Giallo
Giallo
En Italie, une jeune femme pense que sa sœur a été kidnappée. L'inspecteur chargé de cette affaire craint le pire en pensant qu'elle soit tombée aux mains d'un serial killer qui se fait appeler Yellow.
La vieillesse est un naufrage disait Charles de Gaulle (qui fut un grand amateur de film d'horreur. Et si ce n'est pas vrai, qu'il vienne me contredire !). Un naufrage qui dans le cas de Dario Argento semble devoir durer longtemps, très longtemps. Une longue agonie non seulement pour lui mais aussi pour les fans de la première heure.
Pendant longtemps, il fut celui qui fit imploser les lignes et dynamita le genre avec une poignée de métrages tous plus incroyables les uns que les autres ("L'oiseau au plumage de cristal", "Suspiria", "Inferno", "Ténèbres", "Les frissons de l'angoisse"), puis vint le temps de la latence où son oeuvre oscilla entre le quelconque (souvent) et le brillant (parfois), mais toujours nanti de quelques éclairs vibrionnants de génie dans chacun de ses films.
Vint enfin le temps des cerises, le temps des copains, le temps du bousin où le réalisateur innovant et à la "posture rock n'roll" laissa place à un petit vieux réussissant à faire des films uniquement sur son nom avec un sens de l'épure confondant (ça c'est pour être gentil un peu).
Même les Dieux peuvent donc tomber de leur piédestal et lourdement.
Après avoir jugé bon de trahir les couleurs originales pour une récente édition DVD de "Suspiria" (est-ce que l'on change les couleurs de La Joconde ou du Radeau de la méduse, non mais !), après s'être vautré dans l'abus de somnifères avec "The card player" , après avoir démystifié sa trilogie des trois mères avec son hommage zédifiant à feu Bruno Mattei : "Mother of tears", le bon Dario s'attaque cette fois à son dernier titre encore en vie, celui de maître du giallo.
Car voyez-vous, même si ce film est vendu comme le retour du réalisateur à un genre tombé, hélas, en désuétude, Giallo n'est pas un.....giallo. Aucuns des codes s'y rattachant n'y est en effet présent. La seule oeuvre auquelle on pourrait éventuellement le rattacher serait plutôt à chercher du côté de "Louis la brocante" pour l'intrigue et "Le renard" pour le rythme.
L'impression d'être cloué chez papy et mamie un froid et pluvieux dimanche soir d'hiver et de devoir regarder une fiction de France Télévision en somme.
Doit-on chercher dans la psychanalyse les raisons qui pousseraient Dario Argento à démolir lui-même son oeuvre ? Si vous connaissez un pote à Freud ou à Jung, il serait bien aimable de lui poser la question...
Ca commence mollement, ça se poursuit mollement et ça finit mollement.
Triste comme un amour finissant, triste comme une paire de gants pour lépreux, triste comme mamie ayant oublié le numéro de sa carte bleue. Triste.
A ce stade de ma harangue (de la Baltique) et pour ne pas que vous croyiez que je conchie (dans la colle) Dario Argento uniquement par pure aigreur et par pur plaisir, il est bon de dire que le film ne se révèle pas ennuyeux en soi.
Encore faudra-t-il pour cela prendre ce " Giallo" pour ce qu'il est finalement, à savoir un téléfilm de deuxième partie de soirée avec un peu de violence dedans.
Ca a la couleur d'un téléfilm, la forme d'un téléfilm, la cadence d'un téléfilm, mais contrairement à Canada Dry, c'est un téléfilm.
Si l'on désire passer une soirée tranquille au coin du feu en se matant un truc qui ne prend pas la tête et si on a rien d'autre à se mettre sous la dent, alors (et alors seulement) le métrage fera bien l'affaire.
Brody parle à son couteau, il a une idée, Seigner regarde la flamme d'un briquet, elle a une idée, Brody fume une clope, il a une idée (et il fume souvent ! A dégoûter les adeptes de la loi Evin )…c'est fou le nombre d'idées géniales qu'ils ont avec rien ces gens-là !
Tout cela pour dire que niveau scénario, les trois (sic !) scénaristes ne se sont pas foulés pour faire avancer leur intrigue. C'est plus des ficelles, ce sont des cordages de cargo !
Le tout étant noyé dans des flashbacks sur l'horrible aventure qu'a connue le flic joué par Brody et qui sert de justification unique à sa solitude et son côté "ours qui travaille seul car il n'arrive pas à avoir de sentiments pour les autres" (patati-patalère). Notons tout de même que c'est dans ces séquences que l'on peut retrouver quelques "inventions" de mise en scène.
Brody est un acteur sérieux, mais ici il n'est que l'ombre de lui-même, monolithique dans son jeu (deux expressions, avec et sans sa clope), traînant son ennui de séquence en séquence. Il est en cela rejoint par une Emmanuelle Seigner qui n'a rien de…saignante et qui débite de sirupeux dialogues avec son complice policier. Elsa Pataki est fort jolie, mais son rôle consiste à crier et hurler le plus fort possible (ce qu'elle fait ma foi fort bien). Argento n'a jamais été un grand directeur d'acteurs certes, mais là on atteint pratiquement la profondeur de la faille de San Andréas.
Et puis, et puis, il y a le serial killer (joué par un Brody grimé, caché sous l'anagramme de Byron Deidra, mais on ne nous l'a fait pas hein !). Personnage central de l'intrigue autour duquel tout devrait tourner.
Déjà il y a son look, mon dieu son look !! Imaginez un sosie de Sylvester Stallone dans Rambo mais avec la peau vérolée et jaunie par une maladie nommée "Ictère" (plus connue sous le nom de jaunisse, d'où le nom du film et oui !), affublé d'un gros nez (jaune aussi) et vous aurez une petit idée de ce que l'on a pu se moquer de lui pendant son enfance.
C'est d'ailleurs de cette époque qu'il tient sa folie, celle de vouloir détruire ce qui est beau et tout particulièrement les belles femmes qu'il kidnappe, torture et tue.
Argento tente donc de mettre en parallèle le serial-killer et le flic, insistant lourdement sur la personnalité fort proche des deux personnages (traumatisme de l'enfance, solitude, tentative d'exorciser leurs névroses, l'un par le crime, l'autre par la recherche des criminels…).
Une vision freudienne des choses, axée sur le double que Dario Argento a déjà utilisé dans certains de ses précédents films, mais qui ici tombe à plat, principalement à cause d'un scénario qui ne réserve aucune surprise et dont on voir arriver les différentes étapes d'aussi loin que la vue porte un jour de beau temps dans une plaine dégagée.
Le quarteron de fidèles qui continuent à voir dans tout film de l'ex maître italien des références à son œuvre et des qualités à ses poussives tentatives récentes. Ceux-là pourront toujours noter que le film fait consciemment ou inconsciemment de nombreux clins d'œil à la plupart de ses long-métrages majeurs (citons entre autre, "Opéra", " Ténèbres" ou encore "L'oiseau au plumage de cristal" ). Les miettes, rien que les miettes de ce que fut sa magnificence.
Ayant sans doute conscience qu'avec un scénario navrant, des dialogues dignes des musclés, des acteurs peu concernés et un rythme mollasson, il ne pourrait pas en tirer grand-chose, il se tourne vers la violence et une forme de gore (light) dans quelques scènes.
Fortes, elles font mal, voir très mal, le montage étant particulièrement percutant (contrairement à toutes les autres séquences), mais c'est bien peu et cela ne fait pas un film.
L'allongement programmé de l'âge du départ à la retraite étant d'actualité, on pourrait conseiller au réalisateur de se pencher sérieusement sur son dossier. Son nombre de trimestres de cotisations nécessaires est peut-être atteint. Il a bien mérité de se reposer, et d'arrêter de nous faire de la peine.
ILLIC STETIMUS ET FLEVIMUS, QUUM RECORDAREMUR ARGENTUM (Là nous nous sommes arrêtés, et nous avons pleuré en pensant à Argento).