pour commencer, mais qui reste pourtant le moins intéressant de cette première saison.
Avec le second, 15 Millions Merits, on plonge un peu plus dans la science-fiction : Bingham Madsen est l’un des milliers d’individus dont la vie est parfaitement réglée. Chaque jour, vêtu de sa combinaison grise, il pédale sur un vélo d’intérieur, alimentant la structure en électricité, et gagnant ainsi des crédits. Ceux-ci peuvent être dépensés pour se nourrir, pour acheter des programmes télévisés, pour ignorer les publicités ou pour personnaliser un avatar virtuel. Plus l’individu pédale, plus il gagne de crédits, et peut se rapprocher du but ultime : obtenir 15 millions de crédits afin de participer à Hot Shots, une émission inspirée de X-Factor ou Britain’s got talent, afin de devenir célèbres. Dans ce monde futuriste où chaque individu doit se comporter de la même façon, les obèses ne peuvent participer à l’activité sportive et sont cantonnés au rôle de personnel de nettoyage ou humiliés dans des émissions de télé-réalité. Quant à la compétition Hot Shots, si elle donne effectivement l’occasion d’accéder à la célébrité, elle parvient surtout à briser les talents et à tuer dans l’œuf toute volonté de révolte. Une parabole évidente de la course à la célébrité facile et de ce que certains sont prêts à faire pour y accéder, mais aussi une nouvelle critique de l’omniprésence et du cynisme des médias, figures de proue de cette uniformisation du consommateur. Si le rythme est moins soutenu que pour le premier épisode, 15 Million Merits se révèle bien plus intelligent, et nous amène clairement à nous interroger sur un monde qui n’est finalement pas si éloigné de ce que nous pouvoir observer quotidiennement…
Enfin, cette première saison se termine avec ce que je considère comme le meilleur épisode des deux premières saisons : The Entire History of you. Liam Foxwell est un jeune avocat en recherche d'emploi. Comme beaucoup de monde, il a une puce implantée derrière l'oreille qui lui permet de stocker ses souvenirs et de les consulter quand bon lui semble. Un soir, lors d'un dîner entre amis, Liam commence à avoir des doutes quant à la fidélité de sa femme. Il va alors mener son enquête en utilisant les images enregistrées sur sa puce. Particulièrement perturbant, l’épisode nous met face à un monde où chacun de nos gestes, chacune de nos paroles, peut-être vu et revu par les autres, et où aucune information n’est réellement à l’abri. Si l’on pense immanquablement à Facebook et à ses dérives, on s’interroge également sur le tout-numérique permettant de tout enregistrer, sauvegarder et réutiliser très facilement, et permettant surtout de déshumaniser les contacts et d’altérer la perception de la réalité chez certains. Un véritable coup de poing, qui pourrait d’ailleurs devenir un long métrage, ayant suscité l’intérêt de Robert Downey Jr.
Bref, cette première saison est une véritable réussite, d’une intelligence rare sans être pour autant hermétique. Sans forcer le trait, utilisant à merveille des ingrédients de science-fiction, d’anticipation ou de satyre, Black Mirror nous met régulièrement mal à l’aise, abordant frontalement ses thématiques et en ciblant chaque défaut, chaque dérive possible, pour un résultat horriblement réaliste. Absolument remarquable.